Une longue procédure… - La Semaine Vétérinaire n° 1930 du 01/02/2022
La Semaine Vétérinaire n° 1930 du 01/02/2022

Jurisprudence

ENTREPRISE

Auteur(s) : Céline Peccavy

Suite et fin d’une affaire qui aura duré en tout et pour tout près de huit années. Une longue période qui se solde pour l’éleveuse par une victoire judiciaire, mais à quel prix ? Un éleveur ne ressort pas indemne de tant d’années de soucis.

L'affaire commence le 25 juin 2014. Ce jour-là, Mme A, seule mentionnée comme acquéreur sur l’acte de vente, fait l’acquisition auprès de Mme V d’un chien de race Cavalier King Charles nommé Jaden. Ce dernier est cédé contractuellement pour la compagnie avec un prix de vente de 1000 euros. Il n’est donc pas garanti pour la reproduction. Malgré cela, Mme V, qui souhaite conserver la lignée de son chiot, s’est réservée, également contractuellement, une saillie gratuite.

D’un premier abord, la démarche peut paraître contradictoire. Il n’en est pourtant rien si on garde bien à l’esprit que vendre un chien pour compagnie n’interdit pas à l’acheteur de faire reproduire le chien dans le futur. Simplement, si le chien, pour une raison ou une autre, ne peut reproduire, alors la garantie du vendeur ne sera pas engagée.

Jaden est un beau chiot qui va amener sa propriétaire à le présenter en expositions. Il va obtenir de bons résultats. Elle décide alors de le faire reproduire et dans cette optique, elle fait réaliser des tests. C’est le début du conflit. Le 22 juillet 2016, un résultat tombe : Jaden est atteint de l’EFS (syndrome de chute épisodique). Même si Jaden ne présente strictement aucun signe clinique, Mme A affirme qu’il ne pourra jamais reproduire et qu’en conséquence, elle subit un énorme préjudice.

Elle refusera également pour ce motif toute possibilité à Mme V de faire saillir une de ses femelles par Jaden. Pour faire valoir son préjudice et accompagnée dans cette procédure par son époux, Mme A va saisir le tribunal d’Instance de St Nazaire. Elle fonde alors son action sur la garantie des vices cachés. C’est un débouté total qui sera prononcé par un jugement rendu le 14 mars 2018.

Un débouté hautement prévisible car le contrat de cession ne prévoyait nullement de dérogation au Code rural permettant l’application de la garantie des vices cachés. Mme A sera par ailleurs condamnée à verser 200 euros à Mme V pour la saillie refusée. Quant à Monsieur A, il sera déclaré irrecevable dans ses demandes car n'ayant juridiquement aucun lien avec Madame V lui donnant qualité ou intérêt à agir.

Mécontents de cette décision, les époux A vont relever appel le 22 juin 2018. C’est alors une longue procédure qui s’engage devant la cour d’appel de Rennes. Pour les époux A, c’est un changement d’avocat et de fondement juridique. Exit la garantie des vices cachés, qui va faire place à la garantie de conformité. Nouveau fondement très étonnant car la garantie de conformité n’est recevable que pendant les deux années qui suivent la vente.

Mais cela n’arrête pas les époux A qui affirment qu’il n’y a pas prescription et que leur action est recevable « comme étant fondée par la reconnaissance par la venderesse et la preuve avérée que le test de l’EFS n’avait pas été fait, l’animal ayant été vendu alors que ses parents étaient porteurs de la maladie génétique ». On peine à comprendre cette argumentation bien tortueuse.

La Cour, elle, n’en fera qu’une bouchée : « Aux termes du code de la consommation […] l’action résultant de la garantie légale de conformité se prescrit par deux ans à compter de la délivrance du bien. Or, en l’espèce, la vente a été conclue le 25 juin 2014 et l’animal a été délivré le jour même, ainsi que cela ressort des mentions de l’acte, de sorte que l’action engagée par acte introductif d’instance du 6 février 2017 est prescrite. » Nouveau débouté donc pour les deux époux A et confirmation par ailleurs de la somme de 200 euros pour la saillie refusée.

À s’entêter vainement, les époux A ont dû non seulement régler les honoraires de leurs propres avocats mais également verser près de 3500 euros à Mme V. Colère, quand tu nous tiens…

  • Commentaire de l’arrêt rendu par la cour d’appel de Rennes le 24 septembre 2021
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