Les pratiques des propriétaires de chevaux âgés - La Semaine Vétérinaire n° 1930 du 01/02/2022
La Semaine Vétérinaire n° 1930 du 01/02/2022

Enquête

FORMATION MIXTE

Auteur(s) : Anne Couroucé

D’après la thèse de Juliette Fiegel (2021) sous la direction d'Anne Couroucé : État des lieux des pratiques des propriétaires de chevaux âgés en France à partir d’une enquête. Oniris, 98 pages.

Cette thèse a pour objectifs de décrire l’effectif des chevaux âgés ainsi que leurs caractéristiques démographiques et cliniques, puis de s’intéresser à la gestion de la retraite du cheval par son propriétaire, et plus particulièrement à la gestion de l’environnement, de la nutrition et des pratiques de médecine préventive.

Le questionnaire était divisé en cinq parties avec six questions concernant le profil des équidés, cinq sur l’environnement et l’activité, six sur la ration alimentaire, six sur les mesures de prévention et de suivi et une sur les affections chroniques. En un mois, 789 réponses ont été obtenues avec une population composée à 45% de juments, 53% de hongres et 2% d’étalons.

Afin de répondre à la question “Mon cheval est-il âgé ?”, on peut se baser sur l’âge chronologique ou l’âge physiologique.

Âge chronologique : la population équine française, 1 060 000 équidés en 2016, vieillit. D’après l’Institut français du cheval et de l'équitation (IFCE), l’âge moyen des équidés est passé de 8,4 ans en 2008 à 9,9 ans en 2016. En effet, 42% des équidés avaient plus de 11 ans et 11% plus de 20 ans en 2016, alors qu’ils n’étaient respectivement que 34% et 7% en 2008.

Âge physiologique : il se traduit par les signes extérieurs de vieillissement : poils grisonnants, mue plus tardive et plus longue, creusement des salières, fonte musculaire, affaissement du dos, amaigrissement, déformations articulaires et raideurs…

La difficulté réside dans le fait que ces signes sont nombreux et qu’un même signe peut avoir une incidence différente en fonction de l’individu. De plus, leur évaluation repose sur la subjectivité de chacun.

Les résultats démographiques de cette étude sont similaires, pour la plupart des critères, aux autres études menées principalement au Royaume-Uni, aux États-Unis et en Australie. Ainsi, les chevaux et poneys gériatriques représentent une part significative et en augmentation de la population équine et nécessitent un investissement supplémentaire de la part de leur propriétaire. De même, les vétérinaires doivent s’attendre à soigner des équidés de plus en plus âgés et adapter leurs conseils.

 Sans surprise, l’activité montée des équidés diminue avec l’âge. Les raisons de mise à la retraite sont très variables et pour moitié seulement dues à des raisons de santé. Les chevaux âgés ont majoritairement des contacts directs réguliers avec des congénères et ont accès à un paddock ou un pré au minimum quelques heures dans la journée, ce qui peut être un complément intéressant pour leur ration.

Il existe de nombreuses solutions adaptées qui permettent aux chevaux gériatriques de passer une retraite agréable et acceptable. Néanmoins, les frais occasionnés sont réels et pas forcément moindres que ceux d’un cheval adulte. Cela doit être pris en compte par le propriétaire, qui ne peut pas se contenter de mettre son vieux cheval en pâture et le laisser vivre sa vie. Ces animaux nécessitent de l’attention et des soins d’autant plus réguliers avec l’avancement en âge.

Les résultats de cette étude montrent que l’accès aux fibres, indispensable au bon fonctionnement du transit digestif, semble être bien mené par la plupart des propriétaires. En effet, la majorité des chevaux ont accès au foin à volonté ou distribué deux fois par jour, bien que la quantité distribuée annoncée reste très variable d’un propriétaire à l’autre, et à l’herbe au minimum quelques heures par jour. Avec l’âge et l’apparition d’affections bucco-dentaires, les propriétaires s’adaptent en apportant les fibres par des bouchons de foin, de la pulpe de betterave ou du son de blé réhydratés.

Avec l’âge, on note une augmentation de la complémentation en aliments à visée énergétique, majoritairement l’orge, les granulés et floconnés “pour cheval senior” et l’huile. Hormis une discrète baisse de l’utilisation de fruits et légumes et une discrète hausse des compléments phytothérapeutiques, les autres compléments varient peu avec l’âge.

Les propriétaires cherchent à ce que leur cheval ait une longévité maximale, dans les meilleures conditions de bien-être et en atténuant autant que possible l’effet du vieillissement. Ainsi, une alimentation rationnelle et adaptée, répondant aux besoins du cheval gériatrique et à ses éventuelles affections, est primordiale. Le vétérinaire est un interlocuteur essentiel dans cette démarche. Tout changement dans le comportement alimentaire doit alerter le propriétaire et le vétérinaire et mener à des examens complémentaires.

Les résultats de l’enquête montrent que globalement, le suivi quotidien baisse avec l’augmentation de l’âge des équidés. Il en est de même pour la vaccination contre le tétanos et la grippe équine, contrairement à la prévention contre les parasites internes qui ne semble pas varier en fonction de la classe d’âge.

Les maréchaux-ferrants ferrent moins et voient moins souvent les chevaux vieillissants, tout comme les ostéopathes et acupuncteurs équins. Il y a une baisse de la fréquence d’entretien des sabots avec l’augmentation de l’âge (p<0,05) et une baisse de la fréquence d’entretien avec la mise à la retraite (p<0,05), sachant que les recommandations dans la littérature sont un entretien toutes les 4 à 8 semaines. Malgré l’augmentation de la fréquence des prises de sang avec l’âge, notamment due au suivi du syndrome de Cushing pour une partie des chevaux, la fréquence de venue des techniciens dentaires et vétérinaires ne semble pas varier.

La vaccination ne semble pas faire l’unanimité, avec près de 25% des propriétaires qui ne vaccinent pas correctement leur cheval âgé contre le tétanos. Les propriétaires gagneraient à faire plus de coprologies à leur cheval afin de mieux adapter le traitement, bien que la plupart des chevaux gériatriques ne semblent pas survermifugés. Ainsi, les recommandations ne sont pas encore suivies correctement par les détenteurs. Cela semble être un point sur lequel les vétérinaires doivent insister lors de leurs visites. Concernant la dentisterie, les propriétaires semblent conscients de son importance. Seuls 7% des chevaux n’y ont pas accès.

La population de chevaux gériatriques ne cesse d’augmenter en France mais également dans les autres pays industrialisés. La médecine gériatrique gagne de l’importance au sein de la médecine équine vétérinaire. La médicalisation des chevaux âgés, bien qu’encore inférieure à celle de la population globale des équidés, tend à augmenter. Les chevaux gériatriques ayant des affections et des besoins particuliers, il est important que les vétérinaires y soient formés afin de répondre aux attentes de leurs clients.

Il semble donc important de se poser la question de la mise en place de plans de prévention pour le suivi des chevaux gériatriques. La figure 1 montre tout l’intérêt tant pour les animaux que pour les propriétaires et les vétérinaires. Tout cela passera par l’éducation des propriétaires. D’ores et déjà, la visite sanitaire sensibilise les détenteurs à une thématique d’intérêt en santé publique vétérinaire en leur fournissant des conseils personnalisés. Cela permet aux propriétaires de gagner en assurance dans l’observation de leurs équidés et dans les soins.

On peut se poser la question de la délivrance d’un certificat de détention pour les propriétaires car, à ce jour, aucune formation ou certification d’aptitude n’est nécessaire pour posséder ou détenir un équidé. La mise en place de nouveaux services par le vétérinaire tels que des plans de prévention ou des formations pour les propriétaires pourrait permettre d’augmenter le niveau de suivi des chevaux âgés et de fidéliser la clientèle en devenir.

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