Les données et la gestion de la santé animale : des opportunités pour les vétérinaires ? - La Semaine Vétérinaire n° 1930 du 01/02/2022
La Semaine Vétérinaire n° 1930 du 01/02/2022

Numérique en élevage

ANALYSE MIXTE

Auteur(s) : Clothilde Barde

À l'ère du digital et du big data, la notion de données est partout et le monde vétérinaire n'échappe pas à la règle. À l'occasion de la séance thématique "Données cliniques vétérinaires: récolte et gestion" de l’Académie nationale vétérinaire de France (ANVF) du 20 janvier 2022, le Dr vétérinaire Raphaël Guatteo, professeur en médecine des animaux d’élevage à ONIRIS (Nantes), a brossé un panorama des données mobilisables par les vétérinaires et dont ils peuvent tirer des opportunités.

« La médecine de demain va évoluer vers une "médecine des 6P" : prédictive, préventive, personnalisée, participative, basée sur preuves et suivant un parcours de soin », a annoncé Raphaël Guatteo, le 20 janvier dernier à l'occasion d'une conférence de l'ANVF portant sur le vétérinaire et le numérique. En effet, comme l’a indiqué ce dernier, les apports des objets connectés et de l’intelligence artificielle (IA) sont nombreux. L'accès aux données numériques d'un élevage ou d’un animal de compagnie équipé d’un dispositif 24h/24h et 7j/7j permet un suivi individuel des animaux.

Les informations recueillies à distance sur chaque animal sont chiffrées, objectives (absence de biais dus au propriétaire) et elles complètent ou enrichissent celles obtenues par l'examen clinique seul. Cependant, comme l'a indiqué le conférencier, il existe encore de nombreuses pierres d’achoppement dans l’accès et dans l’utilisation des données numériques en élevage. Ainsi, les référentiels et les données de santé font parfois défaut, il y a un manque de formations et de collaborations entre les utilisateurs (éleveurs, vétérinaires) et les ingénieurs et spécialistes en IA et surtout une faible interopérabilité entre les systèmes. « Les données de santé sont trop peu valorisées actuellement car les systèmes sont très fermés », a déploré le conférencier. 

Toutefois, comme il l’a ajouté, le vétérinaire peut trouver dans cette situation des opportunités pour intervenir en élevage dans sa pratique quotidienne. À cet égard, selon lui, "c’est le moment pour le vétérinaire de prendre toute sa place en sélectionnant les données d’intérêt qui pourraient ensuite être échangées entre professionnels de santé pour créer un réseau" .

Actuellement, certaines données, qui ne coûtent rien, peuvent déjà être valorisées par optimisation des plannings, benchmarking, segmentation de la clientèle et gestion des rappels de vaccination (notamment en filière bovine) par exemple. Pour cela, la première étape consiste en l'inventaire des données disponibles. Il s’agit de données brutes, non interprétées, répétables et reproductibles, saisies de façon harmonisée, standardisée (surtout dans les réseaux et groupes de cliniques), faciles à extraire, à consulter et à partager et stockées de façon sure, pérenne et légale (RGPD).

Puis, dans un second temps, les informations utiles peuvent être cartographiées, en leur affectant des rôles et des catégories et en analysant leur potentiel pour les entreprises vétérinaires. De plus, les données numériques collectées peuvent être valorisées dans le cadre d'une suivi à distance (télésurveillance). En cas "d'alerte numérique", la consultation peut être déclenchée. Il faut donc, pour que la donnée puisse être analysée et prise en compte dans l’examen clinique, que les signaux d'alerte reçus soient fiables et dynamiques.

Toutefois, comme l'a ajouté le conférencier, « il ne faut pas se cantonner aux situations d'alerte. Les informations numériques sont autant d'indices permettant de détecter de façon précoce l'émergence de maladies à l'échelle du troupeau (durées de gestation, indices précoces de cas de fièvre catarrhale ovine par exemple). » Enfin, dans le cadre du suivi thérapeutique des animaux (reprise de rumination, température, activité), les données numériques ont toute leur place pour évaluer efficacité et observance. Les données permettent également de bien préparer ses visites lors de suivi de troupeaux en identifiant les animaux divergents.

"La clé du succès, a ajouté le conférencier, vient du fait qu'elles sont accessibles en réseaux interconnectés." Pour cela, le vétérinaire doit stocker toutes les données qu’il produit (analyse, antibiogramme, prescription, diagnostic, non diagnostic, niveau de santé) mais aussi les résultats des examens complémentaires effectués (kit introduction par exemple, suivi élevage, BSE). Enfin, en termes de santé publique (antibiorésistance, résistance antiparasitaire, réduction de l'utilisation des intrants...) mais aussi de bien-être animal (étiquetage BEA, traçabilité (blockchain)), le numérique permet de grandes avancées. Par exemple, pour l’étiquetage du BEA, plus de critères (morbidité, mortalité, traitements et lésions) sont pris en compte aujourd'hui grâce aux data et les données des vétérinaires permettraient de raffiner cette mesure. De nombreuses opportunités de développement existent donc aujourd'hui grâce au numérique. Comme l’a conclu Raphaël Guatteo, "il ne faut surtout pas que les vétérinaires se disent que le train est déjà passé, nous sommes dans le train avec des données dans nos bagages". 

Quelques définitions

Télérégulation : orientation du propriétaire par un vétérinaire en situation d’urgence.

Téléconsultation : consultation à distance par un vétérinaire en temps réel.

Télésurveillance : interprétation à distance des données nécessaires au suivi.

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