Orthopédie
FORMATION CANINE
Auteur(s) : Arthur Petitpré, Bertrand Pucheu (DESV en chirurgie vétérinaire) et Laetitia Boland (diplomate ECVS), praticiens au CHV Nordvet, La Madeline (Nord)
Présentation du cas
Un chat british shorthair mâle castré de 1 an est présenté pour une boiterie du membre postérieur droit de grade 3/5 d’apparition aiguë évoluant depuis 2 semaines. Il vit en intérieur strict et aucun traumatisme n’est rapporté par la propriétaire. Une consultation est réalisée chez le vétérinaire traitant et un traitement à base de méloxicam est instauré sans amélioration clinique.
Examen clinique
L’examen clinique général révèle un chat présentant une note d’état corporel de 4/5, sans autre anomalie. L’examen orthopédique met en évidence une légère amyotrophie de la cuisse droite, une boiterie de grade 3/5 du membre postérieur droit, une douleur à la manipulation (extension) de la hanche droite associée à une diminution d’amplitude articulaire en extension. L’examen neurologique est sans anomalie.
Examens complémentaires
Une radiographie ventro-dorsale du bassin et des hanches est réalisée (voir photo 1). Un mauvais alignement entre le col et la tête fémorale est noté, mettant en évidence une disjonction passant par la plaque de croissance. Un glissement épiphysaire de la tête fémorale droite est diagnostiqué.
Traitement
Le traitement est chirurgical : une exérèse de la tête et du col fémoral droit est effectuée après la réalisation d’un bilan sanguin préopératoire ne révélant qu’une discrète élévation de la créatininémie.
Suivi
Le chat est sorti le lendemain de l’intervention avec un traitement anti-douleur à base de tramadol pendant 4 jours, associé à un repos strict de 2 semaines. Des séances de rééducation fonctionnelle sont instaurées 15 jours après l’intervention. Lors du contrôle post-opératoire à 1 mois, le chat présente une amyotrophie modérée des fessiers, associée à une boiterie persistante du membre postérieur droit de grade 1/5.
Une consultation d’urgence est ensuite réalisée 2 mois après la chirurgie suite à l’apparition aiguë d’une boiterie du membre postérieur gauche. Une radiographie du bassin et des hanches met en évidence un glissement épiphysaire de la tête fémorale gauche (voir photos 2). Une exérèse du col et de la tête fémorale est alors réalisée. Le contrôle à 2 mois post-opératoire montre une résolution complète de la boiterie bilatéralement.
Épidémiologie
Le glissement épiphysaire de la tête fémorale (SCFE, pour slipped capital femoral epiphysis) est décrit en médecine humaine chez les adolescents au niveau de l’épiphyse fémorale proximale. En médecine vétérinaire, il est principalement décrit dans l’espèce féline, et plus rarement chez le chien. Il s’observe fréquemment chez les jeunes chats mâles castrés de races main coon, siamois, british shorthair, et moins fréquemment chez l’européen. Dans une étude rétrospective portant sur 29 cas, 17 chats étaient des main coon dont 16 mâles castrés. L’atteinte est bilatérale dans 40 % des cas selon deux études et l’âge moyen des animaux touchés est situé entre 4,5 mois et 3,5 ans.
Symptômes
La présentation clinique la plus fréquente est la mise en évidence d’une boiterie d’un membre postérieur chez un jeune chat mâle castré en surpoids, associée à des douleurs à la manipulation de la hanche. Cependant, d’autres présentations cliniques peuvent exister. En effet, certains animaux peuvent présenter uniquement une faiblesse musculaire (difficulté à sauter), ou au contraire une incapacité à se déplacer lors d’atteinte bilatérale.
Étiologie
L’origine de l’affection est encore mal connue. Elle se caractérise par un déplacement de l’épiphyse de la tête fémorale par rapport à la métaphyse en regard de la plaque de croissance, secondairement à un retard de fusion de celle-ci. Les lésions histologiques retrouvées sont caractérisées par un épaississement de l'épiphyse contenant des amas de chondrocytes situés dans une matrice extracellulaire abondante, associée à une nécrose du cartilage au niveau du site de glissement.
De nombreux facteurs prédisposants ont été évoqués : génétique (facteur racial), genre (surreprésentation des mâles), statut sexuel (la castration précoce pourrait être responsable d’un retard de fermeture de la plaque), poids (obésité) et dans certains cas, des facteurs métaboliques et endocriniens.
Diagnostic
Le diagnostic repose sur l’anamnèse complète, l’examen orthopédique et la radiographie qui peut permettre de poser le diagnostic définitif. En effet, le diagnostic de certitude s’appuie sur la réalisation d’une radiographie en vue dorso-ventrale classique, mais une vue en « grenouille » peut également être réalisée. La radiographie montre dans les stades débutants un élargissement et un déplacement latéral discret de la plaque de croissance de la tête fémorale. Dans les stades plus avancés, celle-ci montrera un déplacement plus important, des plages de lyse osseuse et de sclérose sur la tête et le col fémoral. Il convient à ce stade de différencier la SCFE d’une fracture Salter-Harris de type 1 (traumatique) ou d’une maladie de Legg-Calvé-Perthes qui est principalement décrite chez le chien en croissance.
Traitement
Le traitement est chirurgical. L'exérèse de la tête et du col fémoral est la technique la plus fréquemment réalisée, mais la fixation de l’épiphyse à l’aide de vis et de broches de Kirschner ou la prothèse totale de la hanche sont également envisageables chez le chat.