L’indépendance professionnelle, c’est quoi pour vous ?  - La Semaine Vétérinaire n° 1929 du 25/01/2022
La Semaine Vétérinaire n° 1929 du 25/01/2022

EXPRESSION

Auteur(s) : Propos recueillis par Jacques Nadel

Alors que la question de l’indépendance professionnelle anime actuellement la profession, les vétérinaires que nous avons interrogés ont une perception très consensuelle et sans équivoque de l’indépendance professionnelle.

Aymeric Delebecque

Praticien à Naucelle (12)

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Libre de ses choix

L’indépendance professionnelle fait partie à part entière de l’exercice du vétérinaire libéral, propriétaire et décisionnaire de son entreprise. Il doit être libre de ses choix en tant que soignant des animaux et chef d’entreprise. Les grands groupes qui investissent aujourd’hui dans nos cliniques font croire aux vétérinaires qu’ils vont régler tous leurs problèmes de management, de recrutement, etc. et les soulager de certaines tâches grâce à des services « support ». Ils cherchent à nous séduire avec une offre financière (d’acquisition de parts de société) supérieure à celle du marché, mais il ne faut pas être dupe. Rien n’est jamais gratuit, il y a toujours quelque chose à payer au bout du compte. Il faut bien comprendre que la valeur de l’entreprise, c’est l’humain ! Elle dépend de la qualité, des compétences intrinsèques et des décisions des vétérinaires et des ASV qui la composent. Je ne suis pas anti-chaîne et je peux comprendre que ce modèle d’exercice peut convenir à certains profils de vétérinaires mais, pour ma part, ce n’est pas celui auquel j’aspire.  

Charles Facon

Praticien à Les Herbiers (85)

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Une rupture de la transmission générationnelle

Un rachat où un groupe récupère 99% des droits financiers de la société d’exercice du vétérinaire n’est plus compatible avec l’indépendance professionnelle. C’est comme si un État se disait indépendant alors qu’il n’a pas la maîtrise de son ministère des Finances. Le débat actuel sur l’indépendance du vétérinaire ne doit pas être un contre-feu visant à éluder certaines évidences. Un vétérinaire est indépendant dans la mesure où il conserve la liberté de ses actes et de ses ventes accessoires. Peut-on parler d’indépendance préservée quand un vétérinaire appartenant à un groupe est tenu de prescrire tout ou partie de la marque de distributeur ? Aujourd’hui, les groupes qui ont besoin de grossir fixent le moins de contraintes possible pour convaincre les vétérinaires de les rejoindre. Mais une fois que leurs projets seront arrivés à maturité, leur ton va changer. On observe également une rupture de la transmission générationnelle entre vétérinaires.

Sébastien Oudot

Praticien à Ploezal (22)

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Garder son individualité

L’indépendance professionnelle est celle qui existe au sein de ma clinique. Nous sommes 9 vétérinaires associés, maîtres de notre gouvernance et de nos décisions. Nous n’avons besoin d’aucun fonds de pension étranger pour recruter, négocier, etc. car nous disposons de Vetanimax, un groupement d'intérêt économique (GIE) très actif. La profession doit se mobiliser pour que chacun puisse garder son individualité. Regardons ce qui s’est passé avec les coopératives agricoles. Les plus grosses ont racheté les plus petites et aujourd’hui, il n’en reste que quelques-unes qui font la pluie et le beau temps, au sein desquelles les éleveurs n’ont plus le pouvoir. C’est ce qui nous attend si nous n’y prenons pas garde. Dans des structures intégrées, les contraintes pèseront sur les vétérinaires sans qu’ils puissent retirer les bénéfices financiers de leur outil de travail. Ce sont les générations futures qui pâtiront de ce nouveau modèle où les vétérinaires deviendront des salariés de luxe. Il est essentiel que les écoles vétérinaires forment nos futurs diplômés à la gestion d’entreprise.                               

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