Écoles vétérinaires privées : ne pas sortir du cadre - La Semaine Vétérinaire n° 1929 du 25/01/2022
La Semaine Vétérinaire n° 1929 du 25/01/2022

Enseignement vétérinaire

ANALYSE GENERALE

Auteur(s) : Tanit Halfon

Un cursus vétérinaire privé devra respecter les exigences générales de l’enseignement vétérinaire telles que définies dans le Code rural. Si la formation clinique devra être adossée à un centre hospitalier vétérinaire, cela n’empêche pas une certaine flexibilité.

Le décret du 23 novembre et l’arrêté du 20 décembre 20211 permettent de se faire une première idée de la formation initiale vétérinaire qui serait dispensée dans un établissement d’enseignement supérieur agricole privé d’intérêt général (EESPIG) sous contrat. Le point avec Valérie Baduel, directrice générale de l’enseignement et de la recherche.

Quels sont les attendus du ministère en matière de recrutement des étudiants ? Y-a-t-il un nombre maximal d'étudiants à ne pas dépasser ?

Une école vétérinaire privée d'intérêt général est soumise, comme les écoles nationales vétérinaires (ENV), aux articles R. 812-52 et R. 812-53 du Code rural qui disposent que les étudiants des écoles vétérinaires de nationalité française ou ressortissants d'un État membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse sont recrutés par des concours. Ils ont lieu soit en première année immédiatement après l'obtention du baccalauréat et à l'issue de procédures de sélection, pour une durée d'études de six ans comprenant les semestres un à douze, soit en deuxième année après des études supérieures, pour une durée d'études de cinq ans comprenant les semestres trois à douze.

De plus, à la différence des ENV, le jury du concours d’admission dans une école privée est nommé par le ministre, sur proposition du directeur de l'école. Il comprend le président et le vice-président, qui sont respectivement professeur et maître de conférences, en activité ou émérites, de l'enseignement supérieur agricole de l'une des écoles nationales vétérinaires ; deux vétérinaires en exercice extérieurs à l'établissement ; deux à quatre enseignants permanents de l'établissement. Un représentant du ministre chargé de l'agriculture participe aux délibérations des jurys avec voix consultative.

La conception des épreuves du concours d'admission relève de l'autonomie pédagogique de l'établissement, mais le jury du concours d'admission doit émettre un avis sur les modalités des épreuves proposées par l'établissement.

L'agrément est délivré pour un nombre maximal d'étudiants admis aux concours.

S’agissant de la formation, au-delà du respect du cadre général (référentiel de l’enseignement vétérinaire, nombre d’années d’étude, examen avant l’année d’approfondissement, thèse…), y a-t-il des attendus particuliers du ministère sur son contenu ?

Une école vétérinaire privée d'intérêt général doit respecter, comme les ENV, les dispositions générales relatives aux études vétérinaires édictées par les articles R. 812-50 à D.812-60 du Code rural et de la pêche maritime, ainsi que l'arrêté du 3 décembre 2020 relatif aux études vétérinaires, qui définit les domaines possibles de l'année d'approfondissement des études vétérinaires2. Les possibilités de domaines d’approfondissement sont donc les mêmes pour les ENV et une école vétérinaire privée.

Le contrat de participation aux missions de service public de l'enseignement agricole que le ministère noue avec l'établissement privé préparant au diplôme d’État de docteur vétérinaire peut prévoir des objectifs spécifiques à atteindre.

Est-ce qu’il y a des obligations particulières pour l’équipe pédagogique ?

Elle doit répondre aux critères de l'Association européenne des établissements d'enseignement vétérinaires (AEEEV). L'AEEEV a établi un certain nombre de normes très précises concernant les compétences attendues des enseignants des établissements d'enseignement vétérinaires. Bien entendu, les cliniciens réalisant des actes de médecine et de chirurgie des animaux doivent être vétérinaires et répondre aux conditions pour l'exercice vétérinaire en France ; ils doivent d'ailleurs être inscrits à l'Ordre. Enfin, les enseignants ayant une mission de recherche doivent être titulaires d'un doctorat d'État (PhD) ou d'un titre de spécialisation vétérinaire.

Pour la formation clinique (hors stage), si des partenariats avec des structures extérieures sont prévus, y a-t-il des exigences particulières à ce sujet ?

Ce sont les normes AEEEV qui s'appliquent. L'AEEEV soumet au même niveau d'exigences la formation clinique dite intramuros (c'est à dire dans le centre hospitalier vétérinaire de l'école) et la formation clinique dite distribuée (extramural studies).

Vers un nouveau modèle pour la formation clinique ?

En ENV, la formation initiale clinique s’est développée autour de centres hospitaliers universitaires vétérinaires (CHUV) pour les animaux de compagnie, de cliniques pour les équidés et les animaux d’élevage. Ce ne sera pas forcément le cas dans une future école vétérinaire privée. En effet, selon les textes, si un centre hospitalier vétérinaire est obligatoire et doit répondre aux normes d’un CHV classique, il n’est pas obligatoire d’avoir un centre de soins pour toutes les espèces animales. Dans cette optique, comme l’indique la DGER, la formation et l’exposition clinique des étudiants peuvent être réalisées de manière complémentaire pour certaines espèces ou groupes d’espèces via le recours à des partenariats avec des structures extérieures. C’est ce qu’on appelle un modèle semi-distributif.

Des conventions extérieures possibles

Comme l'explique la DGER, les textes n’introduisent pas d’exigences particulières sur la nature des acteurs pour la formation externalisée, qui peuvent être des acteurs publics (parcs zoologiques, laboratoires vétérinaires départementaux…) ou privés de toute nature (cabinets, cliniques, CHV). Dans ce cas, la convention entre l’école et la structure extérieure devra apporter les garanties de maîtrise de la formation par l’école privée vétérinaire. Ces conventions seront soumises au conseil régional de l’Ordre des vétérinaires, tel que prévu à l’article R. 242-40 du Code rural. Dans ce modèle, les normes de l’AEEEV devront être respectées.

Le cadre de l'AEEEV 

Comme l’explique Stéphane Martinot, président de l’AEEEV, quel que soit le modèle choisi par un établissement vétérinaire, l’Association s'assure que «  la formation clinique soit basée sur une approche scientifique, compatible avec les avancées scientifiques et "evidence based medecine". Il faut aussi que les étudiants soient encadrés par des enseignants qui sont formés à l'enseignement et qui participent à des activités de recherche. De plus, il faut que les étudiants soient exposés à un nombre de cas suffisants, à une bonne diversité, qu'ils soient eux-mêmes acteurs et non simples observateurs. Enfin, il est indispensable que, dans tous les lieux dans lesquels les étudiants reçoivent de la formation, il y ait un strict respect de la biosécurité et du bien-être des étudiants, et que des enseignants et des personnels ainsi que des animaux soient présents à tout moment ».

Rappelons qu'à la différence des ENV, une école privée devra justifier à terme d'une accréditation par l'AEEEV, alors que seule l'évaluation est requise pour les ENV.

À noter aussi qu’il est possible que le CHV ne soit pas détenu à 100% par l’établissement privé. Il n’y a pas d’exigences particulières sur le profil des partenaires, mais l’établissement devrait être en majorité financière dans cette configuration, et il sera bien vérifié que l’établissement aura les moyens d’imposer une politique pédagogique. Ce type de partenariat existe déjà dans le public.

  • 2. Les domaines d’approfondissement ont été formalisés avec l’arrêté du 3 décembre 2020 relatif aux études vétérinaires : animaux de production, animaux de compagnie, équidés, santé publique vétérinaire, recherche, entreprise.
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr