Prise en charge nutritionnelle de la maladie valvulaire dégénérative mitrale  - La Semaine Vétérinaire n° 1928 du 18/01/2022
La Semaine Vétérinaire n° 1928 du 18/01/2022

Cardiologie canine

FORMATION CANINE

Auteur(s) : Mylène Panizo

Conférencière

Dottie Laflamme, dipl. DACVN, spécialiste et consultante en nutrition

Article rédigé d’après une webconférence organisée par Purina Institute le 23 juin 2021.

La maladie valvulaire dégénérative mitrale (MVDM), caractérisée par un épaississement nodulaire des feuillets de la valve mitrale, est l’affection cardiaque la plus commune chez le chien. Son diagnostic et sa prise en charge font l’objet d’un consensus de l’American College of Veterinary Internal Medicine (ACVIM). Quatre stades de la maladie sont identifiés (voir tableau).

La MVDM est associée à une perturbation du métabolisme énergétique, à une inflammation et à un stress oxydatif accru. La combinaison de nutriments dits cardioprotecteurs peut aider à compenser ces changements, à ralentir la progression de la maladie et à soutenir la fonction cardiaque lorsque la cardiopathie est avancée. Comme tout animal, un chien présentant une affection cardiaque nécessite en premier lieu une alimentation complète et équilibrée. 

L’ACVIM a émis des recommandations nutritionnelles selon les stades de la MVDM : une légère (stade B2) ou modérée (stade C) restriction en sodium, ainsi qu’un taux de calories et de protéines adéquat sont conseillés. Pour les stades C et D, le consensus recommande en plus une supplémentation en acides gras oméga-3. L’alimentation doit être appétente car les animaux qui présentent une insuffisance cardiaque congestive sont souvent atteints de dysorexie (due à la maladie mais aussi aux traitements qu’ils reçoivent). Notre consœur spécialiste en nutrition, Dottie Laflamme, souligne également l’importance d’autres nutriments non cités dans le consensus ACVIM, tels que le magnésium, les antioxydants, la carnitine ou encore la taurine. Tour d’horizon des principaux nutriments dits cardioprotecteurs.

- Le sodium : c’est le principal agent osmotique du fluide extracellulaire. Chez les chiens en bonne santé, l’équilibre hydrosodique est contrôlé par le système rénine-angiotensine-aldostérone (SRAA) qui retient le sodium, et donc l’eau, par les reins. Lors d’une défaillance cardiaque, la pression artérielle systémique peut chuter, ce qui entraîne, en réaction, une augmentation de la rétention de sodium et d’eau. Il en résulte une surcharge liquidienne lorsque ce système se déséquilibre. Chez les chiens ayant une insuffisance cardiaque, il a été démontré que ceux qui sont nourris avec un aliment pauvre en sodium présentent une diminution du volume cardiaque par rapport à ceux nourris avec un aliment normosodé. Cependant, il est dangereux d’effectuer une restriction sodique trop sévère. En effet, une très faible teneur en sodium induit des anomalies électrolytiques dont une hyperkaliémie. Plus récemment, il a été mis en évidence qu’un faible apport en sodium stimule le SRAA de façon prolongée et soutenue, ce qui favorise l’inflammation, le stress oxydatif ainsi que des dommages vasculaires et glomérulaires rénaux. Il n’existe pas à ce jour d’études contrôlées permettant de déterminer les niveaux optimaux de sodium pour les chiens atteints de cardiopathies. Selon les données actuelles, un apport de sodium d’environ 40 à 70 milligrammes pour 100 kcal d’énergie métabolisable serait sans danger tout en fournissant une restriction modérée en sodium, même en association avec des diurétiques et des inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine.

- Les acides gras oméga 3 à longue chaîne : contenus dans l’huile de poisson, les acides eicosapentaénoïque (EPA) et docosahexaénoïque (DHA) sont reconnus comme ayant des propriétés anti-inflammatoires. Ils ont également un rôle dans la réduction des thromboses, de la pression artérielle, des arythmies, du remodelage cardiaque, du stress oxydatif et du risque de cachexie.

- Des apports caloriques et protéiques adaptés :  il est essentiel de maintenir un poids optimal et de réduire les risques de cachexie. En effet, les chiens atteints de MVDM sont majoritairement âgés et ont des besoins protéiques spécifiques liés à leur âge et à leur maladie. Leur alimentation doit donc contenir au moins 25% de calories provenant de protéines de bonne qualité. Elles doivent être très digestes. Il est conseillé d’administrer des repas en petite quantité, plusieurs fois par jour, à température ambiante.  

- Le magnésium : il sert de cofacteur dans des centaines d’enzymes, est essentiel pour la production d’adénosine triphosphate (ATP) et de protéines, et joue un rôle dans le métabolisme du glucose. Le prolapsus valvulaire mitral est associé à une carence en magnésium chez le Cavalier King Charles et chez l’humain, bien qu’un rôle causal n’ait pas été démontré. Le magnésium a une action sur la modulation du tonus musculaire et la régulation de la pression artérielle, il possède des propriétés antiarythmiques, et contribue à réduire l’inflammation et le stress oxydatif.

- La taurine : il s’agit d’un acide béta-aminé qui peut être syn­thétisé par l’organisme à partir de la méthionine et/ou de la cystéine. Il permet un maintien de la fonction contractile du cœur, participe à la régulation osmotique et à la production d’ATP, et réduit la synthèse de radicaux libres mitochondriaux. Une carence en taurine peut provoquer une myocardiopathie dilatée chez les chats et les chiens.  

- Les antioxydants (vitamine E, taurine) : les cardiopathies sont associées à un stress oxydatif, l’apport d’antioxydants limite ce processus.

- La carnitine : c’est un dérivé d’acide aminé produit à partir de la lysine et de la méthionine, ou apporté par l’alimentation. Elle facilite l’oxydation des acides gras à longue chaîne. Très peu d’études existent sur les bienfaits d’une supplémentation en carnitine, mais on sait que les chiens atteints de cardiomyopathie dilatée peuvent avoir un déficit en carnitine.

- Les triglycérides à chaîne moyenne : il s’agit d’une source d’énergie alternative et de corps cétoniques. Ce sont des acides gras plus courts que les acides gras à longues chaînes typiques : ils sont donc plus rapidement disponibles pour le muscle cardiaque et augmentent la capacité oxydative des mitochondries musculaires.

La conférencière recommande de commencer une alimentation adaptée chez les chiens cardiaques dès le stade B1 de la classification ACVIM, car des études récentes semblent démontrer un impact positif de l’apport précoce d’une combinaison de nutriments cardioprotecteurs (ralentissement des changements précoces causés par la MVDM).