Faire avancer la recherche sur la génétique de la dysplasie coxo-fémorale du chien - La Semaine Vétérinaire n° 1928 du 18/01/2022
La Semaine Vétérinaire n° 1928 du 18/01/2022

Orthopédie

ANALYSE CANINE

Auteur(s) : Par Lauranne Machou, Louis Le Nézet, Pascale Quignon1

L’équipe “Génétique du chien” (IGDR, CNRS-Université de Rennes 1) recherche les bases génétiques de maladies homologues entre l’humain et le chien avec pour objectif un bénéfice mutuel pour les médecines vétérinaire et humaine.

La dysplasie coxo-fémorale (DCF) chez le chien correspond à la dysplasie développementale de la hanche chez l’humain. Cette anomalie du développement, consécutive à une laxité excessive de l’articulation, se traduit par une mauvaise coaptation et une subluxation de la tête fémorale par rapport à l’acétabulum. Elle détermine à plus ou moins long terme une déformation des profils articulaires et l’installation d’un processus arthrosique. Cette maladie génétique affecte la mobilité, le bien-être, et conduit à la réforme précoce de nombreux chiens de travail, dont les chiens guides. Elle touche particulièrement les races de grande taille et reste présente dans de nombreuses races malgré les efforts de sélection appliqués dans les élevages.

Suite aux coûts engendrés par les réformes, la déception des propriétaires et la souffrance des chiens, l'Association les Chiens guides d’aveugles de l’Ouest (ACGAO) et la fondation Visio se sont engagées depuis plusieurs années auprès de l’équipe du CNRS-Université de Rennes 1, avec la collaboration du Pr. Jean-Pierre Genevois, pour mener un projet de recherche sur les causes génétiques de cette affection.

Si cette maladie est liée à des facteurs environnementaux (nutrition, exercice), son origine génétique est maintenant avérée : le mode de transmission est complexe, faisant intervenir plusieurs gènes, avec des combinatoires différentes en fonction des races. À ce jour, les gènes et les mécanismes impliqués dans la DCF sont encore peu connus chez le chien comme chez l‘humain, et le chien en représente un bon modèle spontané. En médecine vétérinaire, même si des tests génétiques ont déjà été commercialisés, ils ne sont pas encore aboutis et de fait, peu utilisés.

Le but de l’étude en cours est double. Il s’agit tout d’abord de rechercher les loci (régions chromosomiques) conférant un risque de développer et de transmettre la DCF dans les races de chien guide et d’autres races. Les applications à long terme sont, chez le chien, le développement de tests génétiques de risque permettant de diminuer l’incidence de la maladie dans la race, tout en maintenant une diversité génétique suffisante. Dans un deuxième temps, les connaissances acquises chez le chien seront transférées à la médecine humaine. En effet, ces recherches peuvent aider à l’identification de nouveaux marqueurs, nouveaux gènes et mécanismes moléculaires, moins difficiles à identifier chez le chien, ouvrant ainsi la voie à des dépistages génétiques voire à de nouvelles thérapies chez le chien comme chez l’homme.

La méthode de recherche des bases génétiques de la DCF repose dans un premier temps sur la comparaison des génomes de chiens présentant des phénotypes extrêmes : chiens diagnostiqués A versus chiens diagnostiqués D ou E, selon la classification de la Fédération cynologique internationale (FCI). Cette méthode nécessite la collecte de prélèvements sanguins ainsi que des statuts dysplasiques de chiens A et de chiens D/E. Le diagnostic retenu est effectué par radiographie à l’âge d’un an.

Les ADN issus des prélèvements sanguins sont ensuite génotypés pour des centaines de milliers de marqueurs répartis sur tout le génome. L’objectif des analyses génétiques est d’identifier des marqueurs dont les allèles sont plus fréquemment retrouvés chez les chiens atteints (D/E) que chez les chiens indemnes (A). Ces marqueurs permettront le développement de tests génétiques de risque et, à terme, la mise en évidence des altérations génétiques impliquées dans la prédisposition à la DCF.

En parallèle, l’analyse des statuts dysplasiques sera réalisée par famille de chiens afin d’étudier la ségrégation de la DCF dans les pedigrees disponibles, avec, le cas échéant, le séquençage du génome des chiens les plus informatifs. Cela permettra de mettre en évidence des altérations génétiques communes à une famille et affinera ainsi la compréhension de la maladie.

Ce travail est rendu possible par l’implication de vétérinaires traitants qui procèdent aux prélèvements sanguins, avec le consentement du propriétaire. Ces prélèvements sanguins sont effectués lors de la radiographie ou lors de la visite annuelle si le statut du chien est connu. En outre, au cours d’une chirurgie orthopédique, les vétérinaires sont invités à prélever cartilage, capsule articulaire ou liquide synovial. Ces prélèvements seront alors utilisés pour étudier l’expression des gènes dans ces tissus spécifiques. À ce jour, les races de chiens étudiées sont les chiens guides (labrador retriever, golden retriever, berger allemand…) mais aussi les races d’intérêt suivantes : bouvier bernois, dogue de Bordeaux, cane corso.

Afin d’obtenir une puissance statistique suffisante pour les analyses génétiques, il est nécessaire de collecter les prélèvements de plus de 100 chiens A et plus de 100 chiens D ou E par race étudiée. Le Centre de ressources biologiques (CRB) Cani-DNA (CNRS-Université de Rennes, rattaché à l’équipe) a déjà collecté les prélèvements sanguins de 745 chiens indemnes (A) et 236 chiens dysplasiques (D/E) dans les six races. Ainsi, l’effort de collecte est à prioriser pour les chiens D ou E dans ces six races, pour pouvoir procéder aux études génétiques (voir tableau).

Les vétérinaires qui souhaitent s’impliquer dans ce projet peuvent prélever les chiens A ou les chiens D ou E des races concernées et ayant fait l’objet d’un dépistage officiel par radiographie de la dysplasie. Le sexe et l’âge sont indifférents, mais doivent être indiqués. Les prélèvements sanguins (5 ml) sont à réaliser sur un tube EDTA, les prélèvements tissulaires sur un tube RNA-later et, si possible aussi, sur un tube de formol. Un kit de prélèvements, le protocole détaillé ainsi que les documents à compléter seront envoyés sur demande aux vétérinaires volontaires. Chaque prélèvement devra être accompagné du résultat de la radiographie (compte-rendu de lecture et/ou images radiographiques), du questionnaire clinique complété, du consentement du propriétaire signé, ainsi que, si le chien est LOF, de son pedigree. L'acheminement des prélèvements et des documents associés vers le laboratoire sera organisé par le CRB Cani-DNA.

Les vétérinaires désireux de participer à ce projet peuvent s’adresser au Centre de ressources biologiques Cani-DNA de Rennes, par mail à l’adresse cani-dna@univ-rennes1.fr ou par téléphone au 02 23 23 45 09.

Plus d’informations sur le site Internet : https://dog-genetics.genouest.org/dysplasie-de-la-hanche/

Respectueux hommage à Francis Legeard, qui avait participé à ce travail depuis de nombreuses années.

  • 1. Université de Rennes 1, CNRS, IGDR (Institut de génétique et développement de Rennes), UMR 6290, Équipe « Génétique du chien », 35000 Rennes
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr