Confidentialité : à l'appréciation du juge… - La Semaine Vétérinaire n° 1928 du 18/01/2022
La Semaine Vétérinaire n° 1928 du 18/01/2022

Droit

ENTREPRISE

Auteur(s) : Par Céline Peccavy

Proposer et négocier en sachant que rien ne sera divulgué donne aux parties une tranquillité d’esprit et une liberté indispensables si l’on veut se donner toutes les chances de parvenir à un accord. La confidentialité est gage de sérénité dans les échanges amiables. Mais est-elle toujours de mise ? Petit tour d’horizon.

Lorsque deux parties s’affrontent juridiquement voire judiciairement, elles sont le plus souvent représentées chacune par un avocat. Ce sont alors ces deux professionnels qui vont échanger entre eux. Par principe, de telles correspondances sont couvertes par le secret professionnel et donc par une confidentialité absolue. Si absolue que l’avocat ne peut même pas les communiquer à son propre client (il pourra seulement lui en indiquer la teneur). En revanche, il n’en est pas de même lorsqu’un avocat écrit à la partie adverse directement ou lorsque ce sont les parties elles-mêmes qui échangent par écrit. Dans ce cas, toutes les correspondances sont susceptibles d’être produites dans un cadre judiciaire.

Mais les avocats ne sont pas les seuls professionnels tenus à la confidentialité. Depuis janvier 2020, le secret des échanges a pris une autre dimension avec la tentative obligatoire de règlement amiable. Pour rappel, depuis le 1er janvier 2020, toute personne souhaitant introduire une action en justice qui tend au paiement d'une somme n'excédant pas 5 000 euros doit faire impérativement précéder sa demande judiciaire d'une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice ou d'une tentative de médiation. Or, que l’on soit dans un cadre de conciliation ou de médiation, le maître mot reste le même : confidentialité (article 1531 du Code de procédure civile). Quelle sanction en cas de manquement à cette obligation ? La réponse soumise à l’appréciation du juge peut varier, comme en témoignent les deux exemples suivants.

Première affaire : un acheteur saisit avant procédure judiciaire un conciliateur de justice. Celui-ci va cependant adresser son rapport à la vice-présidente du tribunal, rapport dans lequel il prend ouvertement parti pour l’acheteur et où il relate la position du vendeur. Violation donc manifeste de la confidentialité. Et pourtant… le tribunal de Narbonne dans une décision du 6 septembre 2021 a jugé que le conciliateur n’a pas manqué à son obligation de confidentialité.

Seconde affaire : les parties sont en cours de procédure judiciaire et, dans le cadre des débats, l’acheteur produit un extrait du rapport émis par le médiateur saisi avant la procédure. Voici ce qu'a jugé le tribunal de Bourges le 26 novembre 2021 : « L’article 21-3 de la loi du 8 février 1995 précise : « Sauf accord contraire des parties, la médiation est soumise au principe de confidentialité. Les constatations du médiateur et les déclarations recueillies au cours de la médiation ne peuvent être divulguées aux tiers ni invoquées ou produites dans le cadre d'une instance judiciaire ou arbitrale sans l'accord des parties. » En l'espèce, la pièce critiquée fait cinq pages et consiste en des éléments d'éclairage du litige opposant M. A à l'EARL V produits dans le cadre de la médiation conduite par les parties préalablement à la saisine du présent tribunal. Si cette pièce n'est pas directement relative aux constatations du médiateur quant à l'affection dont est atteint le chien, elle a néanmoins spécifiquement été élaborée, par le médiateur lui-même, pour les seuls besoins de la médiation. Dans ces conditions, elle peut être assimilée à des constatations du médiateur lui­-même et ne pouvait être produite dans le cadre de la présente procédure sauf accord des deux parties. La pièce produite par Monsieur A sera par conséquent écartée des débats. » En conclusion : pour négocier heureux, négocions cachés !

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