Le fantôme des bois

Voilà dix ans que Laurent Geslin s’est lancé, en pionnier, sur la piste du lynx dans le Jura suisse où ce prédateur – disparu d’Europe occidentale à la fin du XIX^e siècle – fut réintroduit dans les années 1970. Approfondissant sa connaissance du félin, le photographe s’est peu à peu convaincu qu’un documentaire serait sans doute plus à même de sensibiliser un large public à l’existence de cet animal sauvage peu visible dont la population (estimée à 150 individus dans le Jura) reste fragile : la réintroduction du lynx dans les Vosges au début des années 1980 se solda par un échec. Il aura fallu six ans de patients affûts – donnant lieu en moyenne à sept ou huit rencontres annuelles avec le prédateur – pour accumuler le matériau permettant de constituer la trame du film. Si la saga familiale qu’il retrace est reconstruite, tout ce qu’il montre n’en est pas moins authentique et les animaux ne sont ni nés en captivité ni imprégnés, contrairement à ceux qu'on voit dans de nombreux documentaires animaliers. Visuellement exceptionnel, le film est aussi paradoxalement précieux pour tout ce qu’il ne montre pas : l’incroyable détermination d’un homme seul et la somme incalculable d’heures qu’il a passées à guetter un animal infiniment discret.

• Lynx de Laurent Geslin, France, 1h22, sortie le 19 janvier.