La pharmacopée en apiculture : description et conditions d’utilisation - La Semaine Vétérinaire n° 1927 du 11/01/2022
La Semaine Vétérinaire n° 1927 du 11/01/2022

Thérapeutique

FORMATION MIXTE

Auteur(s) : Tanit Halfon

D’après une conférence présentée aux journées nationales des GTV (du 20 au 22 octobre 2021, Tours), par Jacques Bietrix, DMV, DIE pathologie apicole, expert pharmacovigilance Anses-ANMV, « Comment favoriser la bonne utilisation du médicament vétérinaire en apiculture ».

Cet article est le premier d’une série de deux articles.

Si les abeilles font face à une multitude d’agents pathogènes, il n’existe qu’une seule indication thérapeutique pour les médicaments en apiculture : Varroa destructor. Les antibiotiques sont strictement interdits : en effet, ils sont inutiles et de plus, aucune limite maximale de résidus (LMR) n’a été définie pour le miel.

Les médicaments commercialisés sont classés en deux catégories (voir tableau) : les acaricides de synthèse, qui doivent justifier d’une efficacité supérieure à 95% pour obtenir une autorisation de mise sur le marché1 ; et les acaricides d’origine naturelle, dont l’efficacité doit dépasser les 90%. Actuellement, 15 médicaments sont autorisés (bien que tous ne soient pas commercialisés), avec 6 substances actives.

Le tau–fluvalinate, la fluméthrine, et l’amitraz sont les trois principes actifs utilisés dans les acaricides de synthèse. Tous présentent des principes similaires de traitement, à commencer par la galénique, avec des médicaments qui se présentent majoritairement sous forme de lanières à mettre dans la ruche, sauf pour le Polyvar Yellow qui se présente sous la forme de bandes d’entrée. Tous ont une action neurotoxique par contact sur les varroas adultes phorétiques. Étant donné que la majeure partie du cycle de Varroa se fait dans le couvain (phase reproductive), ces acaricides doivent rester en place dans une ruche entre 6 à 16 semaines pour être efficaces. Ils présentent une bonne sécurité d’utilisation, avec un risque faible de surdosage. Parmi les inconvénients, ces médicaments agissent lentement, excluant un usage dans l’urgence. Ils ne sont pas utilisables en période de miellée, à cause de possibles résidus dans les miels. Il existe également un risque d’accumulation dans les cires. Enfin, un développement de résistances est décrit notamment pour le tau-fluvalinate et la fluméthrine.

Pour les acaricides d’origine naturelle, le thymol, l’acide formique et l’acide oxalique sont les trois principes actifs utilisés. Ils sont tous trois utilisables en production bio. Les traitements à base de thymol et d’acide formique sont apposés au-dessus des cadres. Pour le thymol, la diffusion se fait par évaporation avec un effet acaricide à partir de 5 µg par litre d’air : cela permet une action plus rapide, mais il faut quand même 4 semaines d’application pour atteindre l’efficacité attendue. Il s’utilise à une température comprise entre 15 et 30°C  pour être efficace tout en gardant une bonne innocuité. Au-delà de 30°C, il y a un risque d’évaporation excessive et de surdosage. On ne peut pas l'utiliser pendant la miellée car le thymol peut altèrer le goût du miel. Il s’accumule aussi dans les cires. Enfin, de possibles effets indésirables, généralement peu graves, sont rapportés : dérives, désertions, barbes à l’entrée de la ruche, et ponte limitée aux zones les plus éloignées des supports.

Pour l’acide formique, l’action se fait aussi par évaporation avec un effet acaricide dès 500 ppm. Un avantage certain de ce traitement est qu’il a la capacité d’agir au niveau du couvain operculé : son action est donc encore plus rapide, en 7 jours. Comme le thymol, le traitement est température-dépendant, avec une bonne efficacité et innocuité entre 10°C et 29,5°C. Des effets indésirables (mortalité d’abeilles, arrêt de ponte, disparition de reines) sont possibles, en particulier en cas de mauvaise ventilation de la ruche ou de température trop importante. Un risque d’acidification des miels a été décrit, sans toutefois dépasser les seuils réglementaires pour la consommation (risque de modification organoleptique).

Pour l’acide oxalique, l’utilisation se fait généralement par égouttement, ou par sublimation pour l’Api–Bioxal. Le traitement est d’action rapide, en lien essentiellement avec son mode d'application, permettant d’envisager son utilisation comme un traitement flash, mais il n’agit pas dans le couvain operculé, ce qui implique de l’utiliser en son absence ou après encagement de la reine/retrait du couvain. Son efficacité rapportée hors couvain est très bonne, de 95 à 99%, avec une seule application. Des effets indésirables sont aussi décrits avec des lésions digestives, de la surmortalité des abeilles adultes, ou des affaiblissements de colonies au printemps, surtout lors de surdosage, ou d’applications trop répétées. De plus, l’acide oxalique étant une substance vénéneuse, une protection adaptée de l’utilisateur est indispensable. Un mélange d’acide oxalique et d’acide formique est également disponible comme traitement (Varromed, 44mg/ml d’acide oxalique dihydraté, 5mg/ml d’acide formique). Il s’administre par égouttement, avec une dose en fonction de la taille de la colonie. Sa particularité est qu’une administration répétée est possible à des intervalles de 6 jours, suivant la saison et les chutes d’acariens, ce qui permet une utilisation sur plusieurs périodes de l’année (printemps, automne, hiver) y compris en période de couvain. Pour les inconvénients, l’efficacité du traitement n’a été étudiée que pour des infestations faibles à modérées. De plus, on ne peut pas l’utiliser pendant la miellée. Des effets indésirables sont aussi décrits (mortalité d’abeilles).

Les règles de prescription/délivrance

Avec l’arrêté1 du 5 mai 2018, l’amitraz en lanières et l’acide oxalique en poudre ou solution ont été exonérés d’ordonnance vétérinaire, avec une limite pour l'exonération : conditionnement de 10 lanières maximum (soit 5 g d'amitraz) pour Apivar et Apitraz, et conditionnement de 350 g maximum (soit 221,5 g d'acide oxalique) pour Api–Bioxal. La conséquence est qu'actuellement, tous les médicaments antivarroa sont exonérés d’ordonnance. Pour la délivrance, rien ne change : il y a toujours les trois ayants-droits classiques du médicament vétérinaire soit le pharmacien d’officine, le vétérinaire praticien et les groupements d’éleveurs. Pour le praticien apicole, il n’existe pas d’annexe technique abeille dans le décret prescription/délivrance ce qui fait que le bilan sanitaire d'élevage (BSE) n’est pas applicable. De fait, la prescription/délivrance de médicaments se fera obligatoirement dans le cadre d’une visite au rucher avec examen clinique/nécropsique. Pour les groupements d’éleveurs, la délivrance des médicaments antivarroa ne peut se faire que dans le cadre du plan sanitaire d'élevage (PSE). Pour le pharmacien d’officine, la délivrance peut se faire pour tous les médicaments antivarroa, et pour toutes les personnes se présentant au comptoir.

1. https://bit.ly/3qOxZhs

  • 1. L’efficacité d’un médicament antivarroa correspond à la réduction de la quantité de varroas au sein d’une colonie (= nombre de varroas tués par le traitement  x 100/ (nombre de varroas tués par le traitement + nombre de varroa tués après un traitement de suivi avec une efficacité documentée de plus de 95%))
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