L'association en rurale: des difficultés propres aux femmes? - La Semaine Vétérinaire n° 1927 du 11/01/2022
La Semaine Vétérinaire n° 1927 du 11/01/2022

EXPRESSION

Auteur(s) : PROPOS RECUEILLIS PAR CHANTAL BÉRAUD

En France, la profession vétérinaire a atteint la parité. En parallèle, le nombre de salariés augmente. Existe-t-il des freins pour devenir associée, en particulier en activité rurale ? Début de réponses...

STÉPHANIE PHILIZOT (T 98)

Secrétaire générale SNGTV, praticienne rurale à Venarey-les-Laumes (Côte-d’Or)

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« LES FEMMES FACE À UN DOUBLE DÉFI : MATERNITÉ ET VIEILLISSEMENT »

La parentalité, enjeu sociétal commun aux hommes et aux femmes, devrait être assumée collectivement. Cependant, c’est encore souvent pour les femmes qu’elle reste un frein – réel ou anticipé – dans le cadre d'une association, car elles ont encore parfois le sentiment d’être redevables du temps consacré à leurs enfants. Heureusement, la société évolue progressivement à ce sujet : aujourd’hui, certains papas prennent leur congé parental ou des jours de repos pour garder leur progéniture. Certaines équipes s’organisent pour que la maternité et la parentalité soient prises en compte à part entière dans l’organisation des cabinets. Toutefois, je vois également un autre facteur limitatif pour les femmes en rurale : à la cinquantaine, nous subissons souvent un vieillissement physique plus précoce que celui des hommes. Or, une association est généralement conclue pour une carrière entière. Ne faudrait-il donc pas essayer d’en repenser les paramètres, pour permettre notamment des « reconversions » pour les deux sexes, vers d’autres types de postes en fin de parcours ?

CLAIRE LEMAIRE (L 14)

Praticienne rurale à Saulieu (Côte-d’Or), mère d’un enfant (18 mois)

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« ASSOCIÉE EN RURALE, PAR INTIME CONVICTION ! » 

Je savais dès l’école que je serais associée en rurale. Et s’il est vrai que certains associés hommes privilégient toujours une candidature masculine, cela n’a pas été mon cas. Je suis tombée sur le bon associé :  nous nous entendons bien, c’est un critère fondamental qui transcende le genre… Concernant le rythme d’exercice, on travaille énormément durant six mois (beaucoup d’astreintes). Il faut donc tenir ! Oui, c’est une sacrée charge, y compris mentale. Par la suite, combiner cette responsabilité avec l’arrivée d’un enfant suppose de retrouver un équilibre entre vie pro et vie perso ! Quant à mon congé maternité, il m’a coûté très cher… Pourtant, je continue à dire ceci aux jeunes diplômées : si être associée en rurale est votre rêve, alors allez-y, car ce choix reste une extraordinaire expérience. Enfin, à mes débuts, un seul éleveur misogyne a carrément refusé mon aide pour un vêlage, en me traitant de « guignole » ! Mais depuis, je suis le vétérinaire qu’il consulte le plus volontiers…  

CHRISTINE FONTANINI

Professeure des universités en sciences de l’éducation (à LISEC, Université Lorraine)

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« DES FREINS EXISTENT POUR UNE ASSOCIATION AU FÉMININ »

Mon étude1 s’appuie sur une grille d’entretien à laquelle ont répondu 52 étudiants vétérinaires de l'École nationale vétérinaire de Toulouse (18 garçons, 32 filles, en 2017/2018). La plupart d'entre eux ont estimé qu’il fallait être fort, endurant physiquement et disponible nuit et jour pour exercer en rurale. Dans ces conditions, il se pose toujours pour les femmes la difficulté de concilier vie professionnelle et vie familiale, car elles restent davantage assignées au travail domestique et à la prise en charge des enfants. Par ailleurs, certains étudiants ont remarqué au cours de leurs stages que les vétérinaires déjà installés n’étaient pas forcément favorables à une association supplémentaire avec une consœur en raison de potentiels congés maternité ou parentaux, ou de demandes d’arrangement des jours travaillés. Par conséquent, le nombre plus élevé de femmes salariées, comparativement à leurs confrères, n’est sans doute pas lié seulement à leur moindre souhait d’association.

  • 1 « La profession vétérinaire : des projets distincts selon le genre, dès la formation initiale »
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