Des rebondissements d'un jugement - La Semaine Vétérinaire n° 1927 du 11/01/2022
La Semaine Vétérinaire n° 1927 du 11/01/2022

Jurisprudence

ENTREPRISE

Auteur(s) : Par Céline Peccavy

La vente d'un cheval conduit à la reconnaissance d'une faute du praticien et à une perte de chances pour l’acheteuse en raison d'une lésion présente lors de l'examen réalisé lors d'une visite d'achat.

Cet arrêt vient dans le prolongement d’une affaire que nous avions déjà commentée en 2018 dans La Semaine Vétérinaire n° 1756. En voici donc le dénouement après de longues années de procédure judiciaire.

Rappelons les faits de l’espèce : Mme S. a acquis le 23 juillet 2013 auprès de M. V., négociant et éleveur de chevaux, un cheval de sport en vue de pratiquer en concours le saut d’obstacles. Le prix de vente avait été fixé à 22 000 €.

Préalablement à la vente, le 17 mai 2013, avait été réalisée une visite d’achat par le docteur D. Celui-ci avait conclu, malgré un test de flexion positif, à une conformité de l’équidé à la pratique du saut d’obstacles. Le Dr D. avait par la suite confirmé ce fait dans un nouveau document établi le 23 juillet 2013, jour de la vente, suite à un nouvel examen du cheval.

Malheureusement, peu de temps après la vente, le cheval va présenter des signes de boiterie et surtout va chuter à plusieurs reprises de manière peu compréhensible pour un cheval de cette qualité supposée.

Débute alors une phase judiciaire qui ne prendra fin qu’en cette année 2021. Comme il est habituel dans de telles affaires, le dossier va connaître une phase d’expertise puis de débats au fond pour indemnisation devant le tribunal.

Ici, l’expertise va mettre en évidence la présence d’un fragment ostéochondral dans le boulet postérieur droit, fragment déjà présent lors de la vente et visible sur les radios prises par le docteur D. mais non signalé par ce dernier. L’expert va également relever l’existence d'un arrachement osseux de la protubérance occipitale associé à une douleur des apophyses épineuses du garrot. Sa conclusion n’est cependant pas tranchée puisqu’il indique qu’il lui est impossible de dire si le cheval est apte ou non à un usage de saut d’obstacle.

Saisi de la demande en indemnisation de Mme S., le tribunal de Toulouse va ainsi juger le 16 février 2018 : la non-conformité est établie, condamnation du vendeur à reprendre le cheval et rembourser son prix de vente, condamnation in solidum du vendeur et du vétérinaire à rembourser les frais d’entretien (12319,76 €), condamnation du vétérinaire seul au remboursement des frais d’assurance (1100,02 €). Mécontent de cette décision, le vendeur va relever appel en avril 2018. Il va ensuite, mais pas immédiatement, reprendre possession du cheval et rembourser à Mme S. le prix de vente.

En appel, le dossier va prendre une tournure bien plus favorable pour le praticien. Alors que celui-ci avait été condamné in solidum avec le vendeur aux frais d’entretien non négligeables, la cour d’appel de Toulouse va juger que le vétérinaire ne doit en réalité aucune indemnité concernant ces frais. La motivation se fait en deux temps.

Premier temps, la cour juge que le fait de ne pas avoir fait mention de la présence d’un fragment articulaire dorso-médial est fautif. Qu’informée d’une telle lésion susceptible d’empêcher l’utilisation sportive du cheval, il est probable que Mme S. n’aurait pas acheté le cheval qui était acquis spécifiquement pour le CSO.

Mais second temps… La cour considère que la faute du vétérinaire est toutefois sans lien de causalité avec le dommage dont Mme S. sollicite la réparation puisque les frais exposés à compter du 30 avril 2014 trouvent uniquement leur origine dans le refus injustifié du vendeur de reprendre le cheval dans le cadre de la résolution de la vente. Sera seule laissée à la charge du praticien la condamnation pour les frais d’assurance.

Le vendeur, quant à lui, va voir toutes ses condamnations confirmées et même augmentées pour les frais d’entretien (19312,96 €) puisqu’il ne sera pas venu immédiatement reprendre possession du cheval.

En conclusion : une faute du vétérinaire et une perte de chances pour l’acheteuse qui vont aboutir pour le praticien à une condamnation minime.

  • Commentaire de l’arrêt rendu par la cour d’appel de Toulouse le 14 juin 2021
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