Paralysie laryngée juvénile et polyneuropathie chez une jeune rottweiler - La Semaine Vétérinaire n° 1926 du 04/01/2022
La Semaine Vétérinaire n° 1926 du 04/01/2022

Neurologie et génétique

FORMATION CANINE

Auteur(s) : Sabrina Fert, résidente en neurologie au CHV Frégis
 

Commémoratifs et antécédents

Une chienne rottweiler entière de 6 mois est présentée pour une tétraparésie évoluant depuis plusieurs mois. Ses vaccins sont à jour et elle n’a pas voyagé en dehors de la France. Elle a été adoptée à l’âge de 2 mois dans un élevage et était parfaitement normale lors de l’adoption. Elle pèse 19 kg au moment de la consultation.

Anamnèse

Dès l'âge de 4 mois, la chienne a commencé à présenter des difficultés locomotrices : initialement, une faiblesse sur l’arrière-train a été notée, accompagnée d’une perte de coordination modérée. Par la suite, cette faiblesse et cette ataxie se sont intensifiées et ont lentement progressé au niveau des membres thoraciques. En parallèle, la propriétaire a rapporté l’apparition de régurgitations puis de vomissements, de plus en plus fréquents, ainsi qu’un stridor, plus marqué lors de phases d’agitation. La propriétaire décrit également des yeux qui lui semblent anormaux, comme “vitreux”. L’appétit reste malgré tout conservé, et l’animal ne présente pas de difficultés lors de l’émission des selles et des urines.

Examen clinique

La température rectale est de 38,4°C. L’auscultation cardiaque est normale. Un stridor est audible au cours de la consultation. Une cataracte et une microphtalmie bilatérales sont également notées.

L’examen nerveux met en évidence une ataxie marquée des quatre membres et une tétraparésie difficilement ambulatoire plus marquée sur les membres pelviens. Les réactions posturales sont retardées et les réflexes médullaires sont diminués sur les quatre membres. La vigilance n’est pas altérée et l’évaluation des nerfs crâniens ne révèle pas d’anomalie. La manipulation du cou n’est pas douloureuse.

Hypothèses diagnostiques

Face à un tableau clinique de tétraparésie évolutive chez un jeune chien de pure race sans modification de la vigilance et avec des signes évocateurs d’une paralysie laryngée, le diagnostic différentiel inclut : les neuropathies périphériques, les myopathies et les jonctionopathies, sans pouvoir exclure une myélopathie cervico-thoracique.

Examens complémentaires et diagnostic

Afin d’exclure toute affection médullaire pouvant nécessiter une prise en charge chirurgicale, un myéloscanner cervico-thoracique est réalisé, après s’être assuré que le bilan sanguin (hémogramme et biochimie) ne comportait aucune anomalie significative (exceptée une discrète anémie compatible avec l’âge de l’animal). Aucune lésion remarquable n’est notée au sein du canal vertébral, et plus particulièrement aucune lésion évocatrice d’une spondylomyélopathie cervicale caudale (syndrome de Wobbler) ou d’un diverticule arachnoïdien.

Étant donné l’âge d’apparition des signes cliniques, le caractère évolutif de ces derniers et la race de l’animal, un test génétique (test JLPP, pour Juvenile Laryngeal Paralysis and Polyneuropathy1) est alors réalisé. Le résultat génétique indique que l’animal est homozygote muté (deux copies défectueuses du gène RAB3GAP1) et confirme le diagnostic de paralysie laryngée juvénile et polyneuropathie.

Pronostic

Face à l’absence de traitement spécifique et l’évolution assez rapide des signes cliniques, le pronostic est très sombre, avec une qualité de vie déjà assez détériorée. Un traitement symptomatique (anti-émétique et antibiothérapie en prévention d’une bronchopneumonie par fausse déglutition) est instauré.

Un certain nombre de maladies neurologiques supposées héréditaires sont décrites chez le rottweiler. Les caractéristiques et l’âge d’apparition des signes cliniques étant souvent similaires, il est parfois difficile de les différencier ante mortem. Le développement des tests d’identification des mutations génétiques s’avère ainsi utile pour aider au diagnostic et à la distinction de ces différentes affections.

Pathogénie

L’une des maladies génétiques évolutives connue chez le jeune rottweiler âgé de moins de un an est appelée la « paralysie laryngée juvénile et polyneuropathie » (JLPP). Antérieurement connue sous le nom de « vacuolisation neuronale et dégénérescence spinocérébelleuse » (NVSD), en rapport avec ses critères cliniques et histopathologiques, elle a également été décrite chez le jeune terrier noir russe qui présentait des signes de paralysie laryngée et de polyneuropathie complétés d’une cataracte et de vacuoles neuronales similairement observées chez le rottweiler. Une mutation du gène RAB3GAP1 a pu être identifiée chez cette race et a ainsi permis par la suite d’identifier une mutation similaire chez le rottweiler. L’expression de ce gène est particulièrement forte au sein des neurones périphériques, du cervelet et au sein de la rétine et du cristallin. Ce gène code pour la protéine RAB3 activant la GTPase, qui joue un rôle dans la conversion de la forme active liée au GTP en la forme inactive liée au facteur GDP des protéines RAB3, qui à leur tour régulent l’exocytose des hormones et des neurotransmetteurs. Histologiquement, de nombreuses vacuoles intracytoplasmiques sont observées chez les patients atteints. Le mode de transmission de cette anomalie génétique est de type autosomique récessif. Environ 84,5% des Rottweiler sont testés normaux, 15,1% sont porteurs sains et 0,4% sont affectés. Il est ainsi recommandé de tester chaque animal afin de pouvoir les retirer de la reproduction en cas d’hétérozygotie. 

Clinique

Les rottweilers atteints de JLPP présentent généralement les premiers signes vers l’âge de 3 à 4 mois. Le nerf vague, le nerf crânien le plus long et le plus complexe, est communément atteint en premier, expliquant pourquoi la paralysie laryngée est le premier signe clinique observé. Le nerf sciatique, deuxième nerf le plus long de l’organisme, est ensuite atteint, conduisant à une faiblesse des membres pelviens, qui progresse ensuite aux membres thoraciques, ce qui explique pourquoi une ataxie et une parésie sont observées avec une atteinte plus marquée sur les postérieurs. Une cataracte et une microphtalmie bilatérales congénitales font également partie des critères phénotypiques rencontrés.

Traitement


Il n’existe pas de traitement spécifique. Une laryngectomie peut potentiellement améliorer les signes transitoirement, mais l’évolution est inéluctable, avec une dégradation de la paralysie laryngée causant des difficultés respiratoires; la faiblesse et les troubles de la coordination deviennent de plus en plus sévères, et l’animal finit par développer des problèmes de régurgitation. Excepté dans de très rares cas, l’animal finit par être euthanasié plusieurs mois après le diagnostic.

  • 1. Réalisé auprès du laboratoire Antagene. Test également proposé par Genimal biotechnologies et Laboklin
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