FORMATION MIXTE
Auteur(s) : Clothilde Barde Article rédigé d'après la conférence présentée lors des Journées nationales des groupements techniques vétérinaires (JNGTV), du 20 au 22 octobre 2021 à Tours, par les praticiens Olivier Salat (15) et Guillaume Lemaire (15).
Staphylococcus aureus (SA) est considéré comme un pathogène mammaire majeur, par sa capacité à induire une inflammation mammaire plus ou moins chronique et par sa fréquence d’isolement à partir de mamelles infectées. Même si ces dernières années sa prévalence dans les infections mammaires a régulièrement diminuée au profit des germes d’origine environnementale (Streptococcus uberis et Escherichia coli), il reste toutefois l’un des deux germes les plus fréquemment isolés lors de mammites subcliniques1 et parfois cliniques2. Outre la colonisation rapide et complète du parenchyme mammaire, la capacité de SA à persister dans une mamelle repose sur sa capacité de production de biofilms et de capsule polysaccharidique, de synthèse de leucotoxines, de transformation en forme L ou variant « petites colonies », et d'induction de séquelles inflammatoires protectrices (micro-abcès, fibrose).
Des traitements à adapter au contexte
Les travaux récents sur le génotypage des souches de SA (détermination du complexe clonal, RS-PCR et variations du gène) ont permis de montrer que certaines souches présentent un potentiel contagieux plus important et infectent en moyenne plus de quartiers d’une même mamelle3. Etant donné que les taux de guérison des infections mammaires observées sur le terrain varient considérablement (4 % à 92 %) suivant les animaux, il existe donc très probablement un lien avec la souche de SA, et le schéma thérapeutique à suivre peut par conséquent être adapté au contexte, a noté le conférencier. Plusieurs études ont montré que la guérison bactériologique dépend de plusieurs facteurs. Ainsi, plus la parité est élevée, plus les chances de guérison diminuent4. De plus, une vache infectée sur un seul quartier présente un taux de guérison supérieur à une vache infectée sur au moins deux quartiers ; et une infection récente guérit beaucoup mieux qu’une infection ancienne : 70 % vs 35 %5,6. Par ailleurs, certaines souches présentent des résistances aux antibiotiques. Ainsi, dans l’étude de Kerro Dego par exemple, menée sur 301 souches isolées de 43 fermes laitières aux Etats-Unis, environ les deux tiers des souches isolées étaient sensibles à tous les antibiotiques testés et 10 souches étaient multi-antibiorésistantes (dont 7 méthicillino résistantes (SARM)). En France, au cours des deux dernières décennies, on a pu constater une diminution lente mais linéaire de l’isolement de souches résistantes à la pénicilline et à la lincomycine7, mais ce n’est pas le cas pour d’autres antibiotiques, comme l’érythromycine, où la proportion de souches résistantes est restée la même. Par ailleurs, même si la prévalence des SARM est importante dans certains pays8, elle reste pour le moment très limitée en France. Comme l’a indiqué le conférencier, les souches productrices de bêta lactamase sont difficiles à traiter, quelle que soit la molécule utilisée9. C’est pourquoi, la pénicilline est l’antibiotique de premier choix uniquement pour les bactéries dont la sensibilité à cette molécule a été démontrée (combinaison de la méthode des disques et du test à la céfinase par exemple)10, 11.
Mammites cliniques et subcliniques, des traitements variés
En ce qui concerne le traitement des mammites cliniques, les données terrain ont montré qu’il n’existe pas de corrélation entre la sensibilité des souches de SA et un résultat thérapeutique positif aux pénicillines12 car les caractéristiques pharmacocinétiques de ces molécules font qu'elles n’atteignent pas l’intégralité de leurs cibles. Par ailleurs, des études récentes ont permis de montrer que les traitements de 5 jours présentent de meilleures taux de guérison que les traitements AMM classiques, plus courts. De plus, l’association pénicilline-aminoside, synergique in vitro, semble apporter de bons résultats de guérison lors d’utilisation par voie intramammaire. Enfin, les traitements combinés de pénicilline (administrations locales et parentérales) ont de bons taux de réussite. Pour les mammites subcliniques des vaches en lactation, le traitement n'est généralement pas justifié économiquement13, à l’exception des infections mammaires à pathogènes contagieux14. Toutefois, comme les mammites subcliniques peuvent être à l'origine d'une forte hausse des concentrations cellulaires de tank, les éleveurs souhaitent souvent qu’un traitement soit mis en place. Le traitement des infections subcliniques peut également être intéressant car il permet de diminuer le risque de survenue de mammite clinique ultérieure15. Ainsi, dans une étude récente portant sur des infections mammaires à SA de génotype B16, les auteurs ont montré qu’en reposant le traitement de jeunes vaches en lactation présentant de faibles concentrations cellulaires (< à 200 000 cellules/ml) sur l’administration locale quotidienne d’une association de céfalexine et de kanamycine (UBROLEXIN ND), pendant 5 jours et systématiquement dans les 4 quartiers d’une vache infectée, les performances de guérison sont très élevées (93 %).