La collaboration libérale, premier pas vers l’entreprise - La Semaine Vétérinaire n° 1921 du 19/11/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1921 du 19/11/2021

Exercice

ENTREPRISE

Auteur(s) : Propos recueillis par Lorenza Richard

Souvent mal connu des jeunes vétérinaires comme des titulaires de structure, le statut de collaborateur libéral peut s’avérer une avantageuse porte d’entrée vers le monde de l’entreprenariat.

Le statut de collaborateur libéral reste souvent flou pour les vétérinaires et peut susciter certaines craintes, alors qu’il présente de nombreux avantages. Notre consœur Fanny Garcia et notre confrère François Courouble, auteurs de Libre d’exercer, 50 questions-réponses pour tout savoir sur la collaboration libérale, nous éclairent sur les points à connaître pour se lancer en toute confiance.

Pourquoi avoir choisi de rédiger un livre dédié au statut de collaborateur libéral ?

Fanny Garcia : J’ai l’expérience pratique de ce statut. D’abord réticente quand mon employeur me l’a proposé, après seulement deux mois de salariat, je me suis informée. Je l’ai trouvé tellement intéressant que je l’ai conservé dans la structure où j’ai travaillé par la suite. Après mon premier livre Au Boulot ! 1, j’ai pu constater que ce statut était très flou pour de nombreux confrères et consœurs. J’ai donc eu envie d’aller plus loin et de donner des clés pratiques pour le faire mieux comprendre. Il est en effet le seul qui ouvre les portes du monde de l’entreprise, avec de réels avantages, et il est dommage que de jeunes vétérinaires n’osent pas se lancer.

François Courouble : Il existe actuellement, environ, 1 200 vétérinaires ayant ce statut pour 12 500 libéraux, mais la collaboration libérale soulève beaucoup de questions et de craintes chez les jeunes vétérinaires comme chez les titulaires. Je souhaitais communiquer sur ce sujet depuis longtemps, car je considère que notre profession est d’essence libérale. Cela est lié à certaines particularités, comme la continuité des soins et l’activité rurale, notamment. Il est, par exemple, difficile en rurale d’embaucher un salarié avec des horaires précis, car les rendez-vous s’ajoutent au fur et à mesure de la journée, avec des déplacements parfois longs. Rapidement son activité dépasse le champ du droit du travail et cela est risqué pour l’employeur. La collaboration libérale permet donc une plus grande flexibilité, et laisse davantage de liberté au collaborateur.

Quels sont les avantages de ce statut ?

F.G. : En plus d’offrir une plus grande liberté, ce statut permet de mieux comprendre la gestion d’une activité libérale et donne de bonnes bases pour une future association. De plus, à coût égal pour la structure, la rémunération nette est plus importante de près de 10 à 20 % par rapport à un salarié. Par ailleurs, le fait d’être rémunéré selon son travail est plus motivant. Enfin, le collaborateur libéral se sent plus impliqué dans la structure, il est davantage sur un pied d’égalité avec les titulaires, et peut aider à prendre certaines décisions. Cela réduit le fossé entre employeur et employé.

F.C. : Les salariés sont soumis au lien de subordination : la façon de travailler de la structure, les rendez-vous, le calendrier, les jours de vacances et les sanctions leur sont imposés. Cela n’existe pas avec le collaborateur libéral : il peut partager sa manière d’aborder la clientèle et participer à l’élaboration du protocole de soins. C’est une ouverture sur la gestion d’une structure vétérinaire tout en étant épaulé, car le titulaire a l’obligation morale d’accompagner son collaborateur.

Les jeunes vétérinaires ont pourtant des craintes concernant la précarité du statut ou la rémunération. Comment les rassurer ?

F.G. : Alors que le salarié ne fait que de la technique vétérinaire, le collaborateur libéral doit se pencher sur sa protection sociale, faire sa comptabilité, etc. Cela peut décourager, notamment dans certaines structures qui utilisent ce statut à mauvais escient, donnant aux jeunes vétérinaires l’impression de se faire exploiter, sans voir les côtés positifs. La précarité du statut est souvent évoquée comme un frein, car le contrat peut s’arrêter rapidement, sans chômage par la suite. Cependant, le collaborateur libéral peut également partir rapidement s’il le souhaite. De plus, il n’est pas moins bien protégé qu’un salarié, car il est possible de choisir son niveau de protection (CARPV, compagnies d’assurances, etc.).

F.C. : Dans la perspective d’un contrat équilibré, les honoraires versés doivent être proches du coût total d’un équivalent salarié. La rémunération peut être un fixe par jour de présence, calculée en fonction des actes réalisés, indexée sur le chiffre d’affaires de la clinique, etc. Aujourd’hui, un tiers des collaborateurs libéraux demandent un fixe, un tiers un pourcentage selon l’activité, et un tiers un fixe avec un pourcentage. Ce dernier type de rémunération est celui qui rassure à la fois le collaborateur libéral et le titulaire. Il convient cependant de faire attention : pour un chiffre d’affaires en honoraires versés inférieur à 20 000 euros, ou encore pour un contrat d’une journée par semaine, qui entraîne trop de frais fixes, le statut de collaborateur libéral est peu intéressant.

Quels points suscitent également des hésitations chez les titulaires ?

F.G. : Le risque de requalification du statut en salariat déguisé, si l’interdiction d’un lien de subordination n’est pas respectée, peut inquiéter les titulaires. Toutefois, une seule structure a été condamnée aux prud’hommes depuis la création du statut en 2005. La notion de clientèle personnelle du collaborateur libéral fait également un peu peur aux titulaires, mais ce n’est qu’une possibilité, pas une obligation.

F.C. : Qui dit clientèle personnelle dit stock de pharmacie personnel, et en pratique cela est difficile. De plus, dans le code de déontologie, lorsqu’une personne intègre une structure, son client est celui de la structure et non le sien uniquement. À ma connaissance, depuis seize ans que le statut de collaborateur libéral existe, aucun conflit grave de clientèle personnelle n’a été signalé à l’Ordre, et d’une manière générale, les conflits concernant les collaborateurs libéraux sont largement minoritaires par rapport à ceux qui concernent les salariés. Pour démarrer en confiance, notre conseil est que le contrat doit être complet et équilibré. Chaque partie doit décider de ce qui est bon pour lui ou pour sa structure : durée du préavis, rémunération, possibilité d’une clientèle personnelle, utilisation des locaux, de la voiture, encaissement des revenus par la structure, etc. Tous ces points sont abordés dans le livre, qui donne les clés d’une collaboration réussie.

  • 1. Au boulot ! Du diplôme à la retraite, les clés pour exercer sereinement de Fanny Garcia, éditions Le Point Vétérinaire, 2019, 200 pages.
  • Libre d’exercer, 50 questions-réponses pour tout savoir sur la collaboration libérale de Fanny Garcia et François Courouble, éditions Le point Vétérinaire, collection Focus, 2021, 184 pages, 39 €.
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