One Health : action ! - La Semaine Vétérinaire n° 1920 du 12/11/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1920 du 12/11/2021

Politique

ANALYSE GENERALE

Auteur(s) : Par Marine Neveux

Le livre blanc Une seule santé en pratique a été présenté le 3 novembre à Paris. Il apporte 36 propositions d’actions concrètes divisées en cinq axes, qui visent à aider les décideurs publics et les professionnels.

Comme le rappelle Jean-Luc Angot, envoyé spécial pour le projet Prézode1, et pilote du livre blanc, l’un des premiers objectifs était de définir un périmètre : « La complexité du vivant et l’étendue de la biodiversité impliquent l’adoption d’une approche transdisciplinaire et intersectorielle, convoquant toutes les sciences, une révolution culturelle est aussi à faire. » Dix-neuf contributeurs d’horizons divers ont participé à l’élaboration de cet ouvrage. Rédigé sur la base de travaux de recherche et d’entretiens individuels, il vise à fournir des propositions concrètes pour une mise en œuvre dans les politiques françaises, européennes et internationales (voir encadré). « Le concept est encore trop peu intégré dans les décisions relatives à la santé, constate Jean-Baptiste Moreau, député de la Creuse, le vivant nécessite une approche globale. » Un bilan que dressent plusieurs intervenants. « Le concept prendra tout son sens, dès lors que collectivement on aura une vision moins centrée sur l’homme », estime Jean-Luc Guérin, président du Conseil national de l’Ordre des vétérinaires (Cnov). Laurent Perrin, président du Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral (SNVEL), souligne la nécessaire gestion commune des maladies humaines et animales et le travail de conserve pour anticiper les prochaines crises. La promotion de la vaccination est aussi un sujet commun aux deux médecines rappelle Jean-Louis Hunault, président du Syndicat de l’industrie du médicament et diagnostic vétérinaires (SIMV). Jeanne Brugère-Picoux, professeure honoraire de l’École nationale vétérinaire d’Alfort, avance également « le rôle [essentiel] de la faune sauvage qui est un important réservoir d’agents pathogènes ».

Comment faire du One Health une réalité dans les politiques publiques ? « Comment le citoyen arrive-t-il dans cette histoire et la comprend-il ? », s’interroge en effet Arnaud Bedin, directeur médical de Boehringer Ingelheim France. Selon lui, il est primordial de « repartir de choses extrêmement simples pour amener avec nous le citoyen et la jeune génération ». Pour Jean-Louis Rastoin, membre de l’Académie d’agriculture de France, « le concept n’a pas encore intégré la sphère dirigeante […] L’approche multidisciplinaire est importante mais doit commencer dès l’école primaire et reste importante lors de la formation professionnelle. » Il conclut aussi par un des axes du livre : « La gouvernance doit évoluer. On est dans un mode de gouvernance pyramidale, on doit aller vers un mode coopératif. » Notre confrère David Lussot, directeur engagement client et développement chez MSD Santé animale, regrette aussi l’approche en silos.

Informer, former…

Christiane Lambert, présidente de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), en appelle à avoir de « vrais experts pour ne pas créer de message flou comme lors de la crise du Covid-19 ». La présidente constate la remise en question de la parole de la science, « la société ne veut pas du risque », le rôle de l’éducation est de préparer à « cette incertitude du vivant ». « Les personnes qui ont une connaissance de la science, les médecins, les vétérinaires, etc., sont bien placés pour parler », estime-t-elle.

Emmanuelle Soubeyran, directrice générale adjointe de l’Alimentation (DGAL), dévoile des exemples concrets comme celui du projet de cycle de hautes études One Health destiné aux hauts fonctionnaires, afin que les préfets aient la culture de cette notion.

L’antibiorésistance, cas d’école

Depuis plusieurs décennies, la gestion de l’antibiorésistance est marquée par plusieurs avancées et traduit toute la complexité d’un sujet qui nécessite une approche globale. Alexandre Bleibtreu, infectiologue à la Pitié-Salpêtrière à Paris, constate : « On travaille sur l’antibiorésistance à l’hôpital, mais la grande majorité de la prescription se fait en ville. Donc il faut évaluer où sont les trous. » En outre, le sujet ne peut pas se borner aux frontières nationales, car sur le plan mondial de faux antibiotiques, ou frelatés, mettent en danger les populations les plus défavorisées. Sur l’antibiorésistance, Jean-Pierre Orand, directeur de l’Agence nationale du médicament vétérinaire (ANMV), réaffirme ainsi la nécessité d’avoir une approche plus globalisée et de mettre plus de science et d’environnement.

L’alimentation pour asseoir le One Health

L’alimentation serait-elle une porte d’entrée pour concrétiser le concept One Health ?, interroge la seconde table ronde. Certainement, répond Christiane Lambert : l’alimentation est un élément capital et un des premiers facteurs de bonne santé, fortement influencé par l’accès à l’éducation et l’information. « La précarité alimentaire est un facteur de rupture sociétale. En outre, par rapport à l’élevage, il y a beaucoup d’a priori négatifs. » Elle appelle à faire un travail de réconciliation et d’information. « Via l’alimentation, on peut vraiment asseoir le One Health », confirme Emmanuelle Soubeyran. Les pratiques alimentaires, sources de bonne ou mauvaise santé, sont-elles sûres par rapport à la santé de l’animal, à la contamination de l’environnement, etc. ? Christiane Lambert invite à « sortir de sa zone de confort […] à plus de coopérations interministérielles, internationales, interdisciplinaires. »

Les 5 axes prioritaires du livre blanc

1 – La nécessité de mettre en place une gouvernance transversale

Dans ce cadre, la proposition n9 est notamment celle d’une « gouvernance au plus haut niveau, sous l’égide du Premier ministre, avec une vision transversale et interministérielle et en lien avec l’Anses ». La proposition n11 vise à « définir une réelle politique alimentaire afin de faire converger les différentes politiques publiques sur le sujet. Plusieurs outils existent aujourd’hui […] mais ces programmes sont déployés en silo par des ministères différents […] Il serait intéressant de regrouper les actions et les budgets… »

2 – Mieux former et informer.

Plusieurs niveaux d’action y sont définis : formation des étudiants en santé, décideurs publics et politiques, programmes scolaires, société civile.

3 – Améliorer la prévention et la surveillance.

La proposition n17 prône la mise en place d’un « système conjoint de surveillance pour les maladies qui touchent les trois santés ». La proposition no 21 vise à « identifier les freins à la vaccination en santé animale et humaine ». La proposition no 23 ambitionne de « reconnaître publiquement la place importante des vétérinaires dans l’évaluation, la surveillance et la prévention de l’apparition de maladies zoonotiques et infectieuses et les intégrer à la mise en œuvre de la politique française “Une seule santé”. »

4 – Investir dans la R & D

La proposition no 28 veut « mettre en place des observatoires de recherche “Une seule santé” et généraliser le Domaine d’Innovation Majeur (DIM) 1Health Île-de-France et son déploiement dans d’autres régions de France afin de renforcer la recherche commune entre les santés humaine, animale et environnementale ».

5 – Élargir et harmoniser la réglementation

Cet axe aborde aussi bien les études d’impact environnemental des molécules utilisées en santé humaine que le développement de « mécanismes juridiques et financiers incitant les entreprises à une transition vertueuse ».

  • 1. Prézode, pour Preventing ZOonotic Disease Emergence, Prévenir les risques d’émergences zoonotiques et de pandémies.
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