Nanisme hypophysaire dans une portée de chiots - La Semaine Vétérinaire n° 1920 du 12/11/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1920 du 12/11/2021

éonatalogie

FORMATION CANINE

Auteur(s) : Gaële Wattiez, praticienne à Vervins (Aisne)

Présentation du cas

Commémoratifs

Une portée de 5 chiots bergers blancs suisses de 8 semaines (2 mâles et 3 femelles) est présentée à la clinique pour les premiers vaccins et l’identification. L’éleveuse rapporte un retard de croissance flagrant chez 2 des chiots.

Anamnèse

Les chiots sont correctement vermifugés. Ils sont nourris avec des croquettes de qualité depuis l’arrêt du lait maternel. Il n’y a pas eu de souci lors de la lactation. Malgré un poids de naissance similaire, 2 des femelles ont une croissance fortement en retard sur le reste de la fratrie. L’ensemble de la portée présente un développement cognitif similaire. Il n’a été remarqué ni surdité ni déficit visuel.

Examen clinique

Les 3 chiots de taille normale pèsent entre 6,5 et 8 kg tandis que l’une des femelles pèse 2,450 kg et sa sœur 1,950 kg (apparence de chiots de 5 semaines). Les 2 chiennes ressemblent aux autres mais en plus petites, la croissance semble harmonieuse. Les yeux paraissent toutefois petits et rapprochés. En ce qui concerne la motricité, les déplacements sont normaux et volontaires. Du côté du comportement, les chiots sont curieux et aux aguets dans la salle de consultation. Les examens clinique et neurologique sont normaux pour les 2 chiennes, à l’exception d’un petit souffle cardiaque audible (2/6 et 3/6).

Hypothèses diagnostiques

Les hypothèses retenues sont un nanisme hypophysaire, une hypothyroïdie congénitale isolée, une cardiopathie sévère, un shunt porto-systémique ou une microangiopathie hépatique.

Examens complémentaires et diagnostic

Des examens complémentaires sont entrepris sur l’une des 2 chiennes, l’autre étant décédée avant la visite suite à un accident. Les radiographies des os longs montrent l’absence de dysgénésie épiphysaire (absence de foyers de calcification en région épiphysaire des os longs), qui aurait été en faveur d’une hypothyroïdie congénitale, laquelle s’accompagne généralement d’un nanisme disproportionné. Le dosage de l’IGF-1 (insuline-like growth factor) se révèle trop bas avec 36,3 ng/ml (valeur attendue > 60 ng/ml), de même pour la thyroxine totale (T4), à 6,44 nmol/l (19-60 nmol/l), tandis que la TSH est normale avec 0,08 ng/ml (< 0,50). Le phosphore et l’albumine sérique sont également dosés, avec respectivement 2,16 mmol/l (1-1.8) et 30 g/l (29-40). Tous ces résultats correspondent avec les valeurs attendues dans le cas d’hypopituitarisme.

Au moment de la consultation, le test génétique pour le nanisme hypophysaire (NAH) n’était pas proposé pour les chiens de race berger blanc suisse en France, mais pour le berger allemand. Les deux races étant proches, le laboratoire Antagene a proposé de tester la mutation responsable de NAH chez le berger allemand pour ce cas clinique, dans le cadre de ses travaux de recherche. Les analyses génétiques sont réalisées sur les 2 chiennes – l’ADN de l’animal décédé avait été prélevé lors de la visite vaccinale pour réaliser la filiation génétique nécessaire à l’inscription au Livre des origines français (LOF) – et leur mère. Les résultats montrent que les deux chiots sont homozygotes mutés (2 copies défectueuses du gène) et la mère hétérozygote (porteuse saine) pour la mutation sur le gène LHX3 présente chez le berger allemand. Ces résultats confirment le diagnostic de nanisme hypophysaire dans cette portée et permettent la validation du test génétique NAH dans la race berger blanc suisse.

Pronostic et suivi

La chienne qui a servi de base à la recherche a été adoptée dans un autre département. Son suivi ne sera donc pas assuré par la clinique. En ce qui concerne son pronostic, il sera fonction des différentes affections qui seront associées à la maladie et s’exprimeront au fur et à mesure de sa croissance.

Discussion

Définition

Le nanisme hypophysaire, ou hyposomatotropisme, est une hypoplasie congénitale de la glande hypophysaire, caractérisée par un déficit en growth hormone (GH) entraînant un retard de croissance. Quatre hormones sécrétées par la glande hypophyse antérieure règlent les fonctionnements d’autres glandes endocrines. Ces hormones, appelées stimulines, comprennent la thyréostimuline (TSH), l’hormone adrénocorticotrope (ACTH), la folliculostimuline (FSH) et les hormones lutéinisantes (LH). L’hypophyse sécrète 4 autres hormones qui agissent directement sur les organes cibles : la GH, la prolactine, l’ocytocine et l’hormone antidiurétique.

Épidémiologie

Bien que le berger allemand semble porteur de cette anomalie depuis plus de cinquante ans, de nombreuses autres races, fréquemment croisées avec le berger allemand, sont également prédisposées : chien-loup de Saarloos, chien-loup tchécoslovaque, altdeutsche schäferhunde, berger blanc suisse. Une origine héréditaire selon un mode autosomique et récessif a été identifiée. Les chiens malades sont homozygotes, porteurs de 2 copies du gène défectueux transmis par les parents porteurs. Des études ont démontré que le responsable est une mutation sur le gène LXH3, qui code pour un facteur de transcription essentiel au développement de la glande pituitaire. La fréquence de porteurs de cette mutation est de 21 % dans cette race en France (données Antagene), une fréquence probablement surestimée par la possibilité que les éleveurs testent en priorité les lignées touchées.

Diagnostic

Le diagnostic est surtout clinique : taille réduite mais proportionnée, retard de croissance rapidement observable au sein d’une même fratrie, persistance du pelage juvénile et des dents lactéales et/ou prognathisme, parfois cardiopathie ou mégaœsophage. Une alopécie bilatérale au niveau du tronc apparaît plus tardivement. À l’âge adulte, une dégradation de la fonction rénale est souvent observée. Les analyses sanguines montrent un effondrement de l’IGF-1 et de la T4. Une hypoglycémie plus ou moins associée à une hypophosphatémie et/ou une anémie normochrome normocytaire peuvent être détectées en raison du déficit en TSH, GH et ACTH. La confirmation passe par un test génétique.

Traitement

L’hypo-développement de la glande pituitaire s’accompagne généralement de différentes manifestations suivant les hormones atteintes. Pour aider à pallier le manque d’hormone de croissance, de la GH porcine peut être administrée (0,1 UI/kg par voie sous-cutanée, trois fois par semaine), avec réévaluation toutes les 4 à 6 semaines. Ce traitement est poursuivi à l’âge adulte à dose plus faible, à condition de ne pas développer d’effets secondaires (diabète, hypersensibilité). Une supplémentation en lévothyroxine permet de limiter les conséquences du déficit en TSH (signes dermatologiques et osseux secondaires). En l’absence de traitements adéquats, l’espérance de vie est limitée, de 3 à 5 ans avec de sévères signes cliniques. Avec une supplémentation, la durée de vie est relativement plus longue, et surtout plus confortable.

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