Les animaux bientôt « non conformes » - La Semaine Vétérinaire n° 1920 du 12/11/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1920 du 12/11/2021

Législation

ENTREPRISE

Auteur(s) : Par Christian Diaz

À compter du 1er janvier 2022, la garantie de conformité ne s’appliquera plus aux ventes d’animaux domestiques. Décryptage.

Depuis 2005, la principale action des acheteurs/consommateurs contre les vendeurs professionnels repose sur l’action en garantie de conformité des biens meubles selon l’article L. 217-1 du code de la consommation.

Les juges, favorables aux consommateurs, ont bâti une jurisprudence qui peut mettre en péril la survie économique de certains professionnels, notamment l’arrêt Delgado du 9 décembre 2015 qui, tout en reconnaissant que l’animal de compagnie est un bien meuble relevant de la garantie de conformité, le déclarait irremplaçable avec pour conséquence d’imposer au vendeur de régler à l’acheteur des sommes hors de proportion avec la valeur de l’animal. Récemment, le tribunal de Brive1 a condamné un vendeur à verser à l’acheteur d’un bouledogue français acheté 1 800 euros une indemnité de 6 000 euros, alors même que la gravité de l’altération de l’état de santé de l’animal n’était pas validée par les spécialistes vétérinaires.

La nouveauté

L’article L. 213-1 du code rural et de la pêche maritime, qui régit les ventes et échanges des animaux domestiques, se trouve donc amputé de sa référence au code de la consommation et s’écrit à nouveau comme suit : « L’action en garantie, dans les ventes ou échanges d’animaux domestiques est régie, à défaut de conventions contraires, par les dispositions de la présente section, sans préjudice des dommages et intérêts qui peuvent être dus, s’il y a dol. »

Les acheteurs, professionnels ou non, ne pourront agir en garantie que sur le fondement des vices rédhibitoires, à moins de démontrer l’existence d’une convention contraire permettant de revenir au Code civil (article 1641 et suivants).

La garantie des vices rédhibitoires

La garantie des vices rédhibitoires, inventée par le législateur du XIXe siècle dans une France rurale dans un objectif de protection des acheteurs, concerne une liste limitative d’affections nommément citées. La procédure est complexe, imposant une requête en nomination d’experts et une assignation dans un délai très court, rendant pratiquement inapplicable la procédure. En matière d’animaux de compagnie, par exemple, l’action doit avoir lieu dans les 30 jours qui suivent la livraison de l’animal, délai impossible à tenir pour une dysplasie coxo-fémorale ou une ectopie testiculaire (vice rédhibitoire pour les chiens de plus de 6 mois) d’un chien acheté à 2 mois.

Le recours à la garantie des vices cachés permettrait d’agir pour un défaut grave, caché, antérieur à la vente dans le délai de deux ans à compter de la découverte du vice, à condition de démontrer l’existence d’une convention contraire, exigée depuis 2001.

Cette convention contraire peut être explicite – les parties conviennent d’appliquer le Code civil –, mais peut aussi être implicite depuis 2009, par déduction de l’usage et du but poursuivi par les parties. Ainsi, un étalon acheté pour saillir des juments est atteint d’un vice caché en cas de stérilité d’origine antérieure à la vente. Les magistrats apprécient cette notion de convention contraire avec une certaine rigueur.

Quels effets pervers ?

Adopteront-ils à nouveau, comme avant 2001, une conception extensive de cette notion pour rééquilibrer une situation qui penche maintenant nettement dans le sens du professionnel, décision surprenante de la part d’un ministère de l’Économie et des Finances habituellement protecteur du consommateur et qui ne semble pas avoir saisi, malgré l’éclairage de la profession vétérinaire, toutes les conséquences de cette ordonnance ?

Les effets pervers ne tarderont pas à se faire sentir, non seulement pour les consommateurs démunis, mais aussi pour les professionnels dont les représentants se sont trop vite réjouis. Avec la disparition de la garantie de conformité, les vendeurs commercialisant des produits de piètre qualité pourront le faire en toute sérénité, concurrençant ainsi de façon déloyale les éleveurs dignes de ce nom.

Se tourner vers d’autres procédures ?

Les acheteurs, privés de ce recours, devront se tourner vers d’autres procédures, notamment :

- les vices du consentement (erreur, dol, violence), d’application complexe mais qui, entraînant la nullité de la vente, imposent de rendre l’animal, sauf pour le dol dans certaines conditions ;

- l’action en responsabilité du vendeur pour défaut d’information. On pense en particulier au vendeur qui n’informe pas l’acheteur des risques de dysplasie coxo-fémorale d’un chien alors que l’un des parents est officiellement atteint ;

- enfin, et non la moindre, l’action en responsabilité extracontractuelle du vétérinaire du vendeur, auteur d’un certificat sanitaire avant la transaction, pour les chevaux, les chiens ou les chats. Cette action, qui tend déjà à se développer, a probablement de beaux jours devant elle, favorisée par le manque d’attention de certains praticiens dans la rédaction desdits certificats.

  • Source : Ordonnance n° 2021-1247 du 29 septembre 2021 relative à la garantie légale de conformité pour les biens, les contenus numériques et les services numériques.
  • 1. À lire l'article xxx de ce numéro.
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr