Un portage marqué de pathogènes respiratoires dans les basses-cours - La Semaine Vétérinaire n° 1919 du 05/11/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1919 du 05/11/2021

Élevage avicole familial

FORMATION MIXTE

Auteur(s) : Marie Souvestre, DVM, PhD, et Laureen Guichard, étudiante A5 ENV Toulouse

Ce texte est le deuxième d’une série de deux articles.

En France, les élevages familiaux sont devenus très populaires au cours des dernières années, y compris dans les milieux urbains. En résultent des consultations de poules de plus en plus fréquentes. Le syndrome respiratoire est le principal motif de consultation. Les traitements réalisés sont souvent symptomatiques et les récidives nombreuses. Dans ce contexte, une enquête a été menée au sein de 97 basses-cours et poulaillers du Gers (n=64) et plus largement répartis sur le territoire national (n=33), afin d’étudier la présence d’agents pathogènes respiratoires chez la poule de compagnie. Des écouvillons trachéaux ont été réalisés pour un maximum de 10 poules dans chaque poulailler. Les échantillons ont ensuite été analysés par PCR quantitative permettant la recherche de plusieurs agents pathogènes respiratoires.

Il ressort une grande diversité d’agents pathogènes respiratoires. Les plus fréquemment détectés sont les agents bactériens : Avibacterium paragallinarum (AvP-prévalence de 81 %), agent étiologique du coryza infectieux ; Ornithobacterium rhinotracheale (ORT-75 %) ; Mycoplasma synoviae (MS-64 %), responsable de l’aggravation de certains troubles respiratoires et de la déformation de la coquille des œufs (à l’origine du syndrome des œufs à extrémité de verre ou Eggshell Apex Abnormality) ; Escherichia coli (agent bactérien de la colibacillose) arrive en quatrième position (36 %). Le virus le plus fréquemment retrouvé est celui de la laryngotrachéite infectieuse (ILTV - 30 %). Presque 70% des basses-cours sont concernées par au moins 3 agents pathogènes.

Ces résultats vont dans le sens de la littérature : d’une part, les troubles respiratoires chez les poules de compagnie sont fréquemment d’origine multifactorielle avec le plus souvent des surinfections bactériennes ; d’autre part, des coinfections respiratoires sont observées dans la plupart des cas avec un complexe le plus souvent regroupant 4 bactéries : AvP-ORT-MS-E.coli. Ces bactéries sont majoritairement observées dans le secteur avicole familial français. On parle de pathobiome respiratoire, défini comme la communauté d’agents pathogènes présents dans son environnement biotique, ici l’arbre respiratoire supérieur. Ainsi, dans le cadre d’un syndrome respiratoire, les poules peuvent souffrir d’un « complexe respiratoire », impliquant une communauté d’agents pathogènes, et non pas un seul.

Agents à portage chronique vs agents non persistants

Dans cette étude, une majorité de poules ne présentaient pas de signes cliniques lors des prélèvements, ce qui semble indiquer un portage chronique, asymptomatique et/ou saisonnier de ces bactéries. Le portage chronique de MS, AvP et ORT sans symptomatologie semble ainsi être courant dans les basses-cours françaises. Par la suite, l’exposition à un facteur de stress comme une modification de l’environnement des animaux, ou l’introduction de nouveaux individus pouvant être porteur d’autres agents infectieux, pourra conduire à l’expression de signes cliniques.

Le portage chronique concerne surtout les bactéries. Les virus respiratoires des poules s’avèrent plutôt des agents pathogènes non persistants sauf pour le virus de la laryngotrachéite infectieuse (ILTV), herpèsvirus qui peut être présent sous sa forme latente. Porté sous sa forme asymptomatique, il peut être réactivé à la suite d’une baisse de l’état général des animaux. Il peut également conduire à l’apparition de troubles respiratoires aigus.

La cinétique d’infection n’est pas la même pour des virus tels que ceux de l’influenza aviaire (IA) (faiblement pathogène - 4 %), de la bronchite infectieuse (BI) (1 %) et de la rhinotrachéite infectieuse (aMPV) (non étudié ici), qui peuvent conduire à une apparition soudaine de symptômes respiratoires (formes respiratoires aiguës) et à une surinfection bactérienne de forme plus grave et chronique si non prise en charge. L’apparition et la gravité des symptômes dépendent de la souche virale et de l’état immunitaire de l’hôte (âge, génétique, statut immunitaire, alimentation, environnement, stress).

Des facteurs de risque

Dans cette étude, les niveaux de prévalence des agents pathogènes sont plus élevés dans les basses-cours présentant de multiples espèces, ayant de plus grands effectifs et un plus fort taux d’introductions et de contacts (directs ou indirects) avec d’autres basses-cours ou élevages avicoles de proximité. Les résultats observés sont étayés par ceux de l’enquête précédente concernant les pratiques1. En effet, les propriétaires, ayant de la même façon des grands effectifs, plusieurs espèces mélangées et plus d’échanges d’animaux, ont observé la présence de signes cliniques sur leurs poules. L’analyse de risque dépend donc, au-delà des pratiques, des caractéristiques et de la localisation de la basse-cour ou du poulailler.

Une gestion globale de la santé

Face à un portage important de pathogènes respiratoires dans le secteur avicole familial, la maîtrise des conditions d’élevage apparaît essentielle : au-delà de la prise en charge individuelle, c’est bien la gestion de la « santé du poulailler » qu’il faudra mettre en œuvre pour contrôler des troubles respiratoires. Tout d’abord, la connaissance du statut sanitaire des oiseaux introduits (par test de dépistage ou mise en place d’une vaccination) permet de minimiser le risque d’introduction d’agents pathogènes dans le poulailler. 

Pour réduire le risque d’apparition de signes cliniques, il convient de limiter le stress à l’introduction d’animaux (en lien avec la réorganisation hiérarchique du troupeau) en installant un emplacement de quarantaine à proximité du nouveau poulailler et en introduisant les nouveaux individus par deux, pendant la nuit. Il est également essentiel de bien maîtriser les conditions d’ambiance dans le poulailler, en particulier la nuit et en automne/hiver, ce qui passe par l’assurance d’une bonne ventilation et d'une densité animale limitée : en effet, la forte densité animale rapportée au mètre carré, la présence d’humidité, d’ammoniac et le non-renouvellement de l’air conduisent à une modification de l’arbre respiratoire supérieur, alors plus sensible à des agressions par des agents infectieux.

Attention à la pratique de l’introduction

En France, une pratique devenue courante pour les propriétaires de poulaillers familiaux est d'adopter des poules de réforme issues d’exploitations commerciales. L’adoption de poules en fin d’élevage est une bonne occasion « d’offrir une seconde vie » à des poules pondeuses en bonne santé après leur premier cycle de ponte. Cette pratique est associée à un risque d’introduction d’agents pathogènes respiratoires, même en l’absence de signes cliniques. La mise en place d’une quarantaine ou la connaissance du statut sanitaire des poules avant introduction (par la réalisation de tests de dépistage) peuvent être des solutions pour limiter la circulation d’agents infectieux au sein des poulaillers familiaux. A contrario, des poules de réforme naïves pourraient être contaminées par des pathogènes circulants dans la basse-cour.


Article rédigé d’après la thèse de Marie Souvestre, Étude du statut sanitaire des élevages avicoles familiaux et de loisir et évaluation de leur rôle à l’interface avec les élevages avicoles commerciaux en France, 2021, École nationale vétérinaire de Toulouse (ENVT).

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