Évolution du projet de loi contre la maltraitance animale : avancée ou recul ? - La Semaine Vétérinaire n° 1919 du 05/11/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1919 du 05/11/2021

EXPRESSION

Auteur(s) : Par Clémentine Kervinio et Lorenza Richard

Alors que le projet de proposition de loi visant à lutter contre la maltraitance animale a subi des allers-retours entre les chambres parlementaires, pour finalement trouver un consensus après le passage en commission mixte paritaire quel est le ressenti des praticiens ?

Estelle Prietz-Ducasse (N 99)

Praticienne en canine à Six-Fours-les-Plages (Var) et membre du conseil national de l’Ordre des Vétérinaires

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Le vétérinaire peut agir

Cette proposition de loi a amené le débat autour de la maltraitance des animaux de compagnie sur la place publique, tandis qu’auparavant il concernait surtout les animaux d’élevage. Des moyens ont donc été mis en œuvre au plus haut niveau de l’État, notamment avec le plan de relance qui a permis de soutenir Vétérinaires pour tous. La définition dans les textes du secret professionnel pour les vétérinaires est une excellente chose : le praticien pourra le lever pour faire un signalement au procureur de la République lors de suspicion de mauvais traitements. Cela permet aux vétérinaires, professionnels réglementés, d’agir dans un cadre sécurisant, défini et efficace. Par ailleurs, la définition de la notion de « famille d’accueil » est importante : elle clarifie et sécurise le contrat de soins entre le vétérinaire et la personne qui emmène l’animal en consultation.

Brigitte Leblanc (N 88)

Praticienne en canine à Brest (Finistère)

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Les NAC n’ont pas été épargnés

Les NAC paient cher la déconstruction du texte par le Sénat. Il a retoqué l’arrêt de la vente d’animaux en animalerie. Seule reste une interdiction de présentation des animaux en vitrine s’ils sont « visibles d’une voie ouverte à la circulation publique ». C’est bien maigre. De plus, la liste positive pour la détention de NAC non domestiques a été affaiblie, notamment par la multiplication des dérogations possibles, et les élevages de NAC domestiques ne sont toujours pas encadrés comme l’exige la Convention européenne. Les NAC ne profitent que de décisions générales prises pour les animaux de compagnie : interdiction de cession aux mineurs sans consentement des parents, d’expédition d’animaux vertébrés vivants par voie postale, de techniques promotionnelles, et encadrement de la vente en ligne, en espérant que les contrôles soient faits même pour une souris. Enfin, comment appliquer les sanctions en cas de maltraitance de NAC dont on ne peut prouver l’identité du propriétaire, faute d’identification ?

Thierry Bedossa (A 89)

Praticien en canine à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine)

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C’est de la poudre aux yeux

En tant que militant pour le bien-être animal, je considère que ce projet de loi n’est qu’une esbroufe politique. Il ne s’adresse absolument pas aux domaines où la maltraitance et les cruautés envers les bêtes existent : l’expérimentation animale, les systèmes d’élevage intensif d’animaux terrestres et aquatiques, les systèmes d’abattage centralisés, les chasses cruelles, les atteintes permanentes à la petite faune sauvage des villes et des campagnes. Si l’État avait la réelle volonté de diminuer la maltraitance animale, l’accompagnement de toutes ces filières serait au cœur des réflexions. Tous les combats ou actions visant à diminuer la somme des maltraitances envers les animaux viennent de l’Union européenne.

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