Traitement diététique de la maladie rénale chronique - La Semaine Vétérinaire n° 1918 du 29/10/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1918 du 29/10/2021

Nutrition

FORMATION CANINE

Auteur(s) : Charlotte Devaux

La prise en charge de la maladie rénale est essentiellement nutritionnelle. Tour d’horizon des besoins spécifiques des animaux malades rénaux et des adaptations alimentaires à réaliser.

Couvrir le besoin énergétique

Le premier signe de maladie rénale est bien souvent l’amaigrissement avec perte de masse maigre. Plus la perte de masse maigre est importante, plus le pronostic est mauvais. La prise en charge alimentaire de la maladie rénale a donc pour premier objectif d’enrayer la perte de poids et de masse maigre. Pour éviter que l’animal consomme sa masse maigre via la néoglucogénèse pour fournir les calories qui lui manquent, l’aliment doit être calorique. Les croquettes à visée rénale pour chat ont une densité énergétique comprise entre 380 et 440 kcal pour 100 g, soit l’équivalent des aliments croissance. Couvrir le besoin énergétique implique aussi que l’animal mange, il convient donc de travailler sur l’appétence, notamment en réchauffant la pâtée chez le chat ou en donnant l’aliment à la main chez le chien. Il est également essentiel de varier les goûts et donc d’alterner parfois entre les différentes gammes.

Lutter contre la déshydratation

L’incapacité à concentrer les urines dues à la maladie rénale entraîne une perte de liquide imparfaitement compensée par la boisson, amenant à un état de déshydratation chronique. L’alimentation humide, qui présentait déjà un intérêt par son appétence, a aussi l’avantage d’apporter de l’eau. Chez le chien, il sera possible d’humidifier les croquettes avec deux volumes d’eau par volume d’aliment ; chez le chat, il est souvent plus efficace d’utiliser de la pâtée.

Le défi des protéines

La maladie rénale entraînant une augmentation du catabolisme protéique, parfois accompagnée de pertes protéiques dans les urines, le besoin protéique de l’animal est augmenté. Cependant, la diminution du débit de filtration glomérulaire diminue l’élimination des composés azotés issus du catabolisme protéique et provoque l’accumulation de toxines urémiques. Si l’urée est la seule qu’il soit possible de doser en médecine vétérinaire, il en existe de nombreuses autres décrites en médecine humaine. L’alimentation idéale doit alors fournir suffisamment de protéines pour couvrir le besoin protéique et épargner la masse maigre tout en produisant le moins possible de toxines urémiques responsables des symptômes tels que l’hyporexie, les vomissements, l’apathie mais aussi la sarcopénie et le syndrome inflammatoire généralisé.

Parmi les nutritionnistes, deux courants – pour ou contre la restriction protéique – existent, aussi bien en humaine que pour les animaux de compagnie. Trop de protéines risquent de générer trop de toxines urémiques altérant la qualité de vie et pouvant détériorer le pronostic par leur pouvoir inflammatoire. Quant à la carence en protéines, elle risque de diminuer la masse maigre, d’augmenter l’azotémie par catabolisme des protéines endogènes et de générer une inappétence envers l’aliment trop pauvre en protéines. En pratique, à tous les stades de maladie rénale, l’aliment choisi doit avoir une excellente qualité protéique permettant de limiter les déchets produits. Les aliments hyperprotéinés seront évités. En revanche, une réelle restriction protéique n’est généralement indiquée que lorsque l’azotémie impacte la qualité de vie, notamment par des « crises urémiques ».

Le fragile équilibre du phosphore

Chez l’animal atteint de maladie rénale chronique (MRC), les perturbations de l’homéostasie phosphocalcique sont précoces. Elles interviennent bien avant l’instauration d’une hyperphosphatémie et sont à l’origine d’une aggravation de la MRC, avec des complications comme la néphrocalcinose. La prise en charge de ces perturbations doit être faite en deux temps : en stade débutant, une restriction sévère en phosphore n’est pas souhaitable car elle peut être à l’origine d’une hypercalcémie réactionnelle, l’apport en phosphore sera donc d’environ 1,5 g/Mcal ; en stade avancé (créatininémie > 25 mg/l), l’apport sera restreint plus sévèrement (≤ 1,1 g/Mcal).

Le rôle multiple des oméga-3

Les oméga-3 permettent de lutter contre l’hyperlipémie parfois provoquée par la maladie rénale, ils diminuent la protéinurie, luttent contre la composante inflammatoire de la maladie, augmentent le débit de filtration glomérulaire ainsi que la survie. Dans une étude1 sur des chats insuffisants rénaux, la meilleure survie a été observée chez ceux mangeant un aliment humide très enrichi en oméga-3. La dose conseillée est de 140 mg/kg0,75, ce qui correspond à un aliment contenant plus de 1 g/Mcal d’EPA + DHA.

Bannir les aliments acidifiants

Une acidose métabolique est présente lors des stades tardifs de MRC. Les aliments à visée rénale contiennent des composés alcalinisants visant à limiter ce phénomène. Les aliments acidifiants, comme les aliments à visée urinaire sont donc à éviter, tout particulièrement lors des stades tardifs de MRC. Si la maladie rénale est concomitante à des calculs, notamment d’oxalates, le choix se portera sur un aliment à visée rénale testé pour éviter la survenue de calculs d’oxalates.

Surveiller le potassium

Les malades rénaux ayant tendance à l’hypokaliémie, les aliments à visée rénale sont souvent enrichis en potassium. Cependant, les animaux en stade terminal peuvent aussi être sujets à l’hyperkaliémie. Il conviendra alors de surveiller l’apport fourni par l’aliment et de choisir, le cas échéant, une référence la moins riche possible.

Des promesses pour l’avenir

Les axes de recherche sur la nutrition des malades rénaux sont essentiellement tournés vers le microbiote. Certaines bactéries auraient le pouvoir de dégrader les toxines urémiques. Des probiotiques sont déjà commercialisés dans certains pays dans cette optique. Certaines fibres solubles pourraient aussi permettre d’éliminer les composants azotés excrétés dans l’intestin. L’avenir de la prise en charge de la MRC restera nutritionnel et permettra peut-être une nouvelle amélioration de la qualité et de l’espérance de vie des animaux atteints.

  • 1. Plantinga E.A., Everts H., Kastelein A.M.C. et coll., Retrospective study of the survival of cats with acquired chronic renal insufficiency offered different commercial diets, Vet Rec., 2005 ; 157 (7) : 185-187.
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr