De l'art de bien décider - La Semaine Vétérinaire n° 1918 du 29/10/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1918 du 29/10/2021

Management

ENTREPRISE

Auteur(s) : Par Christelle Fournel

Décider suppose un traitement complexe de l’information aboutissant parfois à des erreurs désastreuses, notamment lorsque la décision a été prise de manière unilatérale. Bien décider implique de revoir le processus décisionnel afin d’utiliser au mieux nos deux systèmes cognitifs de prise de décision.

Toute personne qui a des responsabilités doit décider. C’est ce que l’on attend d’elle. Ces décisions sont tantôt bonnes, tantôt mauvaises. Comment éviter de prendre de mauvaises décisions ?

Un processus décisionnel qui peut mener à l’erreur

La prise de décision s’effectue selon deux modes de traitement des informations. Le Système 1 est basé sur l’intuitif et l’émotionnel. Nous faisons des raccourcis pour répondre aux problèmes du tac au tac, quasiment de façon reptilienne. Le Système 2 prend le temps de poser les éléments de manière logique et réfléchie et fait appel à des ressources externes et internes, notamment aux collègues.

Très souvent, notre intuition et des règles empiriques (Système 1) nous aide. Mais il nous conduit parfois à des erreurs. Ces erreurs s’expliquent bien souvent par un biais cognitif : nous réagissons par rapport à la perception que nous avons d’une situation et à cause de barrières techniques comme un manque de compétences. Autrement dit, nous évitons une interaction, notamment, et retardons une prise de décision, car nous manquons de motivation pour avoir la dite interaction. Un salarié ne fera pas la tâche que vous lui avez assignée et tentera de vous le cacher s’il n’est pas formé pour réaliser le travail ou n’en a pas compris l’intérêt.

Des décisions absurdes et pourtant si fréquentes

Parfois nous prenons des décisions absurdes, c’est-à-dire que nous commettons des erreurs systématiques et constantes qui vont contre le but que nous nous étions fixé au départ. Voici quelques exemples : des pilotes retardent l’atterrissage d’un avion pendant plus d’une heure ; l’appareil s’écrase, à cours de carburant ; deux pétroliers, cherchant à s’éviter, détournent leur trajectoire et entrent en collision.

Mais aussi… Des vétérinaires ne sont pas informatisés mais rédigent des ordonnances illisibles. Un vétérinaire salarié refuse des heures supplémentaires alors qu’il est soumis à l’obligation déontologique de continuité de soins. Des associés choisissent de suivre les conseils d’un consultant qui n’a pas d’expérience du secteur. Un vétérinaire prescrit un médicament en se basant sur des publications scientifiquement non valides, etc.

En terme managérial, il est fréquent d’attribuer la décision absurde au dirigeant ou à l’expert technique qui n’a pas consulté le personnel, davantage sur le terrain, au contact du client par exemple ou dans l’exécution des tâches.

Les étapes pour bien décider

Pour prendre plus souvent de bonnes décisions, il convient de bien comprendre le processus décisionnel qui nous a conduit à opter pour de mauvaises :

Étape 1 : identifier le système que nous privilégions pour décider ;

Étape 2 : identifier le comportement humain qui a induit le biais cognitif ;

Étape 3 : identifier si la mauvaise décision vient d’une absence de prise de décision ou d’une série d’erreurs d’appréciation systématiques ;

Étape 4 : modifier si possible l’environnement décisionnel et créer des possibilités de réflexion individuelle et collective ;

Étape 5 : évaluer le nouveau processus décisionnel à l’aune de la qualité des décisions prises en fonction des objectifs fixés.

Testez votre manière de réfléchir

Pour savoir comment vous utilisez chaque mode de pensée (Système 1, intuitif, ou Système 2, plus réfléchi), voici un petit test.

Question 1 : Une raquette et une basse coûtent 11 euros à elles deux. La raquette coûte 10 euros de plus que la balle. Combien coûte la balle ?

Question 2 : S’il faut 5 minutes à 5 machines pour fabriquer 5 objets, combien de temps faudra-t-il à 100 machines pour produire 100 objets ?

Question 3 : Imaginez un nénuphar dans un étang. Chaque jour, le nénuphar double la taille. S’il faut 48 jours pour recouvrir toute la surface de l’étang, combien de temps faudra-t-il pour en recouvrir la moitié ?

Réponse 1 : 50 centimes

Réponse 2 : 5 minutes

Réponse 3 : 47 jours

Si vous avez fait des erreurs dans ce test, vous avez probablement utilisé le Système 1 au lieu du Système 2. Et même si vous avez correctement répondu à ces questions, il est probable que le Système 1 vous a tout d’abord présenté des réponses que le Système 2 a envisagées puis rejetées.

* D’après Harvard Business Review - Avril-mai 2016

  • Bibliographie :
  • Morel Christian, Les Décisions absurdes : comment les éviter, Gallimard, 2012.
  • Beshears, John et Gino Francesca, Leaders : devenez des architectes décisionnels, Harvard Business Review, avril-mai 2016
  • Kahneman Daniel et Frederick Shane, A model of heuristic judgment, Cambridge University Press, 2005.
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