EXPRESSION
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Auteur(s) : PROPOS RECUEILLIS PAR CHANTAL BÉRAUD
Des voix s’élèvent actuellement pour réfléchir au mécanisme des remises arrières sur les médicaments. À quels changements faudrait-il procéder pour revenir à un contexte de prix plus sain ? Est-ce possible, et souhaitable, dans un contexte qui serait gagnant-gagnant pour tous ?
LAURENT PLANEIX (L 87)
Président du syndicat régional des vétérinaires d’exercice libéral, en Auvergne-Rhône-Alpes
Pour retrouver une assise économique saine
Sans augmenter le coût pour le client final, il faudrait commencer par modifier la part relative des revenus de la vente des médicaments en revalorisant très significativement la rémunération des actes vétérinaires. On pourrait rémunérer le rôle quotidien de veille sanitaire et de préservation du bien-être animal, puis adosser la permanence de soins à un abonnement ou à une utilisation régulière du guichet santé du praticien, rural ou urbain. Quant aux médicaments, il faut tenir compte de leurs coûts assumés par les industriels, auxquels il faudrait ajouter une rémunération proportionnée de leur prescription et délivrance. Mais attention, il serait judicieux que cette disparition ou réduction envisagées des marges arrières participent et financent le changement de paradigme plutôt que cela ne se traduise par une récupération de marge supplémentaire, sans contrepartie, pour les laboratoires, comme on a pu le voir lors de l’interdiction des remises sur les antibiotiques.
PHILIPPE DROUET (A 87)
Praticien canin à Viry-Châtillon (Essonne)
Ce scandale pourrait exploser en place publique !
Seuls les grands laboratoires peuvent accorder des remises arrières à la hauteur de ce qu’en attend un important GIE [groupement d’intérêt économique, NDLR]. Il en découle plusieurs risques pour la profession, dont à terme la disparition des petits laboratoires, et donc un appauvrissement de l’offre médicale. Le deuxième risque est la perte de confiance entre le vétérinaire et son client, dans la mesure où l’importance de ces remises aboutit depuis plusieurs années à une augmentation conséquente du prix de vente au public. Le troisième risque est la perte d’indépendance du vétérinaire dans sa prescription : comment rester indépendant quand on a 80 % de remise arrière sur un produit, et rien sur un autre ? Un autre problème est que ces montants de remises sont assortis à un engagement en volume. De fait, les remises arrières devraient être plafonnées au maximum à 20 %. Aux laboratoires de répercuter la différence en remise avant. Et chaque praticien garde la liberté de revendre au prix qu’il désire.
LUC HAZOTTE (N 91)
Praticien en canine à Verrières-en-Anjou (Maine-et-Loire)
Un plafond maximum de 25 %
Aujourd’hui, le marché est très concentré, puisque 20 % des centrales de référencement regroupent 80 % des structures vétérinaires françaises ! Un praticien peut être tenté de faire de la survente de médicaments remisés et être moins indépendant dans ses choix thérapeutiques. J’ai beau être favorable à la liberté de marché, je trouve que notre profession s’est laissée entraîner dans une spirale à la fois malsaine et risquée. Selon moi, le niveau des remises arrières pratiqué devrait probablement s’établir autour d’un plafond maximum de 25 % si l’on veut assainir le marché. Si nous ne le faisons pas, la profession risque un jour de voir remis en cause son actuel droit de prescription/délivrance. À ce questionnement relatif au « juste » prix des médicaments vétérinaires va prochainement s’ajouter une autre grande inconnue : la libéralisation de l’accès à l’ensemble des fournisseurs sur toute l’Europe, à partir de 2022. Du coup, les grandes centrales de référencement françaises iront-elles « picorer » ailleurs certains produits, notamment en Europe de l’Est ?