Jean-Yves Gauchot : « Nous sommes satisfaits » - La Semaine Vétérinaire n° 1916 du 15/10/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1916 du 15/10/2021

Profession

ANALYSE GENERALE

Auteur(s) : Par Tanit Halfon

Le ministère de l’Agriculture a annoncé un plan de renforcement de la capacité d’accueil des écoles nationales vétérinaires. Cette annonce est accueillie très positivement par la Fédération des syndicats vétérinaires de France, qui appelle à aller encore plus loin avec un plan national vétérinaire.

Face au manque de vétérinaires praticiens constatés sur le terrain, le ministre de l’Agriculture vient d’annoncer une hausse du numerus clausus, associé au recrutement de personnel encadrant supplémentaire (voir encadré). Le point avec Jean-Yves Gauchot, président de la Fédération des syndicats vétérinaires de France (FSVF).

Êtes-vous satisfait du plan de renforcement des quatre écoles nationales vétérinaires ?

La FSVF et, je crois pouvoir dire sans me tromper, l’ensemble de la profession vétérinaire sont très satisfaits de cette annonce ministérielle. L’action de tous a porté ses fruits : depuis 2013, ce discours était celui tenu par les syndicats au CNESERAAV, [Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche agricole, agroalimentaire et vétérinaire, NDLR], il aura donc fallu huit ans. Même si nous sommes vigilants sur le suivi et la mise en place de ce plan, nous pouvons remercier le ministère d’avoir été à la hauteur des attentes et des besoins : les syndicats et les autres corps intermédiaires de la profession ont en effet largement œuvré pour cette prise de conscience, en mettant en avant le risque désormais prégnant d’un non-respect des critères de l’AEEEV [Association des établissements européens d’enseignement vétérinaire, NDLR] et d’une inadéquation avec la demande du marché. Pour la hausse annoncée du personnel encadrant, il ne s’agit que d’un rattrapage indispensable et accélérateur pour compenser les augmentations d’étudiants passées, qui se sont faites jusqu’à maintenant à moyen quasi constant, en tout cas très insuffisants. Avec l’objectif affiché de 200 élèves par promo et un doublement de l’année post-bac, le nombre à terme serait de 4 320 étudiants pour les quatre ENV. Donc une nouvelle augmentation. C’est au motif de cette augmentation que les ouvertures de postes ont été obtenues. On aura alors plus que doublé en dix-huit ans le nombre d’étudiants, sans toutefois doubler les moyens des écoles.

L’annonce du ministère signe-t-elle la fin de la cinquième ENV demandée par le président de Nouvelle-Aquitaine Alain Rousset, à Limoges ?

Pour la FSVF, la première étape pour l’État a été franchie avec la montée en puissance immédiate des quatre ENV. Une école vétérinaire publique à Limoges peut paraître intéressante à étudier, à condition qu’elle soit réalisée avec un projet bien construit, des objectifs, des points d’étapes et beaucoup de transversalité. Ceci dit, une étude d’impact, nationale et régionale, est nécessaire afin d’évacuer le miroir aux alouettes et l’illusion que l’ouverture d’une cinquième ENV réglerait d’un coup de baguette magique le problème des déserts ruraux en Aquitaine. Le déficit d’attraction des vétérinaires pour l’installation en milieu rural est lié essentiellement à un problème de modèle économique, de permanence et continuité des soins dans les zones à faibles densités d’élevage. La formation n’est qu’un des aspects, sans doute très partiel, de la désertification rurale vétérinaire dans ces territoires. La voie du post-bac – et son mode de recrutement disruptif – est attendue sur ce point, nous verrons dans quelques années si ce recrutement favorise l’orientation attendue vers l’exercice rural. Pour favoriser l’insertion en milieu rural, on peut évoquer aussi l’idée de responsabiliser les futurs étudiants par le projet de droits d’inscription différés qui serait un levier très efficace pour cela, et allégerait le coût pour les finances publiques. 

Cette annonce peut-elle remettre en cause le contenu du décret relatif aux écoles vétérinaires privées ?

Je ne pense pas que politiquement le ministre ait l’ambition de revenir dessus, même si avec un cursus privé annoncé à 90 000 euros, plus cher que dans d’autres écoles privées ou publiques d’autres pays européens, et une augmentation des effectifs dans nos ENV publiques, je doute de la pertinence d’une école privée sur le sol français.

La formation initiale ne fait pas tout. Pensez-vous que d’autres leviers sont encore à activer pour accompagner la profession vétérinaire ?

Outre cette première étape nécessaire, il y aurait matière à confier au haut-commissaire au plan l’élaboration d’un plan national vétérinaire. Nombreux sont les points qui pourraient faire l’objet d’une planification à long terme, dans une vision d’intérêt général bien au-delà de la seule profession vétérinaire : la relance des quatre ENVF, le suivi de la mise en place d’une école privée, le projet d’une éventuelle cinquième école vétérinaire publique, le rapatriement en France des jeunes vétérinaires formés à l’étranger, l’organisation de la recherche vétérinaire et son affichage, la mise en place d’un « hub data health » pour Animaux de compagnie, le décloisonnement entre médecine humaine et vétérinaire, le maillage territorial vétérinaire dans les zones à faibles densités d’élevage, etc. Pour le maillage vétérinaire, cela fait déjà vingt ans que le sujet est à l’agenda politique, et les résultats espérés n’ont pas été au rendez-vous. Il est urgent de mettre en place des outils capables de maintenir la viabilité économique des cabinets vétérinaires dans les zones difficiles. Le premier volet, désormais urgentissime, c’est de sortir les éléments d’application de la loi Daddue. Le second volet pourrait être les stages tutorés qui sont un fort levier d’attractivité. Ce dispositif est actuellement insuffisant en termes de nombres d’étudiants et de tuteurs pour des raisons économiques. Son financement doit être assuré de manière pérenne et pas sur la seule base d’une convention entre la DGAL [direction générale de l’Alimentation, NDLR] et les ENV, et ce budget doit provenir de la DGER [direction générale de l’enseignement et de la recherche, NDLR]. Un financement ambitieux par la DGER des stages tutorés serait un vrai levier d’insertion.

Le plan

Combler le manque de praticiens et répondre à l’expatriation des jeunes pour les études vétérinaires sont les deux raisons invoquées par le ministère pour renforcer les quatre écoles vétérinaires françaises.

En dix ans, l’objectif est de passer à 4 300 étudiants dans les quatre ENV, avec des promotions de 200 étudiants. Sachant que le nombre actuel d’étudiants par promotion est de 160, cela veut donc dire qu’il y aurait 160 étudiants de plus qui sortiraient diplômés chaque année des ENV – 800 en tout, au lieu de 640. En parallèle, il est annoncé une augmentation du personnel encadrant, avec le recrutement de 180 enseignants-encadrants supplémentaires. En 2022, il y a déjà 28 emplois supplémentaires qui sont prévus pour les quatre ENV dans le cadre de loi de finances, mais le ministère indique qu’il s’agit d’un rattrapage des années antérieures, ce qui permettra de rester dans les clous pour les accréditations européennes de l’A3EV. D’autres crédits seront débloquées de 2,3 millions d’euros, en plus des crédits des contrats de plan État-Région 2021-2027 des régions Auvergne-Rhône-Alpes (20,5 millions d’euros de crédits État), Occitanie (20,5 millions d’euros) et Pays de la Loire (2 millions d’euros). Ces moyens supplémentaires s’ajoutent aux 16 emplois déjà créés dans le cadre de la mise en place de la première année en ENV pour les étudiants du post-bac.

À noter que la voie post-bac va davantage peser. Actuellement, les étudiants du post-bac représentent un quart d’une promotion, soit 40 étudiants par école. Ils vont doubler pour représenter environ un tiers d’une promotion.

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