Actualités sur les entéropathies chroniques du chat - La Semaine Vétérinaire n° 1916 du 15/10/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1916 du 15/10/2021

Gastro-entérologie

FORMATION CANINE

Auteur(s) : Tarek Bouzouraa

Les entéropathies chroniques sont fréquentes chez les chats adultes et âgés. Elles regroupent principalement les entéropathies répondant à un changement alimentaire, les maladies inflammatoires chroniques intestinales (MICI) et les lymphomes à petites cellules (majoritairement de type T). Une revue de la littérature1 présente les nouveautés relatives au diagnostic et à la prise en charge de ces affections.

Des spécificités épidémio-cliniques et biologiques

Bien que les données se recouvrent, les chats avec MICI sont en général plus jeunes (8 ans) que ceux atteints de lymphomes intestinaux (12,5 ans). Les signes cliniques incluent le plus souvent une perte de poids (80 à 90 %), des vomissements chroniques (70 à 80 %), une anorexie (60 à 70 %) et de la diarrhée (50 à 65 %). Celle-ci est beaucoup moins fréquente chez le chat que chez le chien, tandis que la perte de poids est souvent peu remarquée par les propriétaires, car elle progresse insidieusement. L’examen clinique peut révéler une induration et/ou un épaississement des anses intestinales avec un inconfort viscéral crânial en cas de pancréatite et/ou de cholangite contemporaines.

Le protéinogramme – albuminémie et globulinémie – n’est en général pas souvent perturbé chez le chat lors d’entéropathie chronique. Le bilan d’absorption permet de déceler une hypocobalaminémie – témoin de malassimilation iléale distale, voire d’insuffisance pancréatique exocrine –, une variation de la folatémie vers le bas – évoquant une entéropathie proximale – ou vers le haut – faisant penser à une dysbiose. La combinaison d’une hypofolatémie et d’une hypocobalaminémie évoque fortement une malassimilation due à une entéropathie chronique et indique la réalisation de biopsies étagées du tube digestif.

L’évaluation de la lipase pancréatique spécifique féline (fPLI) permet d’explorer une éventuelle pancréatite associée, notamment lors de triade, tandis que la mesure de l’activité immunologique de la trypsine (TLI) permet d’explorer une possible insuffisance pancréatique exocrine – rare, mais de plus en plus fréquemment mise en évidence –, qui résulte d’une atrophie secondaire à une pancréatite chronique fibrotique.

Les particularités à l’échographie abdominale

Lors de MICI ou de lymphome à petites cellules, un épaississement diffus de la musculeuse est fréquemment rencontré à l’échographie avec un rapport musculeuse/sous-muqueuse supérieur à 1. De manière générale, une infiltration lymphomateuse peut résulter en un épaississement focal ou segmentaire important, possiblement avec perte d’échostructure pariétale et s’associer à une adénomégalie mésentérique variable. Si tel est le cas, la réalisation de cytoponctions écho-guidées pour analyse cytologique peut être très utile au diagnostic.

Diagnostic

Si les anomalies échographiques prédominent dans le duodénum ou le jéjunum proximal, voire dans l’iléon distal, la gastroduodénoscopie ou l’iléo-coloscopie peuvent permettre l’échantillonnage de biopsies pour obtenir un diagnostic morphologique. Cette méthode est peu invasive, rapide, et autorise l’initiation rapide d’un traitement directement après la procédure. Cependant, les biopsies per endoscopiques ne permettent qu’une évaluation limitée de la muqueuse, du chorion et parfois d’une portion de la sous-muqueuse intestinale.

Les biopsies chirurgicales étagées du tube digestif permettent un échantillonnage présumé plus représentatif, mais nécessitent une procédure plus lourde retardant l’initiation d’un traitement.

Les progrès de l’analyse histologique conventionnelle

L’analyse histologique n’est pas si standardisée et plusieurs examens anatomopathologiques peuvent aboutir à des diagnostics différents. En effet, il est parfois difficile de dissocier les lymphomes intestinaux avec inflammation lymphoplasmocytaire, d’une MICI marquée. Ainsi, le groupe d’experts en gastro-entérologie de la World Small Animal Veterinary Association a proposé une homogénéisation des résultats en incorporant le degré d’infiltration cellulaire et les changements architecturaux (degré d’atteinte épithéliale, d’atrophie villeuse, de dilatation des cryptes ou des chylifères et de fibrose) à un score2. Malgré cela, des progrès seront nécessaires afin d’harmoniser les résultats rendus par différents laboratoires d’histologie et de systématiser la réalisation de procédures biomoléculaires ou d’immunohistochimie.

Apport des nouvelles méthodes d’analyses

L’immunohistochimie (IHC) appelle l’emploi des anticorps CD3 pour la lignée T et CD20, CD79a et PAX-5 pour la lignée B. Cette technique détermine si l’ensemble des cellules visualisées en microscopie sont d’une même lignée (néoplasique) ou non (inflammatoire). L’évaluation de la clonalité nécessite le plus souvent l’emploi de la méthode PARR (PCR for receptor antigen rearrangement), qui évalue la diversité des récepteurs antigéniques. La présence de plusieurs récepteurs suggère un processus inflammatoire, tandis que l’existence d’un seul type de récepteurs est en faveur d’une atteinte clonale. Cependant, des croisements peuvent aboutir à des résultats biaisés – jusqu’à 10 % des cas – avec une spécificité parfois modeste – 33 % dans une étude de 2014. Par ailleurs, cette technique est majoritairement sous-traitée en France à des laboratoires étrangers, ce qui retarde l’obtention des résultats. Pour ces raisons, l’IHC et la PARR devraient être idéalement employées conjointement à la lumière du contexte clinique général. Enfin, une étude récente détail l’apport de la spectrométrie de masse qui constituera sans doute à l’avenir une technique de choix avec des résultats prometteurs.

Traitement

Le diagnostic de MICI nécessite une corticothérapie immunosuppressive associée possiblement à un ajustement diététique vers un aliment hyperdigestible ou hydrolysé, moins immunogène. Lors de lymphome à petites cellules, du chlorambucil est prescrit avec des protocoles variables – 2 mg par chat toutes les 48 heures ou 20 mg/m2 toutes les 2 semaines – avec une médiane de survie de 1,5 à 3 ans.

  • 1. Marsilio S., Feline chronic enteropathy, J Small Anim Pract. 2021 ; 62 (6) : 409-419.
  • 2. Day M.J., Bilzer T., Mansell J. et coll., Histopathological standards for the diagnosis of gastrointestinal inflammation in endoscopic biopsy samples from the dog and cat : a report from the World Small Animal Veterinary Association Gastrointestinal Standardization Group, J Comp Pathol., 2008 ; 138 Suppl 1 : S1-S43 ; Washabau R.J., Day M.J., Willard M.D. et coll., Endoscopic, biopsy, and histopathologic guidelines for the evaluation of gastrointestinal inflammation in companion animals, J Vet Intern Med., 2010 ; 24 (1) : 10-26, erratum dans J Vet Intern Med,. 2010;24(3):796.
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