Persistance du quatrième arc aortique droit chez un chat adulte - La Semaine Vétérinaire n° 1914 du 01/10/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1914 du 01/10/2021

Appareil cardiovasculaire

FORMATION CANINE

Auteur(s) : Alejandro Comesaña, Margot Bonvoisin, Laetitia Boland (spécialiste en chirurgie, EBVS European Specialist in Small Animal Surgery), praticiens au centre hospitalier vétérinaire (CHV) Nordvet, à La Madeleine (Nord)

Cas clinique

Anamnèse

Une chatte de type européen, stérilisée, de 3 ans est présentée pour dysorexie et augmentation des bruits respiratoires évoluant depuis deux jours. Elle présente des troubles digestifs – vomissements et régurgitations – tous les quinze jours depuis l’âge de 6 mois. Elle est en ordre de vaccination mais n’est pas vermifugée de façon régulière.

Examen clinique

À l’admission, elle est alerte, présente un état corporel de 2/5 (un amaigrissement est rapporté par les propriétaires), une légère tachypnée (45 respirations par minute) et une légère tachycardie (190 battements par minute). À la palpation du cou, une dilatation aérienne bilatéralement à la trachée est palpable. L’auscultation cardiaque met en évidence une augmentation des bruits respiratoires dans la partie crâniale du thorax.

Examens complémentaires

Des radiographies thoraciques mettent en évidence une dilatation des parties cervicale et thoracique crâniale (à la base du cœur) de l’œsophage avec un signe du gravier, entraînant un déplacement ventral de la trachée. La partie caudale de la cage thoracique ne présente pas d’anomalie. Des radiographies associées à un contraste baryté objectivent une obstruction au passage du produit de contraste au niveau de la base du cœur (photo 1).

Une œsophagoscopie et un examen tomodensitométrique sont ensuite réalisés. L’œsophagoscopie montre un œsophage dilaté par du contenu alimentaire derrière lequel une constriction extramurale en forme d’anneau est visualisée, puis, après passage avec l’endoscopie dans cet anneau, l’œsophage redevient normal (photo 2). Un scanner est alors réalisé. Il met en évidence une sévère dilatation de l’œsophage, s’élargissant progressivement dans le médiastin crânial jusqu’à la base du cœur. Caudalement à la base du cœur, son diamètre diminue de façon importante, tout en restant discrètement dilaté jusqu’au cardia. Le scanner permet de visualiser l’arc aortique à droite de la trachée, ainsi que l’artère sous-clavière droite et les artères carotides communes qui quittent directement l’arc aortique sans la présence d’un tronc brachiocéphalique (photo 3).

Diagnostic

Les résultats des examens sont compatibles avec la présence d’un jabot œsophagien, associé à un mauvais positionnement (à droite) de la crosse aortique, compatible avec un anneau vasculaire secondaire à une persistance du 4e arc aortique droit. L’absence de tronc brachiocéphalique associée n’entraîne quant à elle aucune constriction supplémentaire de l’œsophage.

Prise en charge

Le traitement définitif de cette affection est chirurgical. Il consiste en la libération de l’œsophage après section du ligament artériel. Une thoracotomie latérale gauche en regard du cinquième espace intercostal est réalisée. Le lobe pulmonaire crânial gauche est déplacé caudalement à l’aide de compresses humides, et l’œsophage dilaté est visualisé. Le médiastin crânial est incisé et le ligament artériel en regard de la constriction est ensuite identifié, isolé et sectionné après la mise en place des deux clips vasculaires (photo 4). Une sonde de Foley est ensuite introduite dans l’œsophage au-delà de la zone dilatée, le ballonnet est alors gonflé en regard de la constriction afin de libérer les bandes fibreuses résiduelles. La voie d’abord est fermée de manière usuelle après la pose d’un drain thoracique. Ce dernier est retiré après 24 heures. Lors du contrôle à 15 jours post-opératoires, les signes cliniques digestifs et respiratoires sont résolus.

Discussion

Les malformations congénitales de l’appareil cardiovasculaire sont rares (incidence de 0,13 % chez les chiens et 0,14 % chez les chats). Chez le chat, les anomalies vasculaires strictes ne représentent que 5,3 % des anomalies cardiovasculaires. Parmi elles, la persistance du 4e arc aortique droit (PAAD) avec ligament artériel gauche est plus couramment rencontrée. Il s’agit d’une anomalie du développement de l’arc aortique qui se développe à partir du 4e aortique au cours de l’embryogenèse. D’autres anomalies peuvent également être associées telles que la présence d’une artère sous-clavière gauche aberrante. Lors de l’embryogenèse normale, l’arc aortique émerge du ventricule gauche et reste de ce côté jusqu’à son arrivée dans la partie plus dorsale du thorax où elle devient l’aorte descendante et occupe une position médiane. Chez les animaux atteints de PAAD, ce vaisseau présente une courbe dextrogyre, ce qui augmente l’espace entre l’aorte et le tronc pulmonaire et permet le passage de l’œsophage entre les deux structures. Le ligament artériel est donc plus grand, ce qui provoque une constriction œsophagienne et entraîne des signes digestifs tels que régurgitations, amaigrissement et vomissements. La radiographie et l’œsophagoscopie sont les examens complémentaires classiques pour diagnostiquer cette affection, mais la réalisation d’un examen tomodensitométrique reste importante afin de déterminer le type d’anomalie vasculaire présente. Le traitement définitif est chirurgical, souvent entrepris après une première étape de stabilisation médicale compte tenu du faible état nutritionnel que peuvent présenter ces animaux à l’admission (non nécessaire dans le cas décrit ici). La chirurgie est associée à un taux de survie de 90 % chez le chat. La persistance des régurgitations, rapportée jusque dans 69 % des cas, est la principale complication postopératoire, qui peut entraîner l’apparition d’une pneumonie par aspiration. Elle est secondaire à une atteinte neuromusculaire, initialement présente, entraînant une hypomotilité œsophagienne persistante.

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