La qualité colostrale, un levier pour améliorer la santé des veaux - La Semaine Vétérinaire n° 1913 du 24/09/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1913 du 24/09/2021

ANALYSE MIXTE

Auteur(s) : Par Clothilde Barde

Pour évaluer les effets sur la santé des veaux de l’utilisation de différentes pratiques de transfert d’immunité passive (TIP) via le colostrum, Jonathan Gourdon, vétérinaire mixte à dominante rurale, a réalisé, dans le cadre de sa thèse vétérinaire et en partenariat avec le laboratoire MSD, une analyse comparative dont il vient de livrer les résultats.

Thèse

Comparer ses propres performances avec celles des autres fournit un contexte pour réfléchir sur les pratiques actuelles et identifier les domaines à améliorer1. Cette approche, particulièrement utile pour résoudre des problèmes multifactoriels complexes qui nécessitent des solutions adaptées, est utilisée dans de nombreux domaines, y compris la santé, les soins et l’agriculture2. Tel est le cas de l’étude d’analyse comparative, ou benchmarking, réalisée par Jonathan Gourdon (Oniris, 2021) dans le cadre de sa thèse vétérinaire afin de comparer les performances des éleveurs entre eux en termes de TIP et de santé des veaux en présevrage dans les élevages laitiers et allaitants.

Des points de comparaison intéressants

En effet, face aux conséquences économiques des problèmes sanitaires chez les jeunes veaux, la protection commence par le renforcement du système immunitaire du nouveau-né via le colostrum. Or, pour prévenir les pertes directes liées à la mortalité des veaux ainsi que les maladies des jeunes animaux, il est intéressant d’avoir des données précises sur leur incidence en fonction de la période étudiée, de la race, du mode d’élevage, du niveau technique et sanitaire des exploitations notamment. C’est pourquoi, Jonathan Gourdon, a étudié les faits mesurables et quantifiables. À cet égard, il a effectué des dosages d’IgG sur près de 300 couples mère-veau sur la période de février à mai 2021, auprès d’une clientèle définie de la clinique vétérinaire de la forêt de Vezins à Yzernay (Maine-et-Loire). Alors que les données de la littérature montrent que les taux de mortalité des veaux oscillent entre 3 et 17 % et qu’environ un tiers d’entre eux meurt dans les trois premières semaines de vie3, le TIP insuffisant et le manque d’attention aux nouveau-nés semblent être les principales causes. Par ailleurs, selon d’autres études4, une alimentation inadaptée a des conséquences négatives sur le taux de mortalité des veaux avant le sevrage (11 %) et conduit à une acquisition inadéquate d’immunité passive (environ 40 % de mortalité chez les veaux).

Des changements sur le long terme

Après avoir mesuré par IDR (pour intra dermo réaction) la concentration sérique en IgG pour chaque couple mère-veau, le volume de colostrum ingéré ou le délai entre la naissance et les buvées colostrales ont été collectés afin de mettre en évidence les bonnes ou mauvaises pratiques de l’exploitation. Cette approche a été complétée par une série de questions visant à définir le plus précisément possible les pratiques d’administration du colostrum des éleveurs. Les résultats globaux et individuels obtenus ont ensuite été discutés avec les principaux intéressés lors d’un cycle de réunions permettant aux éleveurs de comparer leurs pratiques à celles d’autres éleveurs. Cette première initiative a pour objectif d’initier un rendez-vous annuel régulier et les changements de pratique obtenus devraient permettre à terme une prise de conscience des éleveurs sur l’impact de leurs pratiques quotidiennes sur la performance de l’exploitation et le gain économique de celle-ci.

Entretien

Jonathan Gourdon (Oniris 2021)

Vétérinaire mixte à dominante rurale

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Le vétérinaire peut conseiller l’éleveur pour  améliorer ses pratiques

Quels étaient les principaux objectifs de l’enquête ?

Nous souhaitions décrire la qualité colostrale ainsi que celle du transfert de l’immunité, mais aussi les pratiques de gestion colostrale des éleveurs. Ces travaux doivent leur permettre de comparer leurs résultats et les vétérinaires peuvent alors proposer à chacun des pistes d’amélioration.

Pourquoi avoir réalisé cette enquête ?

Cette enquête a été motivée et financée par le laboratoire MSD, en s’inspirant d’une étude canadienne similaire où il était montré que les éleveurs qui avaient fait l’effort de changer certaines pratiques autour du colostrum avaient amélioré leurs résultats de transfert de l’immunité. Nous avons donc voulu réaliser la même chose en France. Le choix des élevages s’est fait dans une seule clientèle, pour des raisons logistiques, car je connaissais les vétérinaires et ils étaient intéressés par l’étude et les bénéfices que pourraient en tirer leurs éleveurs.

Que révèlent les résultats de l’enquête ?

Sans surprise, l’enquête a révélé que le colostrum de vache allaitante est de meilleure qualité (concentration en IgG de 99 g/L en moyenne) que le colostrum de vache laitière (55 g/L en moyenne). De plus, lorsque les vaches laitières sont supplémentées en minéraux et oligo-éléments, sélénium notamment, en préparation vêlage, il est de meilleure qualité en moyenne. Globalement, il semblerait que la gestion de la prise colostrale pourrait être améliorée dans la plupart des élevages enquêtés. Enfin, nous avons mis en évidence une corrélation statistique positive entre qualité du colostrum et qualité du transfert de l’immunité passive (TIP) ainsi qu’entre un délai de première buvée court et qualité du TIP.

D’après les résultats obtenus, quelles sont les pratiques à mettre en place et à améliorer par les éleveurs ?

Nous encourageons les éleveurs à investir dans une bonne préparation au vêlage pour améliorer la qualité des colostrums. Par ailleurs, la surveillance et la gestion de la buvée colostrale doivent être améliorées, afin que le veau boive rapidement après la naissance, un colostrum de bonne qualité et en volume suffisant. En effet, seulement 12 % des éleveurs enquêtés avaient l’habitude de tester régulièrement la qualité de leur colostrum au réfractomètre optique, alors que c’est un outil utile et informatif pour eux. Pour les élevages laitiers, la prévention passe par une séparation précoce du veau et de la mère et par une distribution immédiate du colostrum par l’éleveur associée au test réfractométrique du colostrum pour vérifier sa qualité. Pour les élevages allaitants, la surveillance de la vivacité du veau est essentielle et les éleveurs ne doivent pas hésiter à intervenir pour distribuer eux-mêmes le colostrum. Idéalement, il convient de distribuer de 3 à 4 litres à la première buvée pour les veaux laitiers, et au moins 2 litres pour les veaux allaitants.

Quel rôle le vétérinaire peut-il jouer pour améliorer les pratiques des éleveurs ?

Il peut les conseiller pour améliorer leurs pratiques et proposer des suivis de qualité colostrale ou de qualité des TIP. À cet égard, il lui est conseillé de réaliser des réunions d’échanges sur le sujet, ce qui est généralement apprécié par les éleveurs et très informatif pour eux. Nous l’avons fait et cela a été un succès.

À terme, quel sera le suivi réalisé dans les élevages étudiés ?

Un projet d’étude similaire, sur la même période, après une adaptation des pratiques dans ces mêmes élevages, est envisagé par MSD et par la clinique afin d’évaluer l’influence des changements de pratiques sur le TIP et de quantifier les éventuels progrès de ces éleveurs.

  • 1. Meade, 1994 ; Anand et Kodali, 2008.
  • 2. Jarrar et Zairi, 2001 ; Bogetoft, 2012.
  • 3. Wells et al., 1996.
  • 4. Nahms, 1993 ; Fowler, 1998 ; Nahms, 2007.
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