La réduction de capital a le vent en poupe - La Semaine Vétérinaire n° 1911 du 10/09/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1911 du 10/09/2021

Finances

ENTREPRISE

Auteur(s) : Par Jacques Nadel

Les opérations de réduction de capital de sociétés d’exercice libéral se rencontrent de plus en plus fréquemment. En effet, le rachat par une SEL de ses propres titres est devenu une opération fiscalement intéressante. Encore faut-il bien la maîtriser.

Depuis le 1er janvier 2015, les sommes reçues par le vendeur lors de la cession de ses parts relèvent du seul régime des plus-values et ne sont plus considérées comme des revenus distribués. Ce changement de traitement fiscal fait suite à une décision du Conseil constitutionnel du 20 juin 2014 qui a censuré la différence de traitement fiscal des sommes reçues par les associés personnes physiques à l’occasion d’un rachat selon la procédure utilisée (rachat effectué en vue d’une réduction de capital non motivée par des pertes ou rachat effectué dans le cadre d’un plan de rachats de titres). C’est une évolution importante, à la fois pour les vétérinaires, leurs conseils et les banques finançant des opérations d’achats dans le cadre précis d’un rachat par une SEL de ses propres titres. C’est une opportunité supplémentaire pour dénouer certaines situations de cessions de parts dans lesquelles les intérêts des acheteurs et des vendeurs étaient antagonistes. En effet, les vétérinaires qui se faisaient racheter leurs droits sociaux par leur société dans le cadre d’une réduction de capital étaient lourdement pénalisés sur le plan fiscal et social. De plus, ce type de rachats ne leur donnait pas droit au régime d’exonération des plus-values en cas de départ à la retraite. Avec cette modification de la loi, cette opération devient neutre sur le plan fiscal par rapport à la vente à des personnes physiques ou à une SPF-PL, tout en restant très attractive financièrement pour les acquéreurs car l’emprunt est supporté par la société elle-même et non par les associés.

En cas de réduction du nombre de parts…

« Les réductions de capital peuvent être menées de deux manières, présente Francis Brune, directeur ingénierie financière et patrimoniale chez Interfimo. Cette opération peut être réalisée soit par réduction du nombre de parts, soit par réduction de leur valeur nominale. Dans le premier cas, on joue donc sur le nombre de titres, et, dans le second cas, sur la valeur des titres. »

La réduction de capital par rachat par la société de ses propres titres et réduction du nombre de parts ou actions de SEL entraîne pour l’associé cédant une imposition sur les plus-values réalisées. Les gains sur titres relevant du régime des plus-values de cession de valeurs mobilières et droits sociaux sont soumis de plein droit au prélèvement forfaitaire unique (PFU). Le PFU, aussi appelé « flat tax », consiste en une imposition à l’impôt sur le revenu à un taux forfaitaire unique de 12,8 % à laquelle s’ajoutent les prélèvements sociaux de 17,2 %, soit un taux global de 30 %. Le PFU est calculé sur le montant des plus-values ou gains subsistant après l’imputation des pertes puis, le cas échéant, de l’abattement fixe pour les dirigeants partant à la retraite. Les abattements proportionnels pour durée de détention ne sont pas applicables, mais les contribuables y ayant intérêt peuvent toutefois opter pour l’imposition selon le barème progressif de l’impôt sur le revenu, ce qui leur permet, le cas échéant, de bénéficier des abattements proportionnels pour durée de détention.

En effet, par dérogation à l’application du PFU, les plus-values peuvent, sur option expresse et irrévocable du contribuable, être soumises au barème progressif de l’impôt sur le revenu. « Cette option est globale et porte sur l’ensemble des revenus, gains nets, profits et créances entrant dans le champ d’application du PFU », signale Francis Brune. En cas d’option, les abattements praticables ne peuvent concerner que les plus-values de cession de titres acquis ou souscrits avant le 1er janvier 2018. Ces abattements sont les suivants : 50 % quand les titres ou droits sont détenus depuis au moins 2 ans et moins de 8 ans à la date de la cession ou de la distribution ; 65 % lorsque les titres ou droits sont détenus depuis au moins 8 ans. Par ailleurs, les plus-values de cession de titres de PME de moins de 10 ans ouvrent droit, sous certaines conditions, à un abattement proportionnel renforcé, égal à : 50 % lorsque les titres ou droits sont détenus depuis au moins 1 an et moins de 4 ans à la date de la cession ; 65 % quand les titres ou droits sont détenus depuis au moins 4 ans et moins de 8 ans ; 85 % lorsque les titres ou droits sont détenus depuis au moins 8 ans.

… ou de la valeur nominale des parts

La réduction de capital par réduction de la valeur nominale des titres obéit à deux régimes fiscaux distincts selon que le bénéfice qui en découle est réparti ou non au profit des associés.

Si le bénéfice est réparti entre les associés, les revenus sont distribués sous forme de dividendes – à condition que le capital social de la société ait été totalement libéré et que tous les bénéfices et réserves autres que la réserve légale aient été auparavant répartis –, à l’exception des sommes correspondant à des remboursements d’apports ou de prime d’émission. Les dividendes sont taxés soit au PFU à 30 % (12,8 % d’IR + 17,2 % de prélèvement sociaux), soit sur option au barème de l’IRPP avec application d’un abattement de 40 % et assujettissement aux prélèvements sociaux de 17,2 % (sans abattement).

Si la réduction du capital n’a donné lieu à aucune répartition au profit des associés/actionnaires – il est possible que les statuts de l’entreprise prévoient de procéder à l’affectation des bénéfices aux réserves statutaires –, il n’y a aucune imposition.

Une opération à risques ?

« Une opération de réduction de capital non motivée par des pertes présente un risque de sanctions d’abus de droit lorsqu’elle est fictive et effectuée dans un but exclusivement fiscal, met en garde Francis Brune. En revanche, le mini-abus de droit est écarté car il n’est pas applicable à l’impôt société. »

Les associés de SEL doivent aussi se montrer attentifs à la notion d’acte anormal de gestion, acte par lequel la société décide de s’appauvrir à des fins étrangères à son intérêt. « Ils doivent vérifier que l’opération est conforme à l’intérêt social et que le risque généré par cette opération n’est pas excessif », reprend Patrick Gourmelen, directeur des engagements Interfimo.

La décision de réduire le capital social peut aussi être constitutive d’un abus de majorité, telle une décision prise contrairement à l’intérêt social dans le seul intérêt des majoritaires et au détriment des minoritaires. « Il faut ici vérifier que l’opération n’est pas de nature à priver d’autres associés de leurs droits », recommande-t-il. Dans le cas contraire, « elle pourra être annulée et la responsabilité civile et pénale de la banque, qui a donné un accord de financement à la SEL pour le rachat des parts, pourra être engagée », précise-t-il. Il convient encore une fois d’anticiper ce risque en s’assurant notamment que la réduction de capital n’aboutisse pas à l’éviction d’associés minoritaires.

Enfin, l’opération de réduction de capital peut comporter un certain risque pour les créanciers dès lors que le capital social est le gage de ces derniers. Il convient donc d’anticiper toutes ces problématiques dès le démarrage du projet, y compris auprès de la banque, de vérifier sur le plan juridique les conditions de validité de cette opération et de caractériser sur le plan fiscal le caractère normal de cette réduction de capital. Et ce, avec l’aide de conseils spécialisés et qualifiés dans le domaine des professions libérales.

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