PNEUMOTHORAX SPONTANÉ LIÉ À UN BLEBS PULMONAIRE - La Semaine Vétérinaire n° 1908 du 27/08/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1908 du 27/08/2021

URGENCES

PRATIQUE CANINE FÉLINE NAC

FORMATION

Auteur(s) : SOPHIE ARLON*, LAETITIA BOLAND**

Fonctions :
*(DIPL. ECVS), PRATICIENNES AU CENTRE HOSPITALIER VÉTÉRINAIRE (CHV) NORDVET, LA MADELEINE (NORD)

Cas clinique

Commémoratifs, anamnèse et examen clinique

Une femelle entière leonberg de 6 mois est présentée en consultation suite à des épisodes de toux évoluant depuis 3 jours, aggravés par des difficultés respiratoires et associés à une dégradation de l’état général. Elle est à jour de ses vaccinations et vermifugation.

L’examen clinique met en évidence une tachypnée associée à une dyspnée marquée ainsi qu’une discordance respiratoire. À l’auscultation, les bruits cardiaques sont assourdis bilatéralement sans augmentation associée des bruits respiratoires.

Diagnostic

Des radiographies orthogonales thoraciques sont réalisées. Elles montrent un pneumothorax caractérisé par une quantité importante d’air autour des poumons et de la silhouette cardiaque bilatéralement, de façon plus marquée à droite. Une augmentation de l’opacité pulmonaire faisant suite à une insufflation incomplète des lobes pulmonaires secondairement à l’air présent dans l’espace pleural est également observée. Un bilan sanguin hématologique et biochimique est effectué et ne révèle aucune anomalie.

Plusieurs thoracentèses sont réalisées durant les premières heures de l’hospitalisation sans permettre de résoudre le pneumothorax. La mise en place d’un drain thoracique du côté droit est alors décidée. L’origine du pneumothorax peut être idiopathique, néoplasique ou traumatique, bien qu’aucun traumatisme n’ait été rapporté. Un scanner de la région thoracique est alors réalisé et signale la présence d’une masse multicavitaire gazeuse située entre la portion caudale du lobe crânial droit, la portion latérocaudale du lobe moyen droit et l’aspect dorso­latéral du lobe caudal droit. Cette lésion est en faveur d’une volumineuse bulle ou blebs pulmonaire pouvant être à l’origine du pneumothorax spontané. Une intervention chirurgicale est proposée aux propriétaires afin d’aller explorer cette masse cavitaire.

Traitement

Une thoracotomie droite en regard du cinquième espace intercostal est réalisée. Ella permet de localiser la lésion cavitaire qui est située en regard du lobe moyen droit. La dissection suivie de l’exérèse du lobe moyen droit à l’aide d’agrafes GIA est effectuée. Avant de fermer le site de thoracotomie, une immersion de la cavité thoracique à l’aide de liquide physiologique stérile tiédi associée à une ventilation mécanique des poumons est entreprise afin de s’assurer de l’absence de fuites résiduelles. Le liquide de rinçage est aspiré et un drain thoracique mis en place avant la fermeture classique de la voie d’abord. Le lobe réséqué est envoyé pour analyse histopathologique.

Suivi

Compte tenu de l’absence de récidive du pneumothorax en phase postopératoire, le drain est retiré 24 heures après le réveil de l’animal. Un traitement postopératoire d’anti-inflammatoires non stéroïdiens et de morphine est mis en place. Le retour à la maison a lieu après 48 heures.

Le résultat histopathologique met en évidence une prolifération pulmonaire et pleurale tubulo-kystique sans signes de malignité associés.

Le diagnostic est donc en faveur d’une lésion malformative d’hamartome adématoïde, de kyste bronchogénique, de résidus embryonnaires ou d’un emphysème congénital.

Discussion

Définition et épidémiologie

Un blebs pulmonaire est une accumulation d’air dans la couche viscérale de la plèvre, le plus souvent localisée à l’apex du poumon. Elle est à différencier de la bulle pulmonaire qui, elle, est localisée dans le parenchyme pulmonaire, pouvant être secondaire à la destruction, la dilatation ou la confluence d’alvéoles adjacentes.

Cette hypothèse diagnostique doit donc être envisagée chez tous les chiens présentant un pneumothorax spontané dont la cause n’est pas identifiée. Elle est communément retrouvée chez des chiens en bonne santé, d’âge moyen, de grande taille ou à thorax profond et sans historique de maladie pulmonaire. Les lésions sont le plus souvent multiples et localisées au niveau de l’apex du lobe crânial1.

Diagnostic

La radiographie thoracique permet rarement de poser le diagnostic de bulle ou blebs pulmonaire, mais reste néanmoins nécessaire au diagnostic de pneumo­thorax et permet d’exclure dans certains cas d’autres origines possibles (néoplasie pulmonaire, abcès, dirofilariose). Quant au scanner, il permet de déterminer la cause du pneumothorax en cas de bulle ou de blebs pulmonaire. La sensibilité du scanner pour l’identification des bulles et blebs pulmonaires en décubitus dorsal ou sternal est de 57 % à 69 %. Elle est plus faible que chez les humains adultes, chez qui la sensibilité rapportée varie de 63 % à 97 %. Cette différence pourrait être due à la plus petite taille des animaux. Cette hypothèse semble être confortée par la sensibilité en pédiatrie qui est également plus faible (36 % à 75 %). De plus, une anesthésie générale est nécessaire en médecine vétérinaire durant l’acquisition des images, ce qui entraîne une atélectasie pulmonaire secondaire pouvant fausser le diagnostic. Le changement de décubitus ne permet cependant pas de pallier ce problème, contrairement à l’application d’une ventilation à pression positive ou à la diminution de la concentration en oxygène2.

Étiologie

Le pneumothorax apparaît lorsqu’une lésion de bulles ou de blebs se rompt, mais peut également être secondaire au passage de l’air à travers le mésothélium de la bulle ou du blebs1.

La cause des bulles et blebs pulmonaires n’est pas clairement identifiée. L’histopathologie des lésions réséquées lors de la lobectomie révèle des anomalies focales notamment de l’emphysème sous-pleural, de l’atélectasie, de l’hypertrophie musculaire au niveau du tractus respiratoire, des matières particulaires étrangères en nombre important et différents degrés d’inflammation1.

Traitement

Les traitements conservateurs tels que la thoracocentèse ou la mise en place d’un drain thoracique ne permettent pas de résoudre le pneumothorax dans les cas de blebs ou de bulle pulmonaire. Le pronostic est en revanche excellent en cas de résection chirurgicale des lésions, la récidive de pneumothorax étant peu fréquente en postopératoire1.

La lobectomie peut cependant s’avérer insuffisante dans certains cas. Une pleurodèse pourrait alors être envisagée, permettant la création d’adhérences entre le poumon et la plèvre et réduisant le risque de récidive de pneumothorax1,3.

La thoracoscopie représente une alternative à la thoracotomie associée à une lobectomie pour la résection de bulle ou blebs pulmonaire3. Elle présente l’avantage de réduire le taux de morbidité et la douleur postopératoire mais peut néanmoins permettre une visualisation plus limitée des lésions comparée à une thoracotomie2.

1. Lipscomb V.J., Hardie R.J., Dubielzig R.R., Spontaneous pneumothorax caused by pulmonary blebs and bullae in 12 dogs, J Am Anim Hosp Assoc., 2003;39(5):435-445.

2. Dickson R., Scharf V.F., Nelson N.C. et coll., Computed tomography in two recumbencies aides in the identification of pulmonary bullae in dogs with spontaneous pneumothorax, Vet Radiol Ultrasound., 2020;61(6):641-648.

3. Ayed A.K., Chandrasekaran C., Sukumar M., Video-assisted thoracoscopic surgery for primary spontaneous pneumothorax : clinicopathological correlation, Eur J Cardiothorac Surg., 2006;29(2):221-225.

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