LES CALCULS DE CYSTINE, PAS SI RARES CHEZ LE CHIEN - La Semaine Vétérinaire n° 1908 du 27/08/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1908 du 27/08/2021

URO-NÉPHROLOGIE

PRATIQUE CANINE FÉLINE NAC

Auteur(s) : TANIT HALFON

Les calculs de cystine sont le troisième type d’urolithes identifiés chez le chien, après les struvites et oxalates de calcium. Le diagnostic se fait souvent dans un contexte d’urgence, avec sub-obstruction urétérale.

En Europe, on estime récemment qu’entre 3 à 5,6 % Des urolithes canins sont de nature cystinique. De plus, les données bibliographiques tendent à montrer une hausse de cette nature minérale. Dans ce contexte, une étude rétrospective s’est penchée sur le cas de la France, et les résultats ont été présentés lors du dernier congrès de l’Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie (Afvac). Elle s’est basée d’une part sur les données du laboratoire Vet’Analys (janvier2019-février 2020) et d’autre part sur celles de l’École nationale vétérinaire d’Alfort (janvier 2001-juillet 2020). La conclusion va dans le sens de la littérature : contrairement au reste du monde, notamment en Amérique du Nord, les urolithes à cystine ne sont pas une maladie rare, et le praticien a donc tout intérêt à connaître les principaux points clés de la maladie.

Des races prédisposées

La cystinurie correspond à une excrétion excessive de cystine dans les urines, du fait d’un dysfonctionnement du transporteur tubulaire des acides aminés dibasiques, ce qui empêche la réabsorption normale de la molécule. La présence de cystinurie n’est pas synonyme de calculs : leur formation dépend du pH urinaire, la cystine étant soluble à pH inférieur à 7,2.

Trois phénotypes de cystinurie, pour lesquels une base génétique a été identifiée, sont décrits. Le type I correspond à une anomalie autosomale récessive observée chez le terre-neuve, le labrador et le landseer. Le type IIa correspond à une anomalie autosomale dominante chez le bouvier australien. Enfin, le type IIb est une anomalie autosomale dominante chez le Pinscher miniature. À ce jour, ces phénotypes sont considérés comme rares. Un dernier phénotype, type III, est décrit mais la base génétique n’a pas encore été clairement identifiée. Il s’agit d’un phénotype lié au sexe (dépendance aux androgènes) : il correspond à des individus de sexe mâle, entiers, appartenant à la race mastiff et apparentés, lévrier écossais, terrier irlandais et bouledogues anglais et français. Ce phénotype est majoritaire, puisque les urolithes de cystine concernent presque exclusivement des mâles entiers. L’american staffordshire terrier, le staffordshire bull-terrier, le rottweiler, le chihuahua et le teckel pourraient également faire partie de ce type III.

Une atteinte du bas appareil urinaire

Dans l’étude, sur 2 054 calculs analysés à Vet’Analys, 184 correspondaient à des urolithes de cystine, soit 8,4 % des urolithes analysés ; 22 % étaient des cas récidivistes. Environ la moitié des calculs étaient situés dans le bas appareil urinaire, avec environ 20 % uniquement dans la vessie, 20 % uniquement dans l’urètre, et un peu plus de 50 % dans ces deux localisations. Une bactériologie positive était associée à 20 % des cas. L’âge médian des chiens touchés était de 5 ans, ce qui va dans le sens de la bibliographie : les sujets sont significativement plus jeunes que ceux souffrant de calculs d’oxalate de calcium ou de struvites. Sans surprise, 99,4 % des animaux atteints étaient des mâles, et 90 % des mâles entiers. De même, pour les races, ce sont le bouledogue anglais et l’american staffordshire terrier qui sont ressortis comme les plus à risque. À l’École nationale vétérinaire d’Alfort (ENVA), sur environ 120 000 chiens vus pendant la période d’étude, 31 individus ont été diagnostiqués avec des urolithes de cystine. Si l’occurrence de la maladie apparaît très rare, voire anecdotique, notons que trois quarts des malades ont été diagnostiqués dans les 5 dernières années. Ce constat fait écho à une étude rétrospective de l’école vétérinaire de l’université de Californie à Davis, récemment publiée dans le Journal of Veterinary Internal Medicine1. En 2006, 1,4 % des cas à urolithes sont des calculs de cystine. Contre 8,7 % en 2018 ! Un constat similaire est fait au Minnesota Urolith Center2 : en 2000, les urolithes à cystine représentaient 0,8 % des calculs ; en 2020, 6,8 %.

Un traitement spécifique

Par rapport à ce qui est souvent rapporté sur les calculs de cystine réputés radiotransparents, les calculs (ENVA) étaient radio opaques dans 67 % des cas, faiblement radio opaques dans 29 % des cas, et radio transparents dans seulement 4 % des cas. Combiner échographie abdominale et radiographies abdominales avec profil urétéral pour le diagnostic mais aussi en postopératoire immédiat serait donc à prévoir. Une cystinurie n’était présente que dans 39 % des cas. À ce sujet, un pH basique ne permet pas d’exclure la présence d’urolithes de cystine, puisqu’il peut être consécutif à un germe uréasique. Une analyse urinaire sur une miction matinale serait à envisager (urines plus concentrées et plus acides). Dans 70 % des cas, l’animal a été vu dans une situation d’urgence avec sub-obstruction urétérale, en lien probablement avec la forme des calculs, petits et ronds. Pour le traitement, il est avant tout chirurgical, avec un retrait des urolithes. En complément, une castration chirurgicale, voire médicale en cas de refus du propriétaire, est incontournable du fait de la dépendance aux androgènes de la maladie. On lui associe une alimentation faible en purine, humide ou humidifiée pour obtenir une humidité de 75 % et diminuer ainsi suffisamment la densité urinaire, et du citrate de potassium pour alcaliniser les urines. Les chélateurs de cystine sont à réserver aux cas réfractaires, du fait de leurs effets secondaires et de leur coût. Une dissolution médicale des calculs – même traitement médical avec en plus les chélateurs – est possible à condition que l’animal soit castré, mais peu efficace et peu rapide.

1. www.bit.ly/3D0SVa7

2. www.bit.ly/3AUjdcq

DEUX QUESTIONS À TRISTAN MERIC1, ASSISTANT HOSPITALIER À ONIRIS

Comment expliquer la tendance à la hausse des urolithes de cystine et la fréquence plus élevée en Europe qu’en Amérique du Nord, selon les données du Minnesota Urolith Center2 ?

La hausse peut être expliquée par l’essor des populations canines à risque, notamment les bouledogues et les american staffordshire terriers. En France, on estime ainsi que 10 % des calculs sont de nature cystinique, ce qui les place en troisième position après les struvites et les oxalates de calcium. Pour ce qui est de la disparité géographique, on peut faire l’hypothèse que les familles de chiens d’une même race ne sont pas les mêmes d’un continent à l’autre et/ou que les chiens américains sont davantage castrés, limitant de fait l’excrétion de cystine dans les urines.

Plusieurs races prédisposées ont été identifi ées. Des tests génétiques sont-ils disponibles ?

Un unique test3 est disponible en France et il vise la mutation identifiée chez le terre-neuve. Pour cette race, il est recommandé d’écarter de la reproduction les individus porteurs d’au moins un allèle défectueux. Pour les autres races à risque, nous conseillons d’écarter de la reproduction les individus qui ont développé des calculs de cystine, voire de recommander une castration pour les chiens non voués à la reproduction, notamment le bouledogue anglais.

1. Auteur d’études avec Sulter A., Bogey-Lambert A., Blavier A., Nelaton C., Canonne Guibert M., Manassero M., Benchekroun G., Maurey C.

2. www.bit.ly/3ARak3a

3. www.bit.ly/3svf2k2

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