LE CHEVAL, CE GRAND SENSIBLE - La Semaine Vétérinaire n° 1908 du 27/08/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1908 du 27/08/2021

COMPORTEMENT

PRATIQUE MIXTE

FORMATION

Auteur(s) : MARINE NEVEUX

CONFÉRENCIÈRE

LÉA LANSADE, chercheuse à l’Institut français du cheval et de l’équitation (IFCE) en éthologie laboratoire cognition éthologie, bien-être à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) du centre Val de Loire

Article rédigé d’après la webconférence présentée lors des Journées sciences et innovations équines le 21 mai 2021.

Lorsque l’on parle aux bébés ou aux animaux, on a tendance spontanément à utiliser une intonation de voix particulière, qu’on appelle le « parentais », baby talk ou encore pet directed speech (PDS) détaille Léa Lansade : la voix monte dans les aigus, les intonations sont exagérées et on véhicule une intention positive. Plusieurs études scientifiques montrent que cette façon de parler aurait de multiples vertus, notamment chez les bébés : elle favorise la relation et certains apprentissages. Des études menées chez les animaux (primates, chiens) ont montré que l’humain retient et capte mieux l’attention des animaux quand il parle en PDS (meilleures performances d’apprentissage). Léa Lansade a réalisé une enquête en 2020 sur les réseaux sociaux pour savoir si les détenteurs d’équidés utilisaient le PDS. Parmi les personnes ayant répondu à cette enquête, 93 % Utilisent le PDS avec leurs chevaux, 44 % Pensent que les chevaux y sont sensibles, plus de 38 % Ne savent pas si c’est efficace et 17 % Pensent même que cela ne l’est pas.

L’étude

L’équipe de Léa Lansade a ainsi mené une étude contrôlée sur 20 chevaux à l’Inrae Val de Loire pour savoir si le cheval est sensible à ce mode de communication. Les chercheurs ont soumis les chevaux à deux tâches différentes.

1. Tâche de toilettage : les chevaux sont grattés au niveau du garrot pendant 2 minutes. Dix chevaux ont été testés avec une voix neutre (adult directed speech, ADS), et les 10 autres en langage PDS, avec beaucoup de variations dans l’intonation. Tous les comportements ont été analysés en aveugle.

La fréquence de grooming du cheval envers l’expérimentateur (il essaie de toiletter la personne en retour) n’existe pratiquement pas quand on leur parle de façon neutre, alors que les chevaux répondent plus favorablement quand on leur parle en PDS. De même, les chevaux regardent plus l’expérimentateur quand on leur parle en PDS. Et les chevaux sont aussi plus calmes. Donc les ­chevaux répondent plus favorablement quand on leur parle en baby talk.

2. Tâche de pointage (communication différentielle) : le cheval est tenu par un expérimentateur, en face un autre expérimentateur a deux seaux, l’un à droite, l’autre à gauche. Il indique avec son bras celui dans lequel il y a la nourriture, en utilisant le PDS ou l’ads. Si le cheval fait le bon choix (seau pointé), le cheval peut manger la ration.

Les chercheurs ont compté le nombre de fois sur 6 où les chevaux se dirigent vers le bon seau. Ceux auxquels l’expérimentateur a parlé en langage neutre sont sous le seuil de chance de 3/6, et ceux en PDS au-delà du seuil. Les chevaux ont suivi le geste pointage quand on leur a parlé en PDS. Dans ce cas-là, ils ont compris le signe de communication.

Une communication facilitée

La sensibilité des chevaux au PDS facilite donc la communication entre l’Homme et le cheval. « Ils comprennent mieux nos intentions. Ils ressentent probablement les émotions face aux intonations de voix. On arrive aussi à mieux capter leur attention. » Les chevaux sont très sensibles à nos émotions, donc « il ne faut pas hésiter à jouer avec pour mieux communiquer, et au moins utiliser l’intonation de notre voix […] ce n’est pas les infantiliser ».

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