BIEN-ÊTRE ANIMAL, ENCORE UN LONG CHEMIN À PARCOURIR - La Semaine Vétérinaire n° 1908 du 27/08/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1908 du 27/08/2021

JURISPRUDENCE

ENTREPRISE

Auteur(s) : CELINE PECCAVY

En février 2018, Nikita, une jeune pinscher, est retrouvée morte sur les bords du Tarn. Le procès qui suit est emblématique des décisions juridiques concernant les maltraitances auxquelles sont confrontés les animaux.

Mme E. était propriétaire d’une chienne de race pinscher nommée Nikita. Le 19 février 2018, la chienne va être retrouvée déchiquetée et morte sur les berges du Tarn. Amenée à un vétérinaire, il sera alors possible via sa puce d’identifier Mme E. comme sa propriétaire.

Les déclarations de Mme E. ne vont alors pas manquer d’être étonnantes. Dans un premier temps, Mme E. va indiquer que par vengeance, son ex-compagnon avait attaché la chienne à sa voiture pour la traîner sur la route avant de lui rendre son cadavre. Dans un second temps, Mme E. va revenir sur ses déclarations initiales affirmant que celles-ci avaient été faites alors qu’elle était encore sous l’emprise de l’alcool. La seconde version donnée est la suivante : le 18 février 2018, Mme E. accompagnée de son compagnon M. V. Et d’un ami dont c’était l’anniversaire, M. B, avaient pris ensemble la voiture pour aller fêter l’événement. Chaque concubin aurait alors demandé à l’autre de faire monter la chienne dans la voiture. Quelque 25 kilomètres plus loin, la musique à son maximum dans le véhicule et l’alcool bien présent, un passant s’approche du véhicule à un feu rouge pour signaler qu’un animal est coincé au niveau de la roue arrière gauche. Mme E. va pleurer, puis décider de laisser ce qui reste de sa chienne sur les berges. Enfin… que la fête continue ! Les trois compères sont allés célébrer l’anniversaire.

Maladresse et non cruauté

Le couple E./V. va être convoqué devant le tribunal correctionnel. Logique, étant donné l’acte de cruauté. Mais il n’en est rien. Le tribunal est saisi du délit de jet de sous-produit animal sans respect de la réglementation en vigueur et de la contravention de maladresse ayant occasionné la mort de l’animal. Rappelons que lorsqu’un délit et une contravention sont jugés en même temps, c’est le tribunal le plus élevé dans la hiérarchie judiciaire qui juge l’intégralité des infractions. Ici, c’est donc le fait d’avoir laissé la chienne dans la nature qui vaut au couple de comparaître en correctionnelle et non devant le tribunal de police.

Le choix de considérer qu’il y a eu en l’espèce maladresse et non acte de cruauté appartient en premier lieu au parquet. Toutefois, il est possible à l’audience de solliciter du tribunal la requalification d’une contravention en délit. C’est ici ce que les nombreuses associations constituées en partie civile ont fait.

Le tribunal

En suivant, le tribunal a ainsi jugé : « Le martyre subi par la jeune chienne qui a été traînée sur près de 25 kilomètres accrochée à la portière d’un véhicule et est décédée dans ces circonstances de souffrances intenses n’est pas contestable. Néanmoins, l’intensité et l’atrocité de ces souffrances ne suffisent pas à caractériser l’intention établie et préméditée de les infliger. Aucun élément de l’espèce ne permet de retenir à l’encontre des deux prévenus ou de l’un d’entre eux seulement qu’ils auraient délibérément attaché la chienne à l’extérieur de la voiture pour la traîner au sol jusqu’à la mort. Si le comportement adopté par les deux prévenus après les faits peut paraître moralement choquant (l’abandon du cadavre sur place, la poursuite d’une soirée festive, une fausse version des faits livrée au vétérinaire), il ne peut se déduire de ces attitudes a posteriori une intention coupable s’agissant de la cinématique du mécanisme ayant entraîné la mort de l’animal. Au contraire, les éléments de l’espèce établissent que seul une négligence ou à tout le moins un manque d’attention a pu être à l’origine de la situation, aucune des personnes dans le véhicule ne s’étant particulièrement assurée de la présence à bord de la chienne, chacune pensant qu’elle se trouvait soit à l’avant, soit à l’arrière. »

Au final : deux amendes de 300 euros pour Mme E. et une amende de 300 euros pour M. V., outre un débouté total de toutes les constitutions de partie civile des associations.

Source : Commentaire du jugement rendu par le tribunal correctionnel de Montauban le 31 août 2018.

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