Chat âgé : penser au syndrome de dysfonctionnement cognitif - La Semaine Vétérinaire n° 1906 du 02/07/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1906 du 02/07/2021

Comportement

ANALYSE CANINE

Auteur(s) : Par Tanit Halfon

Face à des troubles du comportement chez un félin vieillissant, l’hypothèse de troubles cognitifs doit être envisagée. À ce stade, les données manquent encore pour orienter vers la prise en charge la plus appropriée possible.

Avec le vieillissement de la population féline, le vétérinaire praticien est confronté à des maladies chroniques du grand âge. Parmi elles, comme le chien, le chat âgé peut être touché par le syndrome de dysfonctionnement cognitif (SDC), rappelle un récent article de synthèse sur le sujet, publié en janvier dernier dans Vet Record1. De la même manière, son identification est délicate puisqu’il s’agit d’un diagnostic d’exclusion. Que dit la littérature à ce sujet ? Chez le chat domestique, les études rapportent qu’environ 28 % des chats âgés de 11 à 14 ans développent au moins un trouble comportemental lié au SDC, et ce pourcentage monte à 50 % au-delà de 15 ans. La vocalisation excessive, en particulier la nuit, apparaît comme un signe majeur du SDC chez le chat. Chez les individus les plus âgés (>15 ans), c’est souvent le signe le plus communément observé. Outre les vocalises, les autres troubles comportementaux rapportés sont des altérations dans les interactions (augmentation de la recherche d’attention), des troubles du sommeil, de la malpropreté, de la désorientation, un déclin de l’activité, de l’anxiété, et enfin des difficultés d’apprentissage et de mémorisation. À ce jour, la cause exacte du SDC chez le chat demeure incertaine, même s’il est avancé la présence de certaines lésions cérébrales spécifiques, qui s’apparentent à celles observées chez l’Humain, avec des troubles cognitifs liés à l’âge, ou chez le chien atteint de SDC.

Les vocalisations excessives, un signe majeur

Face à ce tableau clinique, tout l’enjeu pour le praticien sera d’exclure toutes les causes pouvant être associées à des changements de comportement, qui peuvent être de l’hypertension, de la douleur (maladies musculo-squelettiques, gastro-intestinales, dentaires ou pancréatite), des maladies chroniques des reins ou du foie, des désordres endocriniens (hyperthyroïdie, diabète sucré), des maladies infectieuses (toxoplasmose, FIV, FelV, infections urinaires), un processus tumoral (méningiome), des maladies inflammatoires ou encore des problèmes strictement comportementaux (anxiété). Une autre difficulté tient au fait que le chat âgé peut être concerné par plusieurs problématiques médicales : dans ce cas, l’objectif sera d’essayer de déterminer à quel point le SDC influence le tableau clinique. De plus, certaines de ces problématiques peuvent aggraver les troubles cliniques du SDC, comme la douleur, l’hyperthyroïdie, l’hypertension et l’insuffisance rénale chronique. Face à cette complexité, le praticien a aussi intérêt à sensibiliser les propriétaires de chats aux manifestations comportementales anormales du chat âgé, d’autant que certains d'entre eux sont plus ou moins « tolérants » à l’installation des signes cliniques de leur animal. Selon l’American Animal Hospital Association et l’American Association of Feline Practitioners2, à partir de 10 ans, une visite deux fois par an serait l’idéal pour le chat, durant laquelle le vétérinaire devra s’attacher notamment à évaluer la fonction cognitive de l’animal.

Traiter suivant le tableau clinique

Une fois le diagnostic posé, la gestion du SDC visera à réduire les troubles cliniques, et à améliorer la qualité de vie de l’animal, et de son propriétaire. Même si les données manquent à ce sujet, impliquant un jeu d’essai-erreur pouvant frustrer l’animal, le principe de la prise en charge sera de proposer un traitement suivant le trouble comportemental observé. Pour les vocalisations excessives, on pourra s’appuyer sur la cause perçue par le propriétaire pour décider du traitement. Quand on lui pose la question, le propriétaire de l’animal atteint de SDC associe ces vocalisations excessives majoritairement à de la désorientation et à de la recherche d’attention/affection, dans une moindre mesure à de la recherche pour de la nourriture, voire à de la douleur. Si les vocalises sont associées à de la recherche d’attention, la recommandation faite au propriétaire sera de passer plus de temps avec son chat (caresses, même la nuit, pour réduire son stress). Si elles sont associées à de la confusion ou de l’anxiété, une médication serait appropriée, associée à des changements environnementaux (meilleur accès aux ressources alimentaires, à la litière, à l’espace pour dormir, laisser une lumière allumée la nuit, etc.). Pour la recherche d'aliments, investir dans un distributeur automatique de nourriture. Il s’agit d’adapter le traitement à l’animal, mais aussi à son propriétaire. Dans tous les cas, une réflexion sur l’environnement est à faire. De manière générale, un environnement pauvre en stimulation va augmenter le risque de développer le SDC, ou l’aggraver une fois en place. Pour les cas les plus sévères, au contraire, cela peut être négatif pour l’animal contribuant à sa confusion : pour ces individus, il faut garder les routines, ou réduire la taille de l’environnement disponible pour minimiser le stress. En dernier recours, il peut être envisagé d’avoir une pièce pour le repos du chat, associée à toutes ces ressources clés. Les autres leviers de gestion du SDC chez le chat sont d’ordre alimentaire, avec des compléments nutritionnels et des aliments enrichis, et médicamenteux.

Et le chien ?

Chez le chien, le SDC est dans le viseur de la recherche. Récemment, l’institut Purina et la Morris Animal Foundation ont annoncé leur collaboration dans une étude prospective sur 3 000 golden retrievers, afin d’améliorer les connaissances de l’incidence, de la prévalence et des facteurs de risque de la maladie. En France, le SDC canin fait l’objet de recherches à l’École nationale vétérinaire de Toulouse. Ces recherches s’intègrent dans des projets plus globaux de recherche translationnelle, parmi lesquels le projet Inspire qui vise à améliorer les connaissances sur les mécanismes en cours lors du vieillissement chez l’Humain, et à identifier des facteurs de risque et critères prédictifs précoces d’un vieillissement pathologique. Dans ce cadre, le chien atteint de SDC pourrait être utilisé comme modèle d’étude pour la phase prodromique de la maladie d’Alzheimer. Plusieurs étapes sont prévues, avec l’objectif d’inclure 500 chiens sur une période de 8 ans. In fine, il s’agira d’identifier des biomarqueurs diagnostiques de SDC canin à l’aide de l’imagerie médicale (IRM et tomographie à émission de positons), à l’instar de ce qui est observé chez les malades d’Alzheimer en phase prodromique, pour attester du modèle chien. Il sera possible, par la suite, de corréler les images obtenues à des biomarqueurs cliniques ou sanguins, qui sont plus facilement accessibles pour le vétérinaire. En médecine vétérinaire, cette recherche clinique permettrait donc de faciliter le diagnostic du SDC canin. À plus long terme, les nouvelles connaissances acquises seront utiles pour mener des essais sur des nouvelles thérapies médicamenteuses, utiles à l’humain et à l’animal.

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