LA MALADIE DE L’HERBE, À NE PAS SOUS-ESTIMER - La Semaine Vétérinaire n° 1905 du 25/06/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1905 du 25/06/2021

NEUROLOGIE

PRATIQUE MIXTE

FORMATION

Auteur(s) : ANNE COUROUCÉ

Point sur la maladie de l’herbe, une affection très probablement sous-diagnostiquée, notamment dans les régions où elle est rare. Il est possible de passer à côté, car elle peut se confondre avec des coliques « simples ».

Définition

La maladie de l’herbe - ou grass sickness disease - affecte le système nerveux central et périphérique des chevaux. Comme son nom l’indique, cette affection concerne presque exclusivement les chevaux à l’herbe et entraîne le développement de signes cliniques liés à une dégénérescence des neurones au sein du système nerveux autonome (SNA) et du système nerveux entérique (SNE), c’est-à-dire le système nerveux lié au système digestif. La sévérité de la maladie varie et est liée à l’ampleur de la dégénérescence des neurones. Lorsque celle-ci est étendue, comme dans les cas aigus et subaigus, cela entraîne un dysfonctionnement de la motilité intestinale dont la sévérité n’est pas compatible avec la survie. En revanche, des équidés présentant certaines formes chroniques avec des dégénérescences moindres peuvent survivre.

La répartition géographique

Cette maladie a été décrite pour la première fois en 1909 dans l’est de l’Écosse et des cas ont été rapportés dans tout le Royaume-Uni et dans de nombreux pays d’Europe du Nord. Des cas suspects ont été décrits en Australie, et récemment aux États-Unis sur une mule alors que ce pays était considéré jusqu’alors comme indemne de la maladie. Une maladie semblable et connue sous le nom de mal secco (mal sec) est également présente en Amérique du Sud.

Les formes de la maladie

Il existe 3 formes de la maladie en fonction de sa durée d’évolution : aiguë (1 à 2 jours), subaiguë (2 à 7 jours) et chronique (plus de 7 jours).

Les signes cliniques

Les chevaux atteints de la maladie de l’herbe présentent :

- Une fréquence cardiaque anormalement élevée (tachycardie). Cette tachycardie est plus ou moins forte en fonction de la forme de la maladie : fréquence cardiaque de 80 à 120 battements par minute (bpm) pour les cas aigus ; de 70 à 90 bpm pour les cas subaigus ; et de 50 à 60 bpm pour les cas chroniques.

- Une dysphagie, qui peut être difficile à mettre en évidence du fait de l’anorexie de ces animaux. On peut néanmoins voir de l’eau sortir des naseaux et la présence de salive en quantité anormalement élevée dans le seau d’eau.

- La présence de crottins coiffés de mucus dans le colon flottant et le rectum dans les cas subaigus et chroniques.

- Une faiblesse se traduisant par une posture du cheval contre les murs.

- Une salivation anormale.

- Du reflux gastrique pouvant être spontané dans certains cas.

- Une baisse des paupières (ptôse palpébrale) bilatérale (photo 1).

- Une sudation anormale localisée ou généralisée dans certains cas.

- Des trémulations musculaires.

- Une perte de poids et une silhouette levrettée (photo 2).

- Une rhinite sèche plus importante dans les cas chroniques que dans les cas subaigus.

Un test diagnostic

Le seul examen complémentaire qui peut être réalisé pour préciser le diagnostic est l’administration d’un collyre à base de phényléphrine à 0,5 % sur la cornée afin d’évaluer si cela entraîne la disparition temporaire de la baisse de la paupière (ptôse palpébrale).

Quel pronostic ?

Pour les cas aigus et subaigus, on ne peut malheureusement pas faire grand-chose. Si le diagnostic clinique est établi ou qu’une chirurgie a été effectuée permettant d’éliminer l’existence d’une obstruction simple ou étranglée, l’euthanasie est alors recommandée, les chances de survie de l’animal étant nulles.

Lors de cas chroniques, le signe d’appel est souvent un amaigrissement avec dysorexie (appétit capricieux) ou anorexie et dysphagie. Avec des soins adaptés, 40 % de ces cas peuvent survivre longtemps. Les critères qui permettent de décider si un traitement doit être mis en place sont les suivants : volonté de boire et de manger, possibilité de déglutir de l’eau et de la nourriture même si cela est partiel, et absence de signes de coliques constants modérés à sévères. Dans les cas chroniques, l’obstacle majeur à une survie est l’anorexie. Il convient donc de leur présenter des aliments très appétents.

Confirmer le diagnostic

La confirmation du diagnostic peut se faire essentiellement après la mort du cheval par une analyse histopathologique d’une partie de l’iléon et/ou de ganglions (ganglion entérique et ganglions autonomes). L’analyse doit se faire dans un laboratoire spécialisé.

Cette confirmation du diagnostic est essentielle pour pouvoir gérer au mieux les autres chevaux présents.

L’origine de l’affection

À ce jour, la cause de cette maladie reste inconnue. La recherche s’axe principalement sur le rôle d’une bactérie Clostridium botulinum et de l’existence d’une toxi-infection associée à cette bactérie, mais rien n’a encore été prouvé.

Des facteurs de risque

Comme son nom l’indique, la maladie de l’herbe est fortement associée avec la mise à l’herbe. Divers facteurs de risque existent qui sont liés au cheval, à l’environnement ou à la gestion de l’animal.

L’âge est un facteur de risque, les jeunes adultes (2 à 7 ans) étant plus fréquemment touchés.

Concernant l’environnement, les facteurs de risque comprennent un déplacement récent vers une nouvelle pâture ou écurie, ainsi que la période de l’année avec un pic d’incidence de la maladie au cours du printemps et des premiers mois d’été. Concernant les pâtures, les facteurs de risque semblent liés à une augmentation du contenu du sol en azote, un remaniement de la pâture et un nombre plus élevé de chevaux au sein de la pâture. Il a également été montré que des pâtures avec des herbes hautes, des quantités élevées de fer, plomb et chrome sont plus à risque, de même que des pâtures riches en renoncules. À l’inverse, les pâtures avec des sols crayeux semblent moins à risque.

Concernant la gestion des chevaux, les changements d’alimentation (qualité et quantité) et l’utilisation (et surutilisation) de vermifuges à base d’ivermectine sont liés à l’apparition de la maladie de même que l’élimination mécanique des crottins. Toutefois, à l’inverse, le fait d’enlever les crottins manuellement semble lié avec un risque diminué d’apparition de la maladie.

Les conditions climatiques liées à l’apparition de la maladie incluent un temps froid et sec avec des gelées irrégulières des sols.

Même si l’étiologie n’est pas aujourd’hui connue, tous ces facteurs de risque convergent vers l’existence d’un agent contenu dans le sol qui, dans certaines conditions, entraîne la production et/ou la libération d’une neurotoxine.

Article rédigé d’après le texte de Pirie R.S., Jago R.C., Hudson N.P., Equine grass sickness, Equine Vet J., 2014 ; 46 (5) : 545-553. doi : 10.1111/evj.12254.

EN PRATIQUE

Réduire :

La mise au pâturage dans les zones à risque (mettre les chevaux au box et les empêcher de brouter s’ils sont dehors - mise en place de paniers)

Les mouvements des chevaux au sein des pâturages

L’arrivée de nouveaux venus, notamment lors de périodes à risque (printemps, début d’été)

Les changements d’alimentation (type et quantité)

Les perturbations des pâtures

La surutilisation de vermifuges à base d’ivermectine

Augmenter :

Le co-pâturage avec des ruminants

L’entretien régulier des pâtures en coupant régulièrement l’herbe

La complémentation en fourrages

Déclarer :

Pensez à déclarer les cas de maladie de l’herbe au RESPE (réseau d’épidémiosurveillance en pathologie équine) dans le sous-réseau Maladies du pâturage.

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