ÉPIZOOTIE DE FORME NERVEUSE D’EHV1 EN EUROPE EN 2021 - La Semaine Vétérinaire n° 1905 du 25/06/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1905 du 25/06/2021

CRISE SANITAIRE

PRATIQUE MIXTE

Auteur(s) : ANNE COUROUCÉ

Fonctions : MANDATÉE SUR PLACE PAR LA FÉDÉRATION FRANÇAISE ÉQUINE (FFE) POUR GÉRER LA CRISE

Lors du Valencia Spring Tour 2021, un foyer initial de rhinopneumonie forme nerveuse - equine herpes virus de type 1 ou EHV1 - a mis la filière équine en ébullition en ce début d’année et entraîné la fermeture du site de compétition. La situation est à ce jour sous contrôle.

Ils étaient 753 chevaux à participer en Espagne au Valencia Spring Tour 2021 qui devait se tenir du 28 janvier au 14 mars. En raison du foyer de rhinopneumonie, la compétition a été arrêtée le 21 février. Cette maladie est réglementée en Espagne, le gouvernement a fermé le site de la compétition le 22 février avec interdiction aux chevaux présents de quitter les lieux.

Parallèlement, le Réseau d’épidémiosurveillance en pathologie équine (Respe) a mis en place une cellule de crise regroupant les instances équines françaises. Une collaboration étroite entre la FFE, le Respe, le Labéo Frank Duncombe à Caen mais aussi l’État français s’est organisée pour apporter une aide concrète aux cavaliers et chevaux français.

Chronologie

Dès la première semaine du concours, des faits troublants laissent à penser qu’il y avait déjà un ou des chevaux malades et une suspicion de maladie virale.

Le 25 février, des chevaux ont montré des signes neurologiques qui pouvaient se traduire par de l’ataxie, de la faiblesse des postérieurs, une queue flasque et des troubles urinaires dus à une parésie ou paralysie de la vessie. Deux vétérinaires espagnols ont géré l’ensemble des chevaux quasiment seuls pendant des semaines. À partir du 26 février, des chevaux ont été transférés dans des cliniques à l’extérieur du site et notamment à l’université de Valence et celle de Barcelone. Le 28 février, 2 juments sont mortes sur le site. Le 1er mars, l’université de Valence a arrêté toute consultation pour pouvoir accueillir un maximum de chevaux. Le transfert des cas « critiques » vers l’université a eu lieu ce même jour.

À mon arrivée sur le site le 2 mars, les écuries étaient plus calmes, les cas critiques ayant été transférés en clinique. Des zones étaient établies sur la base des symptômes des chevaux. Une séparation intéressante « sur le papier » mais peu efficace sur le terrain : ainsi, des chevaux présentant de la fièvre étaient dans la zone « verte » ; en outre, il n’y avait aucune mesure sanitaire : ni pédiluve, ni blouses, ni gants, ni charlottes, ni surbottes, pour que les personnes allant vers la zone « verte » puissent se désinfecter et se changer ; enfin, la circulation était non contrôlée sur le site (sans restriction).

Le 3 mars, tous les chevaux français ont été prélevés avec des écouvillons naso-pharyngés, envoyés au Labéo Frank Duncombe pour tests PCR. Les résultats ont montré des divergences avec ceux des laboratoires espagnols.

Le 5 mars, Patrick Borg, stable manager des jeux Olympiques de Rio, et son équipe sont arrivés sur site, mandatés par la FFE. Le 6 mars, une réunion avec les cavaliers a été organisée pour les informer de la création de zones avec pédiluves pour passage des hommes et des chevaux et de la distribution de bracelets de couleur pour circuler. Par ailleurs, il a été interdit aux voitures, sauf celles des vétérinaires et maréchaux, de rentrer sur le site.

La FFE a mis en place un « tuilage » avec des vétérinaires français. Une solidarité vétérinaire s’est organisée et le relais a été pris par Rita Pomares, Caroline Tessier (Oniris) et Jérôme Thévenot, vétérinaire de l’équipe de France. Du 2 au 10 mars, une procédure a permis de rapatrier les chevaux français qui devaient voyager d’une traite jusqu’en France avec escorte d’un vétérinaire. Une étape à Béziers dans une écurie dédiée puis continuation du voyage vers Lamotte-Beuvron, où a été installé un site de quarantaine. Trois voyages ont été organisés en mars. Une dernière jument fourbue restée sur place a été rapatriée fin mars. Sur le site de Lamotte-Beuvron, les chevaux ont été surveillés et soignés par Xavier Peyrecave de VetAgro Sup avec un interne vétérinaire. À ce jour, tous les chevaux sont rentrés chez eux.

Situation en France et en Europe

Des cas positifs et des chevaux malades ont été détectés en Espagne, à Vejer de la Frontera (Sunshine Tour), où il y avait plus de 3 000 chevaux, et à Oliva (Mediterranean Equestrian Tour), et également au Qatar, à Doha. Au 28 mars, la FEI comptabilisait 18 chevaux morts en relation avec Valence. Neuf pays européens ont des cas confirmés : la Belgique, le Danemark, l’Espagne, la France, l’Allemagne, l’Italie, la Slovaquie, la Suède et la Suisse.

En France, on comptait 51 foyers déclarés à la mi-mai (voir carte, ci-contre), dont 25 foyers en lien direct avec une participation aux CSI (concours de saut international) espagnols, 18 foyers étaient autochtones et 8 identifiés dans le cadre de dépistage. Seuls les 3 derniers foyers enregistrés étaient encore actifs avec des équidés positifs sur le site. Aucun échappement de virus n’a été identifié.

Des leçons à tirer

Un grand nombre de chevaux a présenté de la fièvre. Sur une petite population de 60 chevaux présents sous la tente, 50 chevaux ont présenté de la fièvre entre 38,6 et 41,2 °C. La fièvre a duré 1 à 10 jours. Parmi ces chevaux, 30 (60 %) n’ont présenté aucun autre signe et 20 (40 %) ont présenté des signes neurologiques plus ou moins importants. Parmi ces 20 chevaux, 8 ont été hospitalisés. Parmi ces hospitalisés, 2 juments sont mortes directement suite aux troubles neurologiques et 1 hongre est mort quelques semaines plus tard des conséquences d’une fourbure développée suite à la rhinopneumonie. Soit 3 morts (6 %) sur cette population de 60 chevaux.

Les scientifiques ont isolé et caractérisé cette souche de virus, pas plus « agressive » qu’une autre. Ce sont les conditions sur place qui ont été un facteur de gravité important :

- Logement de tous les chevaux sous une même tente, non ventilée, qui est devenue un véritable « incubateur » à virus.

- Pas d’identification des premiers cas qui ont dû survenir au cours de la première semaine du concours : le cas 0 est probablement un cheval reparti rapidement dans son écurie. Néanmoins, il n’y avait aucun moyen de savoir quels chevaux avaient pu être en contact avec ce cas 0 (pas de connaissance des « cas contact »).

- Pas de prise de température quotidienne ou biquotidienne qui aurait permis de repérer les premiers chevaux présentant de la température. La France a été pointée du doigt, car le premier cheval identifié et officiellement déclaré a été un cheval français. Mais, de façon absolument certaine, ce cheval ne fait pas partie des premiers cas qui ont effectivement été malades et présenté de la fièvre sur ce concours.

- Pas d’isolement des premiers chevaux présentant de la fièvre.

- Pas de mise en place de tests diagnostiques à grande échelle. Le même cavalier français a dû insister pour obtenir un test diagnostic pour la rhinopneumonie de sa jument. Ce test est revenu négatif mais on peut se poser des questions sur la validité des diagnostics effectués par les vétérinaires espagnols.

- Déplacement de chevaux soi-disant « sains » dans une zone dite « verte », c’est-à-dire non contaminée. Toutefois, cela a été fait sur la base de l’absence de fièvre et de signes cliniques sans aucun dépistage par des tests PCR. Vu que la maladie a continué de se propager dans cette zone « verte », il y avait forcément un ou plusieurs chevaux porteurs de la maladie, en incubation, qui y ont été placés avant de contaminer les autres.