Réduction de capital et rachat de parts de SEL - La Semaine Vétérinaire n° 1904 du 18/06/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1904 du 18/06/2021

Fiscalité

ENTREPRISE

Auteur(s) : Par Jacques Nadel

Le rachat de titres par une société d’exercice libéral (SEL) est une solution peu onéreuse lorsqu’un associé cède ses droits sociaux aux associés restants, sous couvert de la société. En cas de cession de droits à l’extérieur, la société de participations financières de professions libérales (SPF-PL) garde tout son intérêt.

En entreprise, on assiste de plus en plus à des cessions de droits sociaux de société au détriment des cessions d’entreprise individuelle. Beaucoup plus complexes, les cessions de parts sociales ou d’actions font appel à de nombreuses solutions d’ingénierie financière, dont le rachat par annulation de parts sous réserve que les capitaux propres de la société le permettent. 

Une opération portant sur le capital peut avantageusement remplacer les cessions de titres de société d’exercice libéral (SEL) de vétérinaires. Il est courant qu’elle soit précédée ou concomitante d’un rachat de titres par la SEL elle-même. Cependant, les associés doivent être très attentifs à cette opération sur les capitaux propres.

Rachat par annulation de parts

Ce montage financier consiste à faire racheter tout ou partie des droits sociaux (ceux du ou des cédants) par la société directement. Principalement, on procède à l’annulation des parts par réduction du capital social et par imputation du solde sur les réserves. Cette opération a plusieurs avantages : c’est la société qui contracte l’emprunt pour financer la réduction de capital, elle est donc en mesure d’offrir davantage de garanties à la banque qu’un vétérinaire qui rachète directement ou indirectement des actions ou des parts sociales, et cela permet également l’économie des droits de mutations.

Cette opération évite d’avoir à racheter à titre personnel ou via une société de participations financières de professions libérales (SPF-PL) la totalité ou une grande partie des parts d’une société, le vétérinaire n’ayant ici qu’à racheter un solde de parts avec son apport personnel, suite à l’annulation de parts/réduction des capitaux propres.

Si le prix des parts en question est égal au prix du fonds parce que la société est désendettée, et donc élevé, il pourra les acquérir au besoin par un montage mixte, par annulation des parts puis en créant une SPF-PL qui achètera le solde des parts.

Ne pas constituer une SPF-PL pour un associé qui souhaite racheter des parts de SEL est une vraie fausse économie selon Amélie Bouttemy, expert-comptable du cabinet AdequA. « Certes, il économise les honoraires de l’avocat, les frais de constitution d’une SPF-PL, les frais de comptabilité et la cotisation ordinale annuelle, etc. C’est plus facile mais non significatif au regard des avantages attendus normalement liés aux montages SPF-PL-SEL. »

Conséquences fiscales

Des praticiens voient des risques de redressements fiscaux partout, ici ou ailleurs. Ils n’ont pas toujours tort. « D’autant qu’à partir de 2020, les actes ayant pour motif principal d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales pourraient désormais être inopposables à l’administration fiscale », prévient Philippe Jaudon-Champrenault, avocat-conseil en droit commercial et des sociétés. Pour autant, il ne faut pas abuser du spectre de l’abus de droit ! « D’autant qu’ici, les opérations portant sur le capital des sociétés sont banales, éculées et ne visent justement pas à éluder l’impôt », fait remarquer Amélie Bouttemy. D’ailleurs, « la situation des personnes physiques ou morales (une SPF-PL ou une autre SEL) cédantes ne pose pas de difficulté, ajoute-t-elle. Les modalités pratiques de calcul de la plus ou moins-value dégagée et de son imposition seront les mêmes, qu’il s’agisse d’une transaction entre associés ou d’un rachat de titres par la SEL elle-même. » Il conviendra néanmoins de convenir d’une motivation réelle et sérieuse et, surtout, que les opérations sur le capital soient menées au juste prix.

Dès lors, reste la question de la déductibilité, ou non, des intérêts d’emprunts supportés par la SEL, même si l’enjeu est mineur à une époque où les taux sont faibles. Ceux-ci constituent « des charges financières dont la déduction est soumise aux conditions générales de déduction de tous les frais et charges » (D. adm. 4 C-521 n° 2, 30-10-1997 ; BOI-BIC-CHG-50-20 n° 10, 12-9-2012). 

« Afin d’être admis en déduction du bénéfice imposable, les charges financières devront donc remplir les trois conditions suivantes, détaille Philippe Jaudon-Champrenault. Elles se traduisent par une diminution de l’actif net de l’entreprise, elles sont exposées dans l’intérêt de l’exploitation ou se rattachent à une gestion normale de la société, et elles sont régulièrement comptabilisées en tant que telles et appuyées de pièces justificatives suffisantes. »

Gare à l’acte anormal de gestion !

Lorsque la société rachète les titres de l’associé sortant, l’opération est neutre fiscalement puisqu’aucune charge ne devient déductible du bénéfice imposable. En revanche, lorsque le rachat est financé par un emprunt, la dette souscrite génère des charges financières, et c’est sur ce point que l’administration fiscale va venir rechercher si l’opération profite à la société. « C’est la déductibilité des intérêts des emprunts qui est remise en cause par la caractérisation d’un acte anormal de gestion, exception au principe de non-immixtion de l’administration », appuie cet avocat. L’acte sera considéré comme anormal lorsqu’il « met une dépense ou une perte à la charge de l’entreprise, ou qui prive cette dernière d’une recette, sans que l’acte soit justifié par les intérêts de l’exploitation commerciale » (arrêt Poussière, concl. ss. CE 5 janv. 1965, no 62099).

Si en principe le contribuable est seul juge de l’opportunité de sa gestion et que l’administration ne peut se substituer à lui pour apprécier ce qui aurait le mieux convenu à son entreprise, il n’en demeure pas moins qu’elle pourra rectifier les conséquences des actes de gestion anormaux. 

« La déduction des charges financières afférentes à une opération de réduction de capital par voie de rachat d’actions n’est pas constitutive d’un acte anormal de gestion dès lors que l’opération présente un intérêt propre pour la société, indique Amélie Bouttemy. C’est à l’administration fiscale qu’il appartient d’établir que l’opération n’aurait pas été réalisée dans son intérêt, à défaut de quoi c’est à juste titre que la société aura pu déduire les intérêts de l’emprunt. »

Le rachat de parts par une SEL, dans quels cas ?

Une société est amenée à racheter ses propres titres dans les circonstances suivantes :

Pour modifier le contour des pourcentages d’intérêt des associés au capital, voire sortir complètement un des associés de la SEL ;

Pour récupérer au profit des associés la trésorerie excessive de la société – cet objectif pourrait tout aussi bien être atteint, en tout ou partie, au travers des dividendes ;

Pour loger le plus possible d’endettement dans la SEL et faciliter ainsi la mise en œuvre des garanties bancaires avec le nantissement sur fonds ;

Pour simplifier l’organigramme juridique, en évitant la constitution d’une SPF-PL, et naturellement si la valeur des titres à racheter, après réduction de capital, reste raisonnable et l’endettement et les frais portés à titre personnel par le cessionnaire dérisoires – cette solution est prisée pour les cliniques vétérinaires en zone de revitalisation rurale (ZRR) dont le capital ne peut être détenu à plus de 50 % par une société holding, afin de bénéficier des avantages fiscaux inhérents ;

Pour éluder les droits d’enregistrement sur le rachat de titres de société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) ;

Pour déduire les intérêts d’emprunt en les imputant sur les résultats d’exploitation de la SEL.

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