DE L’IMPORTANCE DE L’ÉTHIQUE DANS LA RECHERCHE CLINIQUE - La Semaine Vétérinaire n° 1902 du 04/06/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1902 du 04/06/2021

TRANSPARENCE

ANALYSE

Auteur(s) : MARINE NEVEUX

Le recours à l’éthique en recherche clinique bénéficie à toute la profession. Créé en 1997 et initialement consacré à l’expérimentation animale, le comité d’éthique de VetAgro Sup se tourne de plus en plus vers l’étude de la recherche clinique. Rencontre avec Thomas Chetot, maître de conférences en biologie clinique ayant nouvellement intégré le comité.

Les demandes en matière d’éthique en recherche clinique sont croissantes chez nos consœurs et confrères. En quoi le comité éthique de VetAgro Sup, animé par Samuel Vidal sous la présidence d’Alain Dorier, s’adresse-t-il à tous les vétérinaires ?

Thomas Chetot : Notre comité d’éthique, dont des homologues existent dans toutes les écoles vétérinaires françaises, évalue tous les projets de recherche clinique de notre établissement mais il est aussi ouvert à l’extérieur.

Une activité de recherche clinique est souvent exigée pour les vétérinaires spécialistes des collèges européens ou américains, et, dernièrement, le développement des centres hospitaliers vétérinaires a fait se multiplier les protocoles de recherche clinique. Par ailleurs, l’approbation d’un comité d’éthique est presque toujours réclamée pour une publication dans les journaux scientifiques. Nous recevons donc de plus en plus de demandes d’évaluations éthiques « extérieures ». Et nous sommes ainsi en lien avec des praticiens qui, dans leur exercice, souhaitent faire évaluer leur activité de recherche clinique.

Cette initiative est-elle récente ?

Déjà en 1992, les premiers comités d’éthique français en matière de protection des animaux en recherche préclinique (expérimentation animale) sont créés sur des initiatives spontanées des chercheurs. Ce mouvement n’a fait que se renforcer jusqu’en 2013, où ces comités d’éthique sont devenus obligatoires pour tous les laboratoires de recherche utilisant des animaux.

En ce qui concerne la recherche clinique vétérinaire, Oniris a créé en 2016 un comité d’éthique spécifique aux recherches cliniques. Fort de cette initiative, le comité d’éthique Jacques Bonnod de VetAgro Sup, créé en 1997, prend maintenant aussi en charge la réflexion sur la recherche clinique dans l’établissement vétérinaire lyonnais.

Est-ce une obligation réglementaire ?

La réglementation indique clairement qu’elle ne s’applique pas à la médecine vétérinaire pratiquée à des fins non expérimentales, ni aux essais cliniques destinés à mettre sur le marché des médicaments vétérinaires. Il n’existe donc aucun texte réglementaire national ou même européen en ce qui concerne la recherche clinique vétérinaire (aucune obligation réglementaire). C’est dans ce contexte que les écoles vétérinaires françaises, dont VetAgro Sup, ont souhaité développer un questionnement éthique.

Quel est l’intérêt de l’évaluation éthique préalable à un projet de recherche clinique ?

La place de la recherche clinique dans notre société est parfois remise en cause, surtout en ce qui concerne l’animal de compagnie amené à la consultation. Le risque de ne pas anticiper cette possible évolution sociétale est bien évidemment un risque de refus à la participation à ces recherches, mais aussi un dénigrement de l’action des équipes vétérinaires soignantes, en général. Le nouveau Code de déontologie vétérinaire a d’ailleurs bien intégré l’émergence de cette demande de transparence au travers des préconisations de contrats de soins, de demandes de consentements, de devis ou autres. L’activité de recherche clinique doit elle aussi suivre cette ligne de conduite et obtenir une adhésion en toute transparence. Pour cela, le propriétaire de l’animal, pour pouvoir s’engager dans un projet de recherche clinique, doit comprendre quelle est la part expérimentale du protocole de soin ainsi que sa part d’incertitude. L’évaluation par un comité d’éthique indépendant contribuerait à cette transparence justement en permettant une évaluation de la qualité de la méthodologie et de l’éthique, tout en s’assurant qu’il ne fait pas courir de risque à l’animal et en garantissant l’obtention de résultats scientifiquement exploitables. En outre, et on l’a également vu lors de la crise sanitaire récente, les informations, parfois fausses (fake news), diffusent rapidement, et la parole scientifique perd de son crédit. Il apparaît donc fondamental d’intégrer dans la conception des projets de recherche clinique une réflexion éthique. S’il est ensuite nécessaire de répondre à des questions suscitées par les fausses idées diffusées, l’avis et le soutien d’un comité d’éthique indépendant sont des arguments de poids.

Qui sont les évaluateurs de votre comité d’éthique ?

Il regroupe des enseignants-chercheurs, cliniciens ou non, des membres du personnel technique/administratif habitués ou non à la recherche clinique sur l’animal et des membres extérieurs à l’établissement qui sont en général des scientifiques ou des personnes sensibles à la protection animale.

Quels sont les critères d’évaluation d’un projet de recherche clinique ?

La première étape de l’évaluation s’assure de l’aspect préclinique ou clinique du projet. Puis on s’attache à caractériser le niveau « interventionnel » du projet. Chaque évaluation du comité d’éthique clinique de VetAgro Sup va qualifier le type de recherche clinique évaluée. Si le projet est qualifié de préclinique, il devra obtenir une autorisation ministérielle et ne pourra pas être fait dans un établissement vétérinaire (article R. 214-88 du Code rural et de la pêche maritime), ce qui nécessite d’importantes démarches. Quant aux projets de recherche clinique, ils doivent être présentés de façon suffisamment claire pour comprendre l’impact pour l’animal et le niveau de risque. Chaque dossier de PRC doit inclure une notice d’information qui sera présentée au propriétaire de l’animal et qui mentionne les coordonnées des responsables, un contact d’urgence, le détail de tous les actes et des risques encourus. À cela s’ajoute un consentement éclairé à destination des propriétaires de l’animal. Dans celui-ci, on doit pouvoir au minimum clairement lire que le propriétaire est libre de retirer son animal du projet (droit de retrait), associé à des clauses très claires sur des éléments financiers éventuels.

Dans son évaluation, le comité considérera d’abord le risque encouru par l’animal participant à cette recherche. Puis, il s’intéressera à la qualité de conception de l’étude. Un protocole bien pensé permettra l’obtention des résultats interprétables et exploitables par la communauté scientifique. Le nombre de cas cliniques étudiés, les critères d’inclusion des cas, la présence ou non de témoins pour un lot contrôle sont des critères qui seront évalués par le comité d’éthique. Un projet de recherche clinique ne doit pas, ou très peu, aboutir à une « perte de chance » de l’animal soigné. En effet, ces projets ne doivent pas impacter la qualité des soins. Un animal inclus dans un PRC doit avoir au moins autant de chances de guérir qu’un animal qui suit le protocole de soin de « référence », et voir son bien-être garanti.

Le comité d’éthique de VetAgro Sup reste ouvert pour l’évaluation de tout projet hors de l’établissement. Dans ce dernier cas, une demande devra être formulée à l’adresse suivante : cometh@vetagro-sup.fr

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