LA GARDE JURIDIQUE EN DÉTAIL - La Semaine Vétérinaire n° 1900 du 21/05/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1900 du 21/05/2021

JURISPRUDENCE

ENTREPRISE

Auteur(s) : CHRISTIAN DIAZ

Le sujet récurrent de la responsabilité du fait des animaux nécessite de préciser la notion jurisprudentielle de garde juridique.

Les textes en vigueur

Concernant les dommages provoqués par les animaux, le Code civil dans son article 1243 (anciennement 1385) dispose que : « Le propriétaire d’un animal, ou celui qui s’en sert, pendant qu’il est à son usage, est responsable du dommage que l’animal a causé, soit que l’animal fût sous sa garde, soit qu’il fût égaré ou échappé. »

Lorsque les différentes situations rencontrées ne sont pas explicitement prévues par les textes, c’est la jurisprudence qui devient alors la source de droit. Ainsi, la notion de garde juridique est venue compléter cette responsabilité de nature extracontractuelle, autrefois qualifiée parfois de délictuelle.

Le propriétaire d’un animal est présumé responsable de celui-ci, sauf s’il démontre que la garde juridique en a été transférée à un tiers, ce dernier devenant alors le responsable.

La garde juridique se définit comme les pouvoirs de direction, de contrôle et d’usage. Il s’agit d’une responsabilité sans faute, dont on ne peut s’exonérer qu’en démontrant l’un des trois éléments suivants : la force majeure (évènement extérieur, irrésistible, imprévisible), le fait d’un tiers, la participation de la victime au dommage. Le professionnel (vétérinaire, dresseur, maréchal-ferrant) est ainsi présumé responsable de l’animal, y compris en présence de son propriétaire, considéré comme un tiers. Cependant, en cas de doute, il appartient aux magistrats de dire le droit.

Quelques applications pratiques

Le gardien, même bénévole, peut être responsable, sous conditions.

Les juges vont ici s’attacher à apprécier la notion d’usage.

Le transport bénévole d’un chien de chasse par un collègue chasseur n’opère pas transfert de garde juridique. En l’espèce, l’ami avait transporté le chien, le propriétaire n’ayant pas de place dans son propre véhicule. Arrivé sur le lieu de la chasse, le chien s’est échappé sur l’autoroute, causant un accident. La victime avait assigné le conducteur occasionnel. Les juges l’ont déboutée, considérant que le propriétaire, présent sur les lieux, en avait conservé la garde (cour d’appel de Colmar 7 mai 2012).

La personne qui, bénévolement, nourrit le chien de ses voisins, sans assurer de mission d’hébergement, n’en devient pas le gardien (cour d’appel de Paris 13 décembre 1989).

À l’inverse, la personne qui assure une mission d’hébergement de plusieurs jours, même à titre bénévole, est responsable des dommages (cour d’appel de Versailles 13 février 1998) : un enfant avait été blessé par le chien en pension. La cour a considéré qu’en laissant pendant plusieurs jours son chien à la garde de Madame Z, Monsieur Y a non seulement demandé à celle-ci de nourrir l’animal et de l’héberger, mais lui a transféré ses pouvoirs d’usage et de contrôle qu’il ne pouvait exercer lui-même ; qu’en prenant en charge l’animal, non par pour quelques heures mais pour quatre jours, même à titre bénévole, Madame Z a accepté que la garde du chien lui soit transférée. Que dès lors, c’est à bon droit que le tribunal l’a déclarée responsable des dommages causés par l’animal.

Celui qui tire profit de l’animal (notion d’usage) est responsable.

La personne à qui un animal (chien ou cheval) est confié pour une saillie s’en sert pendant qu’il est à son usage, et en devient le gardien juridique. Ainsi, une chienne, placée chez le propriétaire du mâle en vue d’une saillie, s’est enfuie et a causé un accident. Le dépositaire en a été tenu responsable (cour d’appel d’Angers 2 février 2012).

Le vétérinaire est responsable, même en présence du propriétaire, et même s’il est lui-même la victime

(tribunal judiciaire de Bonneville 8 février 2021).

Lors de l’examen clinique, le chien, bien que tenu par son propriétaire, avait sévèrement blessé le praticien. Selon la cour, en lui confiant son chien, le propriétaire de l’animal lui en avait confié la garde, étant précisé que le fait qu’il ait accepté de tenir son chien est sans incidence sur cette question de la garde dès lors que le propriétaire n’a fait qu’assister le vétérinaire qui a conservé l’usage, la direction et le contrôle du chien.

Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr