LA CRYPTOSPORIDIOSE OVINE EN FRANCE - La Semaine Vétérinaire n° 1900 du 21/05/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1900 du 21/05/2021

ACTUALITÉS

PRATIQUE MIXTE

FORMATION

Auteur(s) : CLOTHILDE BARDE

CONFÉRENCIER

KARIM ADJOU, École nationale vétérinaire d’Alfort, Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (Anses), Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), université Paris-Est.

Article rédigé d’après la conférence présentée lors du congrès de la Société nationale des groupements techniques vétérinaires (SNGTV) du 28 au 30 octobre 2020 à Poitiers.

Cryptosporidium est un parasite protiste intracellulaire obligatoire qui infecte un large éventail d’hôtes vertébrés, dont l’homme1, et constitue une menace importante pour la santé publique. En effet, il s’agit d’une source avérée d’infection dans plusieurs foyers de cas humains2. Les signes cliniques de l’infection chez les jeunes ruminants (veaux, agneaux et chevreaux) comprennent la diarrhée, la déshydratation, le retard de croissance et la perte de poids, à l’origine de pertes économiques considérables associées à la morbidité et à la mortalité. Les approches moléculaires visant à caractériser génétiquement les cryptosporidies ont permis de mieux comprendre l’épidémiologie de la maladie3 et actuellement, plus de 38 espèces de Cryptosporidium validées ont été décrites4,5 : principalement C. parvum, C. ubiquitum, C. xiaoi, C. hominis, C. andersoni, C. fayeri et C. suis6. Cependant, comme on ne sait pas encore quelles espèces/sous-types spécifiques de cryptosporidies infectent les moutons en France, ce travail visait à identifier Cryptosporidium au niveau moléculaire chez les agneaux. En outre, par le biais de la caractérisation génétique, cette étude a conduit les vétérinaires à étudier le potentiel des agneaux comme réservoir zoonotique pour l’homme.

Une analyse génétique précise

À cet égard, entre novembre 2018 et avril 2019, 23 échantillons de matières fécales (MF) ont été prélevés chez des agneaux (rectum) provenant de sept fermes sélectionnées au hasard dans deux départements français : le Tarn et la Haute-Vienne. Ces derniers étaient âgés de moins de 11 jours et présentaient une diarrhée. Tous les échantillons ont ensuite été concentrés à partir de 1 g de matière fécale, puis ont été soumis à un dépistage de la présence d’oocystes de Cryptosporidium par des tests d’immunofluorescence directe (IFD). Les lames ont été examinées au microscope à fluorescence et les échantillons ont été jugés positifs lorsqu’au moins un oocyste de Cryptosporidium était observé par lame. Puis les échantillons dont l’IFD était positive ont été soumis à une extraction génomique de l’ADN à l’aide du minikit de matières fécales ADN QIAamp (Qiagen, France). Les différentes espèces de Cryptosporidium présentes ont ensuite été identifiées en effectuant une analyse du polymorphisme de la longueur des fragments de restriction (RFLP, pour restriction fragment length polymorphism) avec les endonucléases SspI et MboII sur les produits de PCR de l’ARNr 18S (New England BioLabs, France) et les sous types de C. parvum ont été mis en évidence par une analyse du gène de la glycoprotéine gp60.

Des contaminations fortes des ovins

Bien que le nombre d’échantillons inclus dans cette étude soit faible, il semblerait que l’espèce Cryptosporidium soit un agent de diarrhée néonatale mais d’autres pathogènes intestinaux (Escherichia coli, Salmonella, coccidies, etc.), qui n’ont pas été étudiés ici, pourraient également être des agents responsables de la diarrhée chez ces agneaux. Les échantillons positifs à l’IFD ont montré que les agneaux excrétaient entre 2000 et 90 millions d’oocystes par gramme de fèces (OPG) par détection directe des oocystes7. Ce niveau élevé est similaire à celui trouvé dans une étude précédemment réalisée en France (intensité d’excrétion d’oocystes atteignant 8 millions d’oocystes par gramme de fèces chez certains veaux8). Par ailleurs, la PCRRFLP et l’analyse de la séquence du gène de l’ARNr 18S ont confirmé que l’espèce C. parvum était présente chez les agneaux alors que, l’espèce C. xiaoi, bien que souvent signalée chez les petits ruminants dans d’autres pays, n’a pas été identifiée dans cette étude6. Au cours de ce travail, le sous-type dominant de l’isolat de C. parvum présent chez les agneaux était IIaA15G2R1, tandis que le sous-type IIaA16G3R1 était signalé à des taux plus faibles. Ces résultats sont cohérents avec ceux obtenus précédemment.

Des réservoirs zoonotiques importants

Or, d’autres travaux de recherche ont permis de montrer que les soustypes IIa présentent un risque réel pour la santé publique3, les agneaux constituent donc des réservoirs au potentiel zoonotique. De plus, il semble que le sous-type IIaA15G2R1 C. parvum soit hypertransmissible, ce qui pourrait expliquer sa prédominance5. Des études supplémentaires sont donc nécessaires pour déterminer si ce sous-type est uniquement isolé de la reproduction d’espèces mixtes, ou si la prédominance du sous-type est due à un seul hôte disponible restreint et si cette observation se vérifie dans d’autres régions du pays à une plus grande échelle géographique. Enfin, une étude sur des agneaux cliniquement sains (sans diarrhée) serait intéressante pour rechercher des porteurs asymptomatiques dans les élevages comme l’a montré une première étude récente réalisée en France9.

1. Bouzid M., Hunter P.R., Chalmers R.M. et coll., Cryptosporidium Pathogenicity and Virulence, Clin. Microbiol. Rev., 2013;26:115-134.

2. De Graaf D.C., Vanopdenbosch E., Ortega-Mora L.M. et coll., A review of the importance of cryptosporidiosis in farm animals, Int. J. Parasitol. 1999;29(8):1269-1287.

3. Xiao L., Molecular epidemiology of cryptosporidiosis : an update, Exp. Parasitol., 2010;124:80-89.

4. Osman M., El Safadi D., Benamrouz-Vanneste S. et coll., Prevalence, transmission, and host specificity of Cryptosporidium spp. in various animal groups from two French zoos, Parasitol. Res., 2017;116(12):3419-3422.

5. Feng Y., Ryan U.M., Xiao L., Genetic diversity and population structure of Cryptosporidium, Trends Parasitol., 2018;34(11):997-1011.

6. Paraud C., Chartier, C., Cryptosporidiosis in small ruminants, Small Rumin. Res., Special issue : Specificities of parasitism in goats and sheep : interactions with nutrition and control strategies, 2012;103:93-97.

7. Cacciò S.M., Thompson R.C.A., McLauchlin J. et coll., Unravelling Cryptosporidium and Giardia epidemiology, Trends Parasitol., 2005;21(9):430-437.

8. Rieux A., Chartier C., Pors I. et coll., Dynamics of excretion and molecular characterization of Cryptosporidium isolates in preweaned French beef calves, Vet Parasitol, 2013;195(1-2):169-172.

9. Bordes L., Houert P., Costa D. et coll., Asymptomatic Cryptosporidium infections in ewes and lambs are a source of environnemental contamination with zoonotic genotypes. Parasite, 2020;27:57, publié en ligne 3 novembre 2020.

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