DES ANIMAUX, DES DATAS ET DES VÉTÉRINAIRES, OPPORTUNITÉS OU MENACES ? - La Semaine Vétérinaire n° 1900 du 21/05/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1900 du 21/05/2021

CONFÉRENCE

PRATIQUE MIXTE

Auteur(s) : LORENZA RICHARD

Après avoir dressé un état des lieux des données numériques disponibles dans leur exercice quotidien, Raphaël Guatteo, professeur de médecine des ruminants à Oniris, a évoqué les opportunités pour le praticien lors du e-congrès de MSD Santé animale qui s’est déroulé en mars.

CONFÉRENCIER

RAPHAËL GUATTEO, professeur de médecine des ruminants à Oniris.

Les données, mais quelles données ? Et comment y avoir accès ? est la réponse usuelle des vétérinaires quand on leur parle d’intelligence artificielle et de datas, pourtant il s’agit d’une réelle source d’opportunités pour le praticien », a annoncé Raphaël Guatteo lors de son intervention au e-congrès de la santé animale de MSD, qui s’est tenu du 22 au 28 mars derniers. En effet, les datas inondent déjà notre quotidien. De nombreuses données sont accessibles et ont de la valeur pour le vétérinaire à l’instar du fichier client (segmentation des clients), du planning, du système de gestion des stocks (optimisation, disponibilité), du suivi du client et de l’animal (rappels de vaccins des bovins à développer). Ainsi, dans le cadre du traitement sélectif des vaches laitières, pratique à laquelle de nombreux éleveurs sont encore réticents, il peut être valorisé grâce aux données concrètes du logiciel métier qui permettent de visualiser la consommation intramammaire vs obturateur notamment.

Une classification s’impose

« En tout cas pour valoriser au maximum nos données, il est indispensable d’en faire l’inventaire ». a-t-il ajouté. Ces dernières, à l’état brut, non transformées, doivent présenter un caractère répétable et reproductible, être saisies de façon harmonisée et standardisée (surtout si les vétérinaires travaillent en réseau), être faciles à extraire, à consulter et à partager, pour ce faire une standardisation est importante, être stockées de façon pérenne sécuritaire et légale et enfin, le plus important, être utiles. C’est pourquoi le vétérinaire devrait, selon le conférencier, les cartographier en les agençant dans des catégories (suivi de vente, suivi d’observance, services, calibrage d’analyseur, gestion d’hospitalisation, compétences, référent, bibliographie, etc.) afin de déterminer quelles données sont utiles (donnée bien enregistrée et utilisée) dans tel ou tel élevage pendant une période déterminée.

Une opportunité à saisir

Et le contexte actuel s’y prête. Ainsi, avec le décret de 2020 relatif à l’expérimentation de la télémédecine par les vétérinaires1 et l’avis du comité d’éthique animal environnement santé créé par le Conseil national de l’Ordre des vétérinaires (CNOV) en faveur de l’utilisation de certains types de capteur sur les bovins2, de plus en plus de données sont collectées par les objets connectés afin d’être intégrées dans les pratiques quotidiennes. « Dans un monde parfait, le pilotage de précision des troupeaux de bovins se ferait à l’aide des outils connectés à l’échelle de l’animal et des troupeaux permettant la production de données en continu traitées par un algorithme qui vient comparer les données observées et les données prédites », a indiqué Raphaël Guatteo avant d’ajouter que si les données collectées sont trop différentes de celles attendues (intensité, durée), l’éleveur reçoit une alerte avec une information ou la donnée brute. Dans tous les cas, l’éleveur doit ensuite pouvoir envoyer un feed-back à la machine pour dire si la donnée est intéressante ou non afin que celle-ci s’auto-améliore. Idéalement, ces données de l’élevage devraient pouvoir être partagées avec tous les intervenants de l’élevage grâce à leur homogénéité, ou interopérabilité, avant de faire l’objet d’une valorisation collective (amélioration génétique, surveillance d’une maladie au sein d’un élevage) et de s’exporter au-delà de l’élevage pour rapprocher élevage et société (plus de transparence, de traçabilité).

Un chemin à poursuivre

Or, en réalité il existe plusieurs écueils pratiques. En effet, « aussi surprenant que cela puisse paraître, aujourd’hui il n’existe pas de réglementation pour ces capteurs, pas d’autorisation de mise sur le marché (AMM) ou de certification par l’Union européenne (CE) permettant d’assurer la qualité de ces dispositifs numériques et des données générées », a ajouté le conférencier. De plus, en termes de feed-back de l’homme vers la machine et inversement, il y a peu d’échanges lors de la conception des outils eux-mêmes et un manque de formation et d’information des éleveurs quant aux potentiels de ces outils. Concernant la valorisation des données, aujourd’hui l’interopérabilité est limitée et leur exploitation pose des problèmes juridiques quant à leur appartenance. Mais ces inconvénients pourraient être transformés en opportunités avec une bonne calibration des outils pour avoir des indicateurs clés de performance utiles pour les référentiels actuels tels que ceux de bien-être animal, des échanges de données avec tous les acteurs de l’élevage, notamment le bilan sanitaire d’élevage du vétérinaire. Et de conclure : « Il vaut donc mieux avoir moins de données mais des informations plus intéressantes ! Le train n’est pas passé nous sommes dedans et il faut savoir se placer en cherchant les stratégies les plus favorables pour nous pour le futur. »

1. www.bit.ly/3w028eo

2. www.bit.ly/3eJ805Z

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