La médiation - La Semaine Vétérinaire n° 19 du 15/12/2016
La Semaine Vétérinaire n° 19 du 15/12/2016

PROCÉDURE

ÉCO GESTION

Auteur(s) : MARINE NEVEUX 

Ce processus amiable de résolution des conflits fait intervenir un tiers dans la recherche d’une solution aux différends opposant, par exemple, un vétérinaire et un client. Plusieurs types de médiation existent. Comment cela fonctionne-t-il ? Explications.

La médiation peut intervenir avant (médiation conventionnelle) et lors d’un procès (médiation judiciaire). Lorsqu’une personne engage un procès, les tentatives de solutions amiables doivent figurer dans l’acte d’assignation (réforme de 2015 relative à la simplification de la procédure civile). « On montre ainsi au juge que, si l’on vient le solliciter, c’est que l’on n’a pas trouvé de solution amiable », indiquent Laurent Izac, maître de conférences1, et Françoise Housty, médiateur judiciaire2, lors de la journée d’enseignement postuniversitaire (EPU) de l’Association francophone des vétérinaires praticiens de l’expertise (AFVE), le 13 octobre 2016, à Lyon.

À l’heure actuelle, l’absence de médiation n’entraîne pas de sanction, mais le juge peut proposer une médiation judiciaire. Dans certains pays, dont l’Italie, « si jamais une tentative de règlement amiable n’a pas eu lieu, la convention d’honoraire de l’avocat est nulle. » En outre, la fixation de sa rémunération sera alors déterminée par le juge. « La responsabilité de l’avocat pourrait être engagée si celui-ci n’a pas proposé de solution amiable. »

Le processus de médiation

« La médiation est un processus de négociation facilité par un tiers impartial, automne, indépendant, dépourvu de pouvoir de décision, qui va permettre aux personnes de réaliser un projet, de résoudre une situation conflictuelle, d’établir ou de rétablir une relation », explique Françoise Housty.

Il existe différentes modalités de médiation. Elle peut concerner deux personnes comme davantage et s’articule autour de deux axes :

- la relation (pour pouvoir rentrer en dialogue),

- la solution (qui parfois va être mise à l’essai).

Le médiateur doit faire en sorte que les parties s’écoutent et vérifier que les personnes se comprennent mutuellement. Il convient de déceler les besoins respectifs de chacun – quelle est la motivation profonde du conflit (ce n’est pas toujours celle qui est apparente) –, de faire imaginer aux personnes le plus grand nombre de solutions possibles et de chercher les sorties équilibrées qui vont apporter de la satisfaction à l’une et à l’autre.

Apprendre à dire non dans la non-violence

« Le conflit est positif car il est adaptatif, poursuit Françoise Housty. C’est aussi une opportunité de changement. La médiation sert à assurer un changement de dynamique du conflit, ce qui nécessite une démarche et une formation. Il ne faut pas majorer le conflit. » Celui-ci est normal, mais c’est la façon de le gérer qui est problématique ou pas. On fait confiance en l’humain en considérant qu’il a assez de ressources pour se sortir de cette situation. « Le dialogue est toujours une arme plus affûtée que le judiciaire pour régler des conflits, même si ce dernier est parfois nécessaire. »

La scène de médiation est close. « C’est une forme de rituel, proche de la tragédie grecque : j’expose les motifs, il y a des gestes, des pleurs, etc., ce qui permet d’aller à la crisis pour parvenir ensuite à la purification, en libérant ce qui fait blocage, et passer à autre chose », explique le médiateur judiciaire, décrivant ce travail par étapes. Le conflit entretient un monologue. Alors que le dialogue, c’est accepter de rentrer dans la logique des deux : « J’accepte de me livrer pour que l’autre me comprenne, et j’accepte d’aller dans son monde. Je comprends, mais je n’accepte pas son point de vue. »

Éthique de la communication et de la discussion : s’assurer qu’un libre-échange existe

Le principe de médiation est de pouvoir tout se dire. Cela répond à une éthique de l’altérité : « Je reconnais l’autre comme un autre moi-même, et non pas comme un sous-humain avec lequel je serais en conflit. » L’expression du “dire” va être privilégiée. « On va essentialiser la situation à ce qui pose vraiment problème : on enlève les problèmes personnels, et cela se termine par un travail de coconstruction. »

La médiation repose sur une philosophie, un concept, et la posture de médiateur qui est le cœur de ce “métier”. Le médiateur doit se maintenir dans la posture de tiers – ce qui n’est pas une chose facile – afin de tenir à une juste distance les personnes et les problèmes. À travers l’empathie ou plutôt l’eumétrie, il s’agit de trouver la bonne distance, le risque de l’empathie étant de glisser vers la sympathie et une émotion. Le médiateur est uniquement un accompagnateur facilitateur, qui ne prend pas de décision.

Les personnes qui rentrent dans la démarche de médiation rentrent dans un cadre. Un cadre rigoureux qui concerne le médiateur lui-même (impartialité, confidentialité, neutralité, loyauté, diligence), où le respect des règles est important. Les personnes sont autorisées à tout se dire, mais dans le respect. Cette démarche n’est pas forcément simple au départ. Les personnes doivent travailler ensemble, ne pas se couper la parole, etc.

Impartialité = être ni pour l’un ni pour l’autre

Les seuls contacts avec le juge sont relatifs à l’acceptation d’une mission et d’une fin de mission. Le médiateur est neutre sur la décision finale, il n’a pas un intérêt particulier à ce qu’une personne transige d’une façon ou d’une autre.

Un bon médiateur est un facilitateur de dialogue. Le temps est un allié indispensable par rapport au conflit pour se poser et discuter de ce qui pose problème. « Dans la médiation, on déconnecte directement avec la faute, la culpabilité n’intéresse pas le médiateur. C’est donc un travail en profondeur sur les causes de conflit. »

Les pierres angulaires de la médiation

Le dialogue, l’acceptation de la différence, le changement de la dynamique du conflit, la responsabilisation des personnes sont les pierres angulaires de la médiation.

Le médiateur, parce qu’il ne sait rien du problème au départ, va chercher l’information, travailler sur le questionnement ; il s’impose de n’avoir aucun jugement de valeur. C’est aussi un tiers qui décide qu’il ne veut pas savoir qui a tort ou raison ; il s’intéresse à ce que sont les faits et à ce qui s’est passé. L’important pour lui est que ressurgisse la vérité de chacun. La réalité en tant que telle n’existe pas, seule existe la perception de la réalité de chacun.

Les personnes doivent d’abord comprendre leur désaccord. Quand elles arrivent en médiation, elles sont en décalage sur leur désaccord. Le simple fait de mettre en évidence cet aspect permet de traiter de façon plus fine les sources de désaccord. Et c’est faire en sorte que chacun accepte la différence de l’autre.

Accepter la différence de l’autre

Le médiateur recherche une solution consensuelle. Cela consiste à travailler sur les besoins respectifs de chacun et à mettre une solution en commun. « On passe de l’agressivité compétitive à une attitude de construction », poursuit Françoise Housty.

Le silence constructif est une notion importante, c’est celui qu’il faut respecter (pauses de réflexion).

Et l’écoute active, c’est participer à la recherche de l’autre.

Le médiateur aviseur est celui qui donne son avis, il est plus proche du conciliateur. Le médiateur accoucheur ne dit rien, il fait accoucher la solution.

Le médiateur facilitateur se donne pour mission de faciliter l’échange entre les personnes (techniques de conduite d’entretien, de recherche de l’information). Il permet de travailler sur les deux précédentes visions, ce qui est souvent recherché.

Il est possible de commencer par de la médiation et de finir par de l’arbitrage si les personnes n’arrivent pas à se mettre d’accord.

En utilisant des techniques d’entretien, on se met aussi à l’abri des risques de partialité. Cela permet de renforcer la sécurité des échanges, d’adopter une vraie posture de tiers et d’exposer les vraies causes profondes du conflit. La plupart des conflits ont comme source un malentendu ou la simple méconnaissance d’une information. Cela passe par un cycle d’interprétation, puis la personne ajoute des jugements de valeur. Ainsi, on ne voit pas du tout l’autre comme il est.

Le conflit

Le conflit cognitif s’appuie sur l’élaboration d’une pensée, d’un raisonnement.

Le conflit affectif est un problème relationnel ou de compréhension entre les personnes, qui empêche de passer à la vitesse supérieure et à la résolution du conflit cognitif.

La multidimensionnalité du conflit entraîne la multianalyse du conflit. Se mettre en situation de gestion du conflit, c’est prendre toute la dimension de celui-ci.

Selon Laurent Izac, dans la médiation, il n’y a pas de contradictoire, mais il y a de l’équité. Pour que chacun ait conscience de cette équité, chacun doit avoir le sentiment d’être traité par le médiateur de façon juste. Françoise Housty insiste : « S’il y a une quelconque suspicion de non-équité, cela pose problème. Judiciairement, nous ne sommes pas dans une pratique contradictoire. Mais c’est une pratique contradictoire où se déroule un échange. On respecte un temps égal par personne, dans les mêmes conditions, parce qu’on est tenu à une obligation de confidentialité. Dans la médiation, c’est un rapport d’égalité. Le médiateur doit avoir la confiance des deux parties. » Il s’agit d’un dialogue en face-à-face entre les deux “médiés” (l’un regarde l’autre et lui parle), alors que, dans le processus judiciaire, c’est un dialogue en triangle, (ce qui est totalement différent, car on parle au juge).

Le médiateur n’est pas en retrait, il est très actif. Le médiateur facilitateur se donne les moyens, par-derrière, d’aller chercher les bonnes informations.

Conciliation versus médiation

« Le conciliateur propose une solution qu’il va lui-même construire au regard de ce que les parties ont exprimé, mais c’est quand même lui qui est l’auteur de la solution et les parties vont y adhérer ou pas. » La solution proposée par le conciliateur est un jugement d’adhésion. « Le médiateur va aider les médiés à la construire. La solution qui émane de la médiation est l’œuvre des médiés. »

Ghislaine Jançon, secrétaire générale de la Chambre nationale de discipline au Conseil national de l’Ordre des vétérinaires, ajoute que, lors de plainte entre confrères, « on part du principe que l’on est dans une profession où le principe de confraternité est dans notre Code. Si un litige se dessine, les confrères doivent tenter de se concilier. L’Ordre n’a rien à y voir. Mais il y a obligation de passer par l’Ordre pour une conciliation, qui n’est pas faite par lui mais organisé par lui. L’Ordre va essayer de trouver un médiateur et c’est tout ».

1 Maître de conférences et responsable pédagogique du diplôme universitaire (DU) de médiation à l’université Toulouse 1 Capitole (UT1, Haute-Garonne).

2 Médiateur judiciaire près la cour d’appel de Toulouse, responsable de la pratique de la médiation au DU médiation civile et commerciale de l’UT1.

LA MÉDIATION REPOSE SUR TROIS CONCEPTS

Une caractéristique essentielle de la médiation de la consommation est la possibilité d’être résolue en ligne. Elle permet d’arriver à une solution sans passer par le juge. Elle “surfe” sur la tendance à la déjudiciarisation, qui plus est dans un contexte européen de litiges transfrontaliers où s’étend l’intérêt pour des modes de résolution extrajudiciaires. -  La notion de tiers, qui permet d’avoir une pensée ternaire et non binaire. Le tiers fait le miroir, et d’une certaine façon “arbitre” (ce n’est pas son rôle). Il va réguler les échanges.
-  Le processus, qui se distingue de la procédure : on peut s’autoriser à faire des allers-retours.
-  La réflexivité : par l’effet miroir, chacun se requestionne sur la situation dans laquelle il se trouve. On chemine à l’intérieur de soi-même.

LES MODALITÉS POUR LES LITIGES DE LA CONSOMMATION

-  La médiation est aisément accessible par voie électronique ou courrier simple. Le protocole prévoit la voie électronique en première intention.
-  La médiation est gratuite pour le consommateur.
-  Dès réception des documents, le médiateur notifie sa saisine. Les parties peuvent se retirer à tout moment (le médiateur aussi, sans donner de justification).
-  À la demande de l’une des parties, le médiateur communique tout ou partie du dossier.
Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr