LE DÉFI DE LA PERTE DE POIDS - La Semaine Vétérinaire n° 1899 du 14/05/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1899 du 14/05/2021

NUTRITION

PRATIQUE CANINE FÉLINE NAC

FORMATION

Auteur(s) : CHARLOTTE DEVAUX

Avec 30 à 40 % des animaux en surpoids ou obèse, la perte de poids est un sujet phare de la médecine préventive. Le surpoids ayant autant un impact sur la qualité de vie que sur la santé, il est du devoir des vétérinaires de le prendre en charge. Pour motiver les propriétaires à s’occuper du poids de leur animal, il convient de leur dire que le motif n’est pas esthétique mais bien la santé et le bien-être de leur compagnon. Un régime ne sera mis en place que si le poids de l’animal entrave sa qualité de vie ou présente des risques médicaux. Ainsi, chez le chat, les signes d’appel d’une nécessité à mettre en place un régime sont un poids supérieur à 6,5 kg qui augmente fortement le risque de diabète ou une incapacité à faire sa toilette. Chez le chien, des difficultés à se lever, à se déplacer ou un essoufflement sont des signes impérieux indiquant que le surpoids doit être traité.

Le nerf de la guerre : convaincre les propriétaires

Les propriétaires sont souvent dans le déni face au surpoids de leur animal, il convient de leur présenter les risques médicaux et la diminution de la qualité de vie qu’occasionne actuellement le surpoids de leur animal ainsi que le bénéfice attendu de la perte de poids : augmentation de la qualité de vie et surtout de l’espérance de vie, les études montrent que les animaux minces vivent plus longtemps que ceux en surpoids, jusqu’à 2 ans de plus ! En médecine vétérinaire, le régime n’est jamais pour raison esthétique mais toujours médicale. Convaincre les propriétaires de passer à l’action peut prendre plusieurs visites, parfois plusieurs années. Il est alors important de monitorer le poids à chaque visite pour leur montrer la cinétique. Un animal adulte qui prend du poids tous les ans, ce n’est pas normal !

L’étape indispensable : les calculs

La première étape de la perte de poids consiste à déterminer le poids de masse maigre (Pmaigre), soit le poids de tissu consommant de l’énergie dans l’organisme. Ce poids n’est pas forcément celui à atteindre mais c’est celui à nourrir ! Pour cela, on peut se baser sur le poids à 1 an pour les chats et les chiens de moins de 15 kg, et le poids à 18 mois pour les autres. Pour les chiens de race, le poids moyen peut être recherché dans Google, on prendra alors le poids le plus bas. Pour les chats, les études montrent que le poids moyen d’une femelle européenne se situe entre 3,5 et 4,5 kg, tandis que les mâles pèsent entre 4,5 et 5,5 kg. Une fois ce poids établi, de nombreuses équations peuvent être utilisées pour déterminer la quantité d’énergie à donner pour arriver à la perte de poids. En première intention, le besoin énergétique (BE) calculé ne devra pas être plus bas que le BE de repos : 70 x Pmaigre0,75. C’est donc cette dernière équation qui peut être choisie comme point de départ. Pour les chats, il est possible de commencer par BE = 45 x Pmaigre. Les propriétaires devront toujours être prévenus que ces équations représentent la théorie et leur animal la pratique. Comme nous ne vivons pas en théorie, ces chiffres devront être adaptés à la réaction de l’animal par un suivi minutieux.

Aliments et à-côtés compatibles

S’il n’y a pas de croquettes magiques, mais que des bons suivis, il y a quand même des aliments qui ne conviennent pas à la perte de poids. Ainsi, pour pouvoir revendiquer l’objectif nutritionnel particulier de la perte de poids, il convient d’avoir une croquette ayant une densité énergétique inférieure à 320 kcal/100 g chez le chien et 340 kcal/100 g chez le chat. La densité énergétique doit être déclarée sur l’étiquette et la teneur en nutriments augmentée. La littérature scientifique recommande un rapport protido-calorique (RPC) supérieur à 100 chez le chien et 110 chez le chat. Méfiance face aux aliments light, dont la seule obligation est de présenter 15 % de lipides en moins par rapport au produit équivalent de la même gamme. Tout dépend alors du produit de référence. Le choix de l’aliment s’accompagnera de celui des à-côtés. En effet, si les propriétaires en donnent, il est illusoire de leur demander d’arrêter, il conviendra cependant d’en limiter la quantité à 10 % du BE et de les réorienter vers des friandises maigres, tels les crevettes, le yaourt nature ou le jambon blanc découenné. Afin d’avoir une anamnèse nutritionnelle complète, il est essentiel de demander la liste de tout ce qui est avalé par l’animal sur 24 heures, en n’hésitant pas à relancer par un « et quoi d’autre ? » à chaque aliment mentionné pour s’assurer d’avoir une vision complète de ce que mange l’animal. Les propriétaires donnant beaucoup d’à-côtés pourront, si leur animal les apprécie, être orientés vers les fruits et légumes pour pouvoir garder le fait de donner, sans risquer de compromettre le régime.

Le pouvoir de l’ordonnance

Alex German, de l’université de Liverpool, grand ponte de l’obésité, recommande de faire des programmes d’amaigrissement de 12 semaines, suivis de 2 semaines de stabilisation, lors desquelles l’ingéré énergétique est augmenté de 10 %, puis de recommencer jusqu’à l’atteinte du poids permettant une amélioration suffisante de la qualité de vie et une diminution des facteurs de risque. La prescription comprendra le nom de l’aliment et sa quantité précise, celle-ci sera pesée quotidiennement ou mesurée à l’aide d’un verre doseur coupé à la dose exacte. Y figureront aussi le type et la quantité d’à-côtés autorisés, le mode de distribution de l’aliment - dans une gamelle anti-glouton pour les chats, dans un tapis de fouille ou dans le jardin pour les chiens - et le nombre de repas par jour. L’activité devra aussi figurer sur l’ordonnance pour une meilleure observance. Il a en effet été montré chez l’humain que l’activité prescrite sur ordonnance était mieux suivie qu’uniquement conseillée par les médecins. Chez le chien, les colliers tracker permettront de prescrire un nombre de pas et d’en vérifier l’observance, ce qui sera ludique et gratifiant pour les propriétaires. Chez le chat, des temps de jeu seront prescrits en évaluant les exercices préférés du félin ; dans certaines villes il existe aussi des prestataires réalisant de l’agility pour chat. Il conviendra de prendre en compte les possibilités actuelles d’activité de l’animal et de ses propriétaires et d’augmenter progressivement.

Les équations étant théoriques, il convient de faire un premier suivi au bout de 15 jours ou 3 semaines pour s’assurer que l’animal perd effectivement du poids, que la satiété est suffisante pour son confort et celui de ses propriétaires. Chez le chat, la satiété sera assurée en prescrivant une partie du régime sous forme humide et en ajoutant des légumes à la ration - souvent des courgettes. Tous les légumes prescrits aux chiens comme aux chats pourront être donnés à volonté pour rassasier l’animal. Les suivis pourront ensuite se faire toutes les 4 semaines afin de s’assurer de la persistance de la perte de poids et du maintien de la motivation des propriétaires. Lors de l’atteinte de la qualité de vie recherchée, le besoin énergétique sera augmenté de 10 % en vérifiant que le poids se stabilise. Le suivi sera ensuite espacé progressivement pour vérifier que l’animal ne reprend pas de poids. Il est indispensable de prévenir les propriétaires que les anciennes habitudes ne doivent pas être reprises sous peine de voir revenir l’ancien poids ! Plus qu’un régime, il doit s’agir d’un changement de mode de vie pour l’animal.

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