AMINOPÉNICILLINES ET SANTÉ PUBLIQUE - La Semaine Vétérinaire n° 1899 du 14/05/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1899 du 14/05/2021

ANTIBIOTIQUES

PHARMACIE

Auteur(s) : CÉLINE GAILLARD-LARDY

Le comité pour les produits médicaux à usage vétérinaire de l’Agence européenne du médicament a rendu en mars dernier son rapport sur l’usage vétérinaire des aminopénicillines et de leur association avec les inhibiteurs de la bétalactamase chez les animaux.

Le comité des médicaments vétérinaires (CVMP, pour Committee for medicinal products for veterinary use) de l’Agence européenne du médicament (EMA) recommande de limiter l’usage des pénicillines à large spectre et de préférer celles à spectre étroit en première intention1. Il souligne néanmoins l’absence de données précises concernant l’impact de leur utilisation sur la résistance et la santé humaine. Classées comme antibiotiques d’importance critique par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les pénicillines représentent la deuxième classe d’antibiotique la plus utilisée chez les animaux de production, et près de 29 % des ventes totales d’antibiotiques toutes espèces confondues, avec toutefois de grandes variations entre pays. Par exemple, hors Europe du Nord, il existe une préférence marquée pour les pénicillines à large spectre. Côté santé humaine, l’usage des pénicillines est encore plus répandu : elles constituent la classe d’antibiotiques la plus prescrite ; l’utilisation humaine de bétalactamines est d’ailleurs environ deux fois supérieure à celle des animaux (80 mg vs 40 mg/kg de biomasse estimée).

Le comité recommande un usage vétérinaire responsable des aminopénicillines sans inhibiteur de lactamase, classées par le Groupe spécial d’experts sur l’antibiorésistance (AMEG, pour Antimicrobial Advice ad hoc Expert Group) en catégorie D, en évitant les usages et traitements longs non nécessaires. Le traitement de groupe devrait également être réservé aux situations où le traitement individuel est impossible. De plus, les pénicillines à spectre étroit avec un risque plus faible d’antibiorésistance doivent être utilisées en première intention.

Restreindre l’usage de l’amoxicilline/acide clavulanique

Concernant les aminopénicillines avec inhibiteurs de bétalactamases, appartenant à la catégorie AMEG C, leur spectre d’action plus large leur confère une pression de sélection plus forte sur les organismes multirésistants. Un usage restreint est ainsi recommandé dans toutes les espèces, et particulièrement en productions animales, c’est-à-dire lorsqu’aucune substance de catégorie AMEG C ne présente d’efficacité clinique. De plus, en raison des forts niveaux de résistance chez les entérobactéries, le traitement des infections imputables à ces pathogènes avec ces antibiotiques devrait être subordonné aux résultats d’un antibiogramme.

Adapter les schémas posologiques

Le comité recommande également de revoir les schémas posologiques des médicaments vétérinaires contenant des aminopénicillines, afin de garantir l’atteinte d’objectifs pharmacocinétiques/pharmacodynamiques (PK/PD) et, par la suite, de minimiser le risque de sélection de la résistance, surtout face à des organismes intrinsèquement moins sensibles ou résistants tels que Enterobacterales et Bordetella bronchiseptica. De plus, une grande variété de schémas posologiques entre différents produits autorisés dans l’Union européenne existent, leur harmonisation permettrait d’assurer une posologie efficace. En outre, le comité conseille de standardiser les tests de sensibilité des aminopéniclllines et d’établir des seuils cliniques vétérinaires spécifiques à l’espèce animale et à l’infection, afin de permettre leur interprétation correcte. Selon ce rapport, la mise en place d’un système de surveillance harmonisé à l’échelle européenne, afin d’évaluer la résistance des agents pathogènes cibles provenant d’animaux de compagnie et d’animaux de production est en outre nécessaire.

Impact limité de l’usage vétérinaire

La résistance aux aminopénicillines est très importante chez certains organismes, mais il est actuellement difficile d’estimer dans quelle mesure l’utilisation de ces substances chez les animaux peut avoir des conséquences néfastes sur la santé humaine. Le risque de résistance aux antimicrobiens chez l’homme lié à l’utilisation vétérinaire des aminopénicillines est estimé inférieur à celui lié à leur utilisation en médecine humaine.

1. www.bit.ly/3tyDoIN

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