Le managementvétérinairedu futur - La Semaine Vétérinaire n° 1898 du 07/05/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1898 du 07/05/2021

Prospection

ANALYSE GENERALE

Auteur(s) : Par Marine Neveux

Le monde change… c’est une évidence ! Mais si le vétérinaire de demain évolue et ses aspirations aussi, quelles en seront les conséquences en termes de management ? C’est la question à laquelle s’est attachée à répondre la table ronde Capsul’vet organisée lors du e-congrès organisé par MSD santé animale1.

« Comment manager au mieux ces praticiennes et praticiens qui seront parmi nous d’ici deux à trois ans ? », interroge notre confrère David Lussot, directeur client et développement pour MSD Santé animale France. Le vétérinaire de demain est « plutôt une praticienne qui aspire à être généraliste dans son travail, dans une clinique où exercent 2 à 5 vétérinaires, plutôt en salariée, au moins dans un premier temps, et plutôt à temps plein ». En outre, le choix du premier job est lié à l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, et le facteur déterminant est l’ambiance au travail. Les vétérinaires de demain expriment également un intérêt marqué pour le développement durable, le recyclage, la gestion des déchets. Bien entendu, c’est un portrait-robot dressé dans les grandes lignes, même si tous les praticiens de demain ne ressembleront pas à cela. Mais alors comment manager au mieux ces équipiers ?

R : Rassurer

Comment attirer les jeunes vétérinaires dans nos cliniques et comment les garder à long terme ? Pour répondre à ces enjeux, les participants de la table ronde ont défini l’acronyme : RISE, s’élever en anglais). Le R est lié au terme : rassurer.

Il faut sécuriser ces jeunes praticiens de demain. « Pour attirer, il faut rassurer, c’est donc avant le recrutement », estime notre confrère Grégory Santaner. « 97 % des étudiants consultent le site internet de la clinique pour voir avec qui ils vont travailler, avec quel matériel, dans quels locaux. Donc rassurer, cela peut se faire avant, et cela joue aussi sur les avis en ligne : cela a un impact sur le souhait d’aller travailler à un endroit ou pas. »

Les débuts dans la structure sont essentiels. Pour Pierre-Marie Cadot, praticien et fondateur d’Eunoia : « Il est important de rassurer dès l’arrivée dans l’équipe. Car il y a beaucoup d’informations à délivrer et le temps pour les transmettre ne peut pas être pris sur le temps de travail. » Laisser un nouveau collaborateur se débrouiller seul est plutôt anxiogène. « On prépare en amont l’arrivée de la nouvelle recrue, on anticipe un temps d’accompagnement, si en plus on transmet un petit livret d’accueil qui reprend les informations de l’entreprise, c’est rassurant et cela permettra de libérer plus facilement le talent du nouveau vétérinaire et son savoir-faire. »

Hélène Ego, praticienne, met en avant l’importance des relations humaines dans la profession. « Plus je progresse, plus je vois dans notre métier que les succès et les défaites sont intimement liés aux relations avec les clients et aussi les équipes ». Développer la confiance est une des bases de la réussite. « Plus j’ai confiance moins j’ai peur : c’est le fondement de toute relation interpersonnelle »,ajoute Pierre Mathevét, président de Tirsev. « Les jeunes générations manquent de confiance en elles. L’équipe va être un espace de sécurité, d’où l’importance de travailler l’équipe. Si un équipier n’a pas assez confiance en lui, c’est l’implication de l’ensemble de l’équipe, c’est la responsabilité de chacun. Il n’y a de problème de confiance que parce que je n’ai pas confiance dans la bienveillance des autres ». Il n’y a de confiance que dans les actions et pas dans les paroles. La confiance permet de lutter contre les peurs.

I : Inspirer

Comment le ou les responsables de la structure arrivent-ils à inspirer les collaborateurs pour qu’ils se sentent bien dans la structure ? « L’horizontalité est très importante pour les jeunes générations, constate David Lussot,  la notion de mentor, de leadership est un concept très fort dans tous les types de structure ».

Pour Pierre Marie Cadot, un leader n’est surtout pas un chef. « La notion de chef a une connotation négative et hiérarchique. Le leader est choisi par les équipiers. » Le leader a la capacité à emmener une personne vers un projet, à donner envie d’avancer et de produire les missions définies. « Le leader a la notion forte de savoir ce qu’il faut faire. » « La posture du leader est son savoir-être »renchérit Pierre Mathevet. « Le leader est un pépiniériste : avec une notion de tuteur (accompagner au cas où), et aussi parce qu’il y a plein de plantes différentes, en tant que leader je vais accompagner toutes ces personnes ». Une autre notion importante est celle de l’authenticité :« le leader n’est pas celui qui est inoxydable et sans émotion. En rassurant alors que rien n’est sous contrôle, on peut générer de la peur ! ». En outre, la mission du leader est d’envoyer des signes de reconnaissance, de remercier sincèrement. « Et la chose importante aujourd’hui : c’est d’être optimiste et réaliste : voir le verre à moitié plein. »

S : Structurer

La nouvelle génération a besoin de s’accrocher à une structure fonctionnelle et solide. Pour structurer, il faut qu’il y ait un minimum de cadre. Un règlement intérieur permet de formaliser un certain nombre de choses. « C’est un outil simple, obligatoire au-dessus d’une certaine taille d’entreprise, mais qui va permettre de donner des règles tout simplement », comment Pierre-Marie Cadot. « C’est à l’intérieur du cadre que l’on a l’autonomie, donc c’est aussi un espace de liberté. Le règlement intérieur n’est pas forcément une obligation légale, mais c’est surtout une charte de bon fonctionnement. C’est important de traduire les valeurs en comportement attendu pour que cela fasse notre règle de fonctionnement », ajoute Pierre Mathévet.

« Une autre forme de règlement, est de travailler sur des valeurs,ajoute Grégory Santaner. Quand on dérape, cela permet de donner un cadre, de rappeler les valeurs. Et lors de la sélection du candidat, quelqu’un qui ne se reconnaîtrait pas dans les valeurs, ce n’est pas grave, il n’intègre pas la structure, alors que quelqu’un qui se reconnaît sera enclin à venir ».

Selon Hélène Ego, il convient de ne pas négliger la notion de temps de travail. « Le planning peut être extrêmement stressant pour les assistants. ». Structurer le temps, prioriser, anticiper sont des éléments qui rassurent.

E : Engagement, mobilisation des équipes

Où va-t-on ? Quelle direction l’entreprise prend-elle ? Quel objectif vise-t-on ? Autant de questions légitimes. Avoir une vision claire entre les associés, une vision partagée est crucial. « Nos jeunes vétérinaires vont être friands de se former et d’être accompagnés dans leur développement », déclare Pierre-Marie Cadot. Il est utile de les engager dans un modèle auquel ils vont pouvoir contribuer et maintenir ainsi la motivation. « La vision permet d’enrichir la quête de sens », ajoute David Lussot.

Selon Pierre Mathevet :« S’il n’y a pas de vision, il n’y a pas de direction. S’il n’y a pas de direction, il n’y a pas de sens. » Déjà dans le recrutement, il est utile de savoir ce qui pousse le vétérinaire à venir travailler dans la clinique. Il convient de s’adapter aux attentes individuellement et aussi à chercher le sens collectif.« À quoi contribuons-nous ensemble pour nos animaux, nos clients ? Ces questions sont importantes et on les travaille en équipe. » « Est-ce qu’une approche de type parcours n’est pas ce qui engagerait le plus les jeunes ? », interroge David Lussot. En effet, dans l’engagement, la capacité de voir une perspective est cruciale.

  • 1. E-congrès du 23 mars 2021. Lire aussi La Semaine Vétérinaire n°1896 du 23 et 30 avril 2021 en pages 10 et 11
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