La résilience de l’équipe à l’épreuve de la crise - La Semaine Vétérinaire n° 1898 du 07/05/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1898 du 07/05/2021

Management

ENTREPRISE

Auteur(s) : Par Jacques Nadel

L’intégration d’une culture de résilience individuelle, collective et organisationnelle devient une incontournable stratégie pour réussir à articuler les différents impératifs de gestion d’une entreprise et d’ajustements continuels face à la crise sanitaire.

En tant que manager, le chef d’entreprise détient un véritable rôle de structuration en proposant des processus de création de sens dans les actions à mener pour établir, ou rétablir, une stabilité significative d’équilibre pour les équipes qu’il encadre, rebondir pendant cette période inédite et s’adapter en regard de nouvelles contraintes inattendues de cette crise qui continue de bousculer nos cadres de travail. Sur le plan individuel, la résilience diminue les effets négatifs des traumatismes sur la santé mentale et physique : anxiété, stress, troubles musculo-squelettiques, burn-out, etc.

« La résilience apparaît comme une compétence essentielle à développer, individuellement et collectivement, afin de trouver de nouvelles solutions pour s’adapter aux difficultés rencontrées », définit Sophie Muffang, executive coach du cabinet SMC².

Meilleure cohésion dans l’adversité, meilleure mobilisation des ressources dans les situations critiques, performance durable de l’entreprise, même dans des circonstances tendues… L’enjeu est doublement important pour les dirigeants et managers qui doivent être capables de donner les clés à leurs équipes pour se réinventer.

Comment fonctionnent les personnes vulnérables ?

« La connaissance de nos tendances naturelles nous permet de mieux doser notre dépense d’énergie, pour chaque collaborateur, il faut savoir d’où il tire son énergie », expose Sandra Chauvin, associée fondatrice d’Opale Conseil. Pour cela, il existe un outil, le MBTI (pour Myers Briggs type indicator). Cet indicateur de personnalité permet de distinguer parmi les différents modes de fonctionnement et comportements possibles 4 dimensions et 8 polarités. « Pour savoir comment chacun puise son énergie pour se ressourcer, deux dimensions particulières sont plus particulièrement intéressantes, présente-t-elle. Il y a celle qui se caractérise par une préférence jugement avec une polarité extraversion. Dans un contexte déstabilisant et de perte de repères, ce profil est le plus vulnérable aux évènements car il ne permet pas d’anticiper et de s’organiser, son intérêt étant porté sur le monde extérieur. Avec cette catégorie de personne, le manager doit être dans un rôle d’écoute et de bienveillance pour trouver avec elle ses zones de ressources. »

L’autre dimension, à l’inverse, est plus dans une préférence perception et dans l’introversion : son intérêt pour le monde intérieur fait que la personne est moins dans l’échange. « Elle parvient à gérer et profiter d’opportunités pour mettre en place sa propre organisation qui lui permet de se ressourcer », indique Sandra Chauvin.

Pour mettre un collaborateur vulnérable en situation de se ressourcer, « il faut le nourrir de sujets pour lesquels il est pleinement actif, qui sont en rapport avec ses zones de compétence et d’appétence, recommande-t-elle. Il y a aussi un besoin de le recentrer au regard des objectifs de l’entreprise qui pourraient être décalés par rapport à l’énergie disponible de ce salarié. » Elle conseille aussi « de s’appuyer sur l’énergie et l’intelligence collectives de l’équipe pour que la dynamique ne s’écrase pas », par exemple en instaurant un travail en binôme entre une personne vulnérable et une autre qui a de l’énergie à revendre.

La tête, le cœur et le corps

Pour être capable de développer la résilience d’une équipe, le dirigeant doit faire appel à toutes ses compétences managériales : prévention et gestion de conflits, gestion de la conduite du changement, favorisation de l’autonomie des collaborateurs, écoute active, etc. Mais aussi compétent soit-il, « il ne peut changer l’autre car on ne peut que se changer soi-même, prévient Sophie Muffang. Il faut donc travailler sur la capacité des individus à gérer leur propre résilience, à trouver des ressources en eux, à se mobiliser et à faire en sorte de rester dans une dynamique positive. »

Pour libérer le potentiel et les énergies de leurs collaborateurs, le parcours de transformation managériale est fondé sur l’alignement des personnes dans les trois dimensions qui les constituent : la tête, le cœur et le corps. Leur alignement détermine la capacité de chaque individu à agir de façon fluide et efficiente. « La dimension tête, basée sur une réflexion résolutive, évite d’avoir à penser en boucle à un problème décourageant et déprimant ; la dimension du cœur se focalise davantage sur les émotions positives et non sur ce qui s’est mal passé (problème avec un client, retards répétitifs d’un collaborateur, etc.), afin de retrouver confiance et sérénité qui se transmettront à l’entourage ; enfin, la dimension corps permet de travailler sur l’écoute de soi et des autres, sur la transmission de signaux rassurants (verbaux, paraverbaux, mots d’encouragement, voix, posture, etc.). Dans cette interaction directe avec ses collaborateurs, il est important de communiquer des bonnes nouvelles (réussite d’une action, réception d’un produit manquant depuis longtemps, atteinte d’un objectif individuel, prise d’initiative personnelle, etc.). Car dans cette période compliquée que nous traversons, les équipes ont besoin d’être rassurées, le manager doit montrer qu’il a confiance dans l’avenir et dans la capacité de son équipe à faire face vis-à-vis des clients. »

Agir sur 5 sources d’énergie

Croire qu’il est possible de susciter un engagement durable et la résilience sans remettre l’équipe en « mode actif » est une illusion. C’est bien à la qualité de l’activité de travail qu’il faut s’atteler d’abord. Cette approche accorde une place essentielle aux actions destinées à redonner aux collaborateurs la maîtrise de leur travail par la gestion optimale des énergies. « La satisfaction de besoins fondamentaux est un levier de performance », rappelle Sophie Muffang. Dormir, manger, bouger, se relaxer, être en lien avec les autres concourent à la gestion de sa résilience. Par exemple, « se lever de sa chaise de bureau régulièrement, envoyer un SMS à quelqu’un dans la journée, s’étirer, faire des exercices respiratoires, prendre un café avec un carré de chocolat, arroser des plantes, faire un jeu sur Internet sont autant de petites astuces pour décompresser et remobiliser ensuite son cerveau sur son travail », illustre-t-elle. « Le lâcher-prise a une dimension intéressante pour permettre à chacun de faire preuve d’agilité et de clairvoyance, de s’adapter face à des situations et préoccupations complexes, contrôlables et incontrôlables », explique ce coach qui conseille de lister les préoccupations simples, complexes et contrôlables pour libérer l’esprit d’une charge mentale trop envahissante. « Il faut distinguer celles qui relèvent de l’individu, du collectif et d’évènements extérieurs, puis réfléchir sur celles où l’on peut agir et enfin accepter de ne pas pouvoir contrôler les évènements que l’on ne maîtrise pas (Covid-19, vaccin, etc.) », poursuit-elle.

Des réunions d’équipe différentes

Pour s’engager véritablement, les collaborateurs ont besoin de comprendre la stratégie de leur entreprise, de trouver du sens à leurs actions et d’être accompagnés par des managers en posture de leaders qui les écoutent, qui sont attentifs à leurs signaux de détresse (un changement de comportement, un collaborateur qui arrive en retard, plus distrait, moins loquace, etc.) et qui les aident à prendre « leur place » et à se mettre en mouvement. « L’organisation d’une réunion d’équipe peut apporter des solutions, elle devra être différente des rencontres habituelles, mettre à distance les préoccupations ordinaires et être orientée sur la charge mentale et émotionnelle induite par la crise sanitaire et économique pour aider les salariés à s’en libérer », souligne Sophie Muffang.

À l’échelle des établissements de soins vétérinaires, la problématique se pose moins en termes de risque économique (entrée en procédure collective de l’entreprise, chômage partiel, licenciement, etc.) compte tenu du maintien de leur activité pendant l’épidémie qu’en termes de risque sanitaire pour soi-même et son entourage proche (enfant, parent à riu , etc.).

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