« Depuis mon enfance, je me rêve en “docteur Daktari” » - La Semaine Vétérinaire n° 1898 du 07/05/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1898 du 07/05/2021

Biodiversité

ANALYSE GENERALE

Auteur(s) : PAR CHANTAL BÉRAUD

Des vétérinaires, alliés à d’autres protecteurs de la Nature, sont en train d’inventer de nouvelles formules de recueil de dons afin notamment de préserver la biodiversité. Les praticiens les soutiendront-ils dans ce pari osé ? Rencontre avec l’un de ces passionnés, Alain Moussu, praticien en canine.

Le grand public imagine volontiers le praticien vétérinaire comme étant le grand protecteur de tous les animaux dans leur environnement : de nos chats domestiques jusqu’aux lointaines panthères noires. Mais concrètement ? Cette image mythique pourrait bien devenir une réalité, les vétérinaires pourraient se mobiliser dans les mois à venir, en servant « simplement » d’interface entre leur clientèle et des associations de protection de la Nature. Il semblerait même que tout le monde ait à y gagner. L’idée vient notamment d’hommes passionnés et militants. Tel Alain Moussu (Alfort 1984), praticien en canine dans le réseau vétérinaire Univet.

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Où votre engagement trouve-t-il son origine ?

Depuis mon enfance, je me rêve en « docteur Daktari » ! Comme je suis en particulier passionné d’ornithologie, j’ai rejoint la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO​​), où j’ai notamment rencontré le naturaliste Benjamin Kabouche.

Cette rencontre a été décisive dans votre parcours puisqu’en 2018 vous avez avec Benjamin Kabouche rejoint un fonds de dotation pour protéger des habitats naturels encore de très bonne qualité écologique dans divers sanctuaires où vivent des animaux sauvages, notamment en Malaisie, en Indonésie et à Madagascar1. Quel a été le déclic ?

Après avoir dirigé pendant vingt ans la LPO Provence-Alpes-Côte d’Azur, Benjamin a quitté ses fonctions pour former avec moi un binôme au service d’Univet Nature, un fonds de dotation d’origine vétérinaire créé en 2018. Il y a deux ans, j’ai découvert que l’on pouvait adapter le TPE (terminal de paiement électronique) des cliniques pour inciter les clients à faire un don pour soutenir nos actions. Lors de son passage en caisse, le TPE propose au client de faire un petit don. Ce message est oralement accompagné par une simple phrase du vétérinaire ou de l’ASV. Nous conseillons aux cliniques qui adhérent à notre démarche de choisir un don fixe à hauteur de cinquante centimes, pour ne pas rencontrer de difficulté comptable et obtenir l’adhésion du client. Sur ces 50 centimes, 6 centimes reviennent à l’entreprise Heoh qui met à notre disposition sa solution sécurisée de collecte digitale. Les 44 centimes restants vont à Univet Nature et sont intégralement reversés aux associations de terrain de droit français que nous soutenons.

Comment votre démarche est-elle perçue ?

Les ASV, les jeunes générations et les femmes, tous métiers confondus, sont les plus réceptives à cette forme d’engagement.

Qu’elles appartiennent ou pas au réseau vétérinaire Univet, toutes les cliniques peuvent-elles devenir collectrices ?

Oui. Concrètement, chaque clinique parvient en moyenne quotidiennement à collecter 10 euros. C’est fantastique de penser qu’un jour de collecte dans une structure permet par exemple de financer 3 à 6 journées de travail d’un garde à Madagascar, pour lutter contre le braconnage des lémuriens ou y œuvrer à la reforestation.

Les cliniques seraient-elles les futures championnes de la biodiversité planétaire ?

Comme il existe environ 6000 cliniques en France, si chacune d’elles collectait disons 2000 euros par an, on parviendrait en théorie à récolter 12 millions d’euros ! C’est colossal : très peu d’associations de protection de la Nature gèrent pour le moment autant d’argent.

Quel est votre objectif à moyen terme ?

Faire que d’ici trois à cinq ans, les professions vétérinaires et ASV deviennent ensemble un des premiers acteurs de la biodiversité dans notre pays. Il y a urgence : on sait qu’actuellement, seulement 1 % des fonds recueillis en France sont versés pour la survie des animaux sauvages. Pourtant, avec la crise de la Covid-19, on voit à quel point il est maintenant vital de préserver les santés environnementale, animale et humaine dans le monde et de mettre enfin en pratique le concept One Health.

CLAIRE BENISTI

Responsable du mécénat et des partenariats privés, Agronomes et vétérinaires sans frontières (AVSF)

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Nous espérons monter un réseau des cliniques partenaires

L’association AVSF se lance dans la collecte de petits dons via les cliniques et groupements vétérinaires, car c’est un système rapide, simple et flexible à mettre en place. Le succès attendu de cette opération repose sur le fait que de nombreux clients partagent un lien presque affectif avec leur vétérinaire, et seront donc vraisemblablement sensibles à l’engagement de leur praticien ! Notre objectif est de parvenir à 30 à 40 cliniques partenaires, d’ici fin 2021. C’est un moyen simple de contribuer au soutien de l’élevage et de l’agriculture paysanne dans les pays du Sud, en finançant sur le terrain la formation d’auxiliaires para-vétérinaires, l’appui au développement des services publics vétérinaires locaux, etc. Nous sommes en effet actuellement dans un contexte où il est de plus en plus difficile de lever des fonds publics (qui constituent encore environ 80 % du budget d’AVSF), avec des fonds privés qui se raréfient également. Nous espérons que cette nouvelle forme de collecte offrira une troisième voie pour financer nos projets. Comptant sur la mobilisation des vétérinaires, nous venons de leur créer une nouvelle page dédiée, consultable sur https://www.avsf.org. Ils peuvent aussi me contacter directement par mail à c.benisti@avsf.org

Univet Nature, en chiffres

En 2020, Univet Nature fonctionnait avec 70 structures vétérinaires collectrices de petits dons. Et 100 000 euros ont été distribués aux 15 associations bénéficiaires sélectionnées par le fonds.

Grand gala national en faveur de la faune sauvage

Univet Nature organise le lundi 27 septembre prochain à Nice La Soirée de l'espoir pour les animaux sauvages. Les cliniques vétérinaires peuvent inviter leurs clients à participer par visioconférence1 à ce grand gala national de soutien à la faune sauvage. En cours de soirée, les associations bénéficiaires soutenues par Univet Nature monteront sur scène pour présenter leurs actions, et des dons en ligne pourront être faits. Le montant récolté s’affichera au fur à mesure sur les écrans. Quelques riches bienfaiteurs ainsi que des personnalités vedettes de la protection animale devraient contribuer à animer cet original « téléthon » animal d’un nouveau genre !

1. http://www.gala-univet.fr

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