VÉTÉRINAIRES POUR TOUS : UNE INITIATIVE BIENVENUE DANS LA PROFESSION ? - La Semaine Vétérinaire n° 1896 du 23/04/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1896 du 23/04/2021

EXPRESSION

LA QUESTION EN DÉBAT

Auteur(s) : TANIT HALFON

Grâce aux subventions du plan de relance du gouvernement, le dispositif de médecine solidaire Vétérinaires pour tous (VPT) a été relancé. Son objectif est de construire un réseau de vétérinaires praticiens qui pourront contribuer à faciliter l’accès aux soins pour les animaux des personnes démunies et celles sans domicile fixe.

UNE OPPORTUNITÉ À SAISIR

HÉLÈNE RONDEAU (T 03)

Vétérinaire en canine à La Possession (La Réunion)

La quasi-totalité des vétérinaires de l’île sont déjà mobilisés depuis de nombreuses années dans la lutte contre l’errance animale, au sein de la structure associative le Gevec1. Dans ce cadre, nous organisons toute l’année des campagnes de stérilisation des carnivores domestiques. Avec le lancement de Vétérinaires pour tous (VPT), nous avons changé les statuts du Gevec, qui est désormais une association régionale VPT. Plus de trois quarts des praticiens de l’île adhérent à l’association. Cette évolution me semble très positive, car elle devrait permettre d’élargir l’offre de soins pour les animaux au-delà de la seule stérilisation. C’est d’autant plus important ici, La Réunion étant caractérisée par un niveau de pauvreté important. J’espère aussi que VPT renforcera l’image du vétérinaire en tant qu’acteur engagé contre la maltraitance animale. Cela dit, j’ai une inquiétude quant au fait qu’il pourrait y avoir un surplus de demandes, avec le risque d’avoir certains propriétaires agressifs si la prise en charge médicale de leur animal n’est pas acceptée, faute de budget.

À CONTRESENS DE L’INTÉRÊT GÉNÉRAL

THIERRY BEDOSSA (A 89)

Praticien en canine à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine)

De manière très factuelle, la profession vétérinaire n’est pas un acteur majeur de la protection animale en France. Ce sont les associations de protection animale qui assurent principalement ce rôle. À travers elles, ce sont plusieurs millions d’euros qui sont investis chaque année pour soutenir des missions d’hébergement d’animaux abandonnés, de stérilisation d’animaux errants ou en cours d’adoption, ou encore de soins aux animaux de personnes impécunieuses, via les dispensaires ou les aides financières. Face à cette réalité, je trouve scandaleux que le ministère ait attribué un quart du budget du Plan de relance dédié à la protection animale au dispositif Vétérinaires pour tous, et pas à des acteurs déjà bien structurés sur le terrain et dont l’expertise n’est plus à démontrer. Ces financements auraient été plus que bienvenus, notamment pour les plus petites associations qui travaillent avec des budgets très contraints, certaines ne disposant pas de refuges, et grâce à la bonne volonté de milliers d’individus. Cette décision du ministère ne va pas dans le sens de l’intérêt général, et relève, à mon sens, d’un certain corporatisme.

UN ENGAGEMENT COLLECTIF

NATHALIE SIMON (A 79)

Vétérinaire comportementaliste à La Chapelle-sur-Erdre (Loire-Atlantique), ancienne présidente de VPT 44

J’encourage les vétérinaires à se saisir de cette formidable opportunité de dispenser des soins de qualité à tous les animaux. VPT, c’est un état d’esprit solidaire : alors oui, cela implique forcément une part de dons inévitables. Mais grâce à l’engagement de tous, on évitera à certaines structures d’être plus sollicitées que d’autres et le réseau pourra perdurer sur le long cours. Au-delà de cette participation collective pour les actes, d’autres aspects me semblent essentiels pour que le système fonctionne, en premier lieu pouvoir bénéficier de personnel compétent pour la logistique, à l’échelle locale et nationale. C’est ce que nous avions fait au VPT 44 avec une secrétaire compétente dans le domaine social, qui entretenait des contacts réguliers avec les mairies, les structures sociales, etc. pour mieux identifier les personnes démunies et qui ne demandent pas toutes de l’aide. De plus, je pense qu’une participation des laboratoires et des assurances est nécessaire en complément, car, selon les actes concernés, certains propriétaires ne pourront pas payer leur tiers restant et cela risque de s’aggraver avec le contexte actuel.

1. Groupe d’étude vétérinaire sur l’errance des carnivores. L’association a été créée en 1998.

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