LE MONDE DE DEMAIN - La Semaine Vétérinaire n° 1896 du 23/04/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1896 du 23/04/2021

PROFESSION

ANALYSE

Auteur(s) : MARINE NEVEUX

Que réserve l’avenir au corps vétérinaire ? Vaste sujet ! Des tendances se marquent et une enquête réalisée auprès des étudiants des écoles vétérinaires, et présentée le 23 mars 2021 lors du e-congrès organisé par MSD Santé animale, apporte des réponses.

Le futur du monde vétérinaire était au centre des préoccupations de la table ronde qui a eu lieu lors du e-congrès organisé du 22 au 28 mars derniers, et a permis de décrire les attentes des praticiens de demain. Elle s’appuie sur une vaste étude menée par MSD Santé animale en partenariat avec le Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral (SNVEL) auprès des étudiants des 4 écoles vétérinaires françaises, de la faculté de Liège et de l’université de Cluj en Roumanie. Un retour de 600 questionnaires apporte des informations intéressantes.

Une attirance pour l’exercice hors France

Première tendance qui progresse au fil du temps : le pays d’exercice souhaité n’est pas forcément la France. Ainsi 23 % des étudiants répondent pour leur premier job ne pas vouloir exercer en France. Notre consœur Fanny Garcia, praticienne en rurale, Loire-Atlantique, et autrice du livre Au boulot ! paru aux éditions du Point Vétérinaire1, témoigne d’ailleurs de son expérience à Saint-Hyacinthe au Canada en canine : « Cela m’a permis d’exercer d’une autre façon la médecine vétérinaire, cela apporte une ouverture d’esprit et beaucoup de rigueur. » Louis Jeanton, étudiant en deuxième année à l’ENVA, constate aussi que beaucoup de ses amis voudraient aller à l’étranger et notamment en Amérique du Nord. « C’est anticipable d’un point de vue générationnel, on vit dans un monde très ouvert, analyse Éric Lejeau, secrétaire général du SNVEL, il est alors intéressant que les diplômes obtenus dans les écoles francophones puissent avoir une reconnaissance en France, ce qui n’est pas le cas pour les diplômes nord-américains ». En effet, Emmanuelle Soubeyran, directrice de VetAgro Sup, à Lyon, note la nécessité « d’accompagner les étudiants en Europe et hors Europe et l’importance des accréditations internationales. Il y a des freins réglementaires à l’exercice mais l’on souhaite faire en sorte que ce soit possible de continuer. » « Un goût pour l’aventure », constate ainsi notre confrère David Lussot, directeur engagement client et développement MSD Santé animale France, « mais on part ainsi avec un déficit de la population vétérinaire dans les premières années d’exercice ».

Perception du niveau de formation et d’autonomie

Comment les étudiants perçoivent-ils leur niveau de formation et d’autonomie ? En médecine et en chirurgie, les résultats de l’enquête sont bons avec respectivement des notes de 16/20 et de 13/20. Les fondamentaux sont donc là. En revanche, côté autonomie, communication, RH et management, gestion, comptabilité, les notes sont plus basses.

« En pratique canine, on est assez vite en clinique à faire des consultations encadrées avec les propriétaires mais on a du mal à répondre à certaines questions. Le problème de communication est encore plus saillant en rurale, car on est très peu en contact seul avec les éleveurs donc ce n’est pas toujours facile de s’insérer dans un milieu, surtout quand on ne le connaît pas », note Fanny Garcia.

Louis Jeanton constate qu’aujourd’hui, « dès la rentrée de première année, nous abordons des notions de gestion et de comptabilité, et au deuxième semestre, on a des business games, on doit tout gérer : comptabilité, RH, etc. En deuxième année, on continue des business games, on est mis en situation donc on est obligé de s’en sortir, donc il y a plus de formations qu’auparavant. » Les résultats sont bien entendu variables en fonction des écoles vétérinaires.

« Ces résultats correspondent à ceux que nous retrouvons dans nos enquêtes », témoigne Emmanuelle Soubeyran. « Tout ce qui touche à la gestion et à la DRH-management ressort en déficit. Nous avons travaillé sur le référentiel national de formation, commun aux 4 ENV. Dans ce référentiel, nous avons identifié des macrocompétences. » À VetAgro Sup par exemple, un master est réalisé en partenariat avec l’université Lyon 3 et axé sur le management de la structure libérale vétérinaire. Il est suivi par une quinzaine d’étudiants chaque année. « Pour se rapprocher davantage de l’activité réelle, on devrait renforcer encore le partenariat avec la profession pour que les praticiens puissent accueillir avec des stages de plus longue durée », propose Éric Lejeau. C’est le principe du tutorat. Emmanuelle Soubeyran met en garde : « Nous avons intérêt à travailler en confiance et à bien comprendre les attentes des employeurs de nos futurs diplômés. Tout ce qui se passe dans les cliniques n’est pas formidable non plus, donc il faut peut-être travailler sur l’accompagnement des vétérinaires prenant des stagiaires si l’on pense à des stages longs ou à un système par alternance. » « Les mentors nous font progresser et nous aident à mieux rentrer dans la vie active après », déclare Fanny Garcia.

Quel projet d’exercice ?

Selon l’enquête, 97 % des étudiants souhaitent être praticiens : 82 % généralistes, 18 % spécialistes (ces derniers progressent). « La spécialisation est vue comme un graal, remarque Fanny Garcia. Il faut se poser la question : est-ce vraiment quelque chose qui me convient ? » Emmanuelle Soubeyran considère que « c’est à chaque futur diplômé de faire un choix. C’est un choix personnel ». « Plusieurs pays européens recrutent nos spécialistes, et on voit des CHV ou des centres de référés en France qui ont du mal à recruter des spécialistes. Donc ce n’est pas étonnant de voir des étudiants qui aspirent à la spécialisation, ils auront du travail », analyse Éric Lejeau.

Quelle est la projection en termes d’exercice ? Le statut d’associé recueille 43 %, celui de salarié aussi, et celui de collaborateur libéral 14 %. Sur ce dernier, Fanny Garcia explique qu’il convient de mieux le connaître pour s’y engager : « C’est un statut qui peut être intéressant avant de s’associer pour comprendre à petite échelle ce qu’est une microentreprise. » Quant à « l’attrait pour le salariat, il reflète peut-être les appréhensions de passer au statut de chef d’entreprise, du fait d’un sentiment d’impréparation », constate Éric Lejeau.

Et le type de structure ? Les étudiants se projettent dans des structures de 2 à 5 vétérinaires majoritairement, 80 % sur du temps plein, 20 % sur du temps partiel. Ils sont 77 % à se projeter plutôt sur une structure indépendante, et un quart sur des activités au sein de groupes.

1. www.bit.ly/2QeMhto

Les facteurs clés du travail

Les facteurs importants au travail sont : l’ambiance, le cadre de vie, l’équilibre vie professionnel et vie personnelle. Finalement, le plateau technique est évalué comme peu important. Louis Jeanton enchérit : « Maintenant la vie extraprofessionnelle (vie familiale, loisirs, etc.), c’est important. » Et Fanny Garcia de poursuivre : « L’ambiance au travail et le relationnel avec les collègues, c’est important, surtout pour le premier emploi. »

L’enquête aborde également la perception de ce qui est fondamental dans le développement futur des cliniques vétérinaires. Ressortent la médecine préventive en premier, puis la formation continue et le développement durable et la responsabilité de l’entreprise. La digitalisation et la technologie n’occupent pas une place majeure. « Cet aspect développement durable a vraiment émergé dans l’étude, ainsi que le bien-être animal », explique David Lussot. Ce sont donc tous ces aspects éthiques et sociétaux qui donnent du sens au travail.

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