LA CRYOTHÉRAPIE : EFFETS ET UTILISATION - La Semaine Vétérinaire n° 1896 du 23/04/2021
La Semaine Vétérinaire n° 1896 du 23/04/2021

PHYSIOTHÉRAPIE

PRATIQUE CANINE FÉLINE NAC

Auteur(s) : CHLOÉ BEHEYDT

La cryothérapie fait partie des techniques fondamentales de rééducation fonctionnelle. Elle se définit comme l’application de froid sur le corps dans le but d’abaisser la température cutanée des tissus en profondeur. Elle peut s’effectuer immédiatement après une chirurgie ou un traumatisme. Dans le monde vétérinaire, les études concernant son efficacité sont rares et concernent plutôt la filière équine. Les études en médecine humaine sont davantage fournies et permettent de comprendre en partie les mécanismes d’action du froid sur les tissus, bien que des recherches soient encore nécessaires pour en cerner tous les aspects.

Actions sur les tissus

L’application de froid sur la peau permet une diminution en profondeur de la température grâce aux échanges sanguins anastomotiques entre les vaisseaux en superficie et en profondeur. Le flux sanguin profond va réchauffer les tissus superficiels pendant la cryothérapie et même après le retrait de l’agent cryogène, jusqu’au retour de l’homéostasie, permettant une baisse de la température prolongée. En induisant un refroidissement en profondeur, moindre qu’en superficie, ce mécanisme est intéressant pour agir sur les muscles et les articulations.

La cryothérapie provoque une vasoconstriction locale de protection. Cette diminution du flux sanguin baisse les apports de cellules inflammatoires et de cytokines sur le site et réduit la formation de l’œdème (par baisse de la pression hydrostatique et veineuse post-capillaire), affaiblissant ainsi la réaction inflammatoire. Appliqué dans le quart d’heure suivant le traumatisme, le froid entraîne également une forte diminution de la perméabilité vasculaire et une baisse de l’activité métabolique des tissus sous-cutanés qui sont alors moins sensibles à l’hypoxie et produisent moins de cellules inflammatoires. D’ailleurs, la cryothérapie pourrait être plus efficace par l’induction d’un hypométabolisme que par son action sur les vaisseaux pour réduire la réaction inflammatoire.

Le froid possède des effets analgésiques intervenant par différents mécanismes, comme une baisse de la réaction inflammatoire mais également un ralentissement de la conduction nerveuse. Par exemple, lorsque les tissus descendent à une température comprise entre 10 et 15 °C, la vitesse de conduction est diminuée de 33 %. Il semblerait que les fibres motrices soient plus sensibles au froid que les fibres sensitives. Le froid permet de diminuer les spasmes musculaires douloureux par l’action sur les voies réflexes de contraction musculaire.

Les différentes études s’accordent pour indiquer que la température cutanée à obtenir doit être inférieure à 14 °C pour obtenir des effets analgésiques. Si la température cutanée peut être diminuée à 10 °C, un bloc nerveux se produit permettant d’arrêter les stimuli douloureux. Au niveau tissulaire, la température visée est de l’ordre de 20 °C dans le but de diminuer le nombre de fibres musculaires activées, d’abaisser le débit sanguin et d’augmenter le temps de latence des fibres nerveuses.

Méthode d’application

Les agents cryogènes peuvent être des poches de froid, des massages à l’aide de glace, une immersion dans l’eau froide ou de la cryothérapie par compression (voir encadré). La technique la plus utilisée, car la plus simple à réaliser, est l’application de poche de froid (ci-dessus), qu’il suffit de laisser au congélateur quelques heures pour garder une température négative pendant 20 à 40 minutes selon les modèles et la température du congélateur.

Le temps d’application de l’agent cryogène doit être compris entre 15 et 30 minutes : 15 minutes au moins sont nécessaires pour obtenir les effets analgésiques, mais si l’agent cryogène est en place plus de 30 minutes, des risques de paralysies nerveuses existent. Les risques de gelures sont évités en l’entourant d’un tissu fin.

L’agent cryogène doit être appliqué le plus rapidement possible après le traumatisme. L’idéal est de l’appliquer dans les quatre premières heures post-traumatisme pour limiter la mise en place du processus inflammatoire, mais il reste efficace pendant les trois premiers jours. Débuter la cryothérapie plus tard n’aura pas d’intérêt pour la diminution de l’inflammation. Elle permettra tout de même de prolonger les effets analgésiques, expliquant l’utilisation de la cryothérapie pendant cinq jours telle qu’elle est le plus souvent conseillée.

La présence d’un pansement entre la peau et le moyen cryogène peut diminuer les effets de la cryothérapie. Plus le pansement est épais, moins la cryothérapie est efficace. Il existe également une influence de la couverture graisseuse sur l’efficacité de la cryothérapie, le tissu adipeux étant un très bon isolant thermique.

Indication en chirurgie

En médecine humaine, la cryothérapie appliquée à la suite d’une réparation du ligament croisé crânial semble diminuer la douleur et l’utilisation d’opioïdes pendant la première semaine postopératoire. Une revue a mis en évidence que sur huit études portant sur l’évaluation de l’efficacité de la cryothérapie, cinq étaient en faveur de la cryothérapie. Ainsi, aucune certitude n’existe sur l’efficacité clinique de la cryothérapie malgré des effets prouvés sur les tissus. Néanmoins, n’ayant pas de contre-indications lors d’une utilisation standard, elle pourrait être utilisée régulièrement suite aux chirurgies orthopédiques dans toutes les cliniques du fait de la simplicité de sa mise en œuvre puis continuée par les propriétaires à raison de deux applications de 15 minutes par jour pendant cinq jours.

Pour en savoir plus : Chloé Beheydt, Effets de l’application de la cryothérapie précoce sur la récupération fonctionnelle suite à un nivellement du plateau tibial par ostéotomie (TPLO) chez le chien, thèse de doctorat en médecine vétérinaire, École nationale vétérinaire d’Alfort (ENVA), 2020.

LA CRYOTHÉRAPIE PAR COMPRESSION

La cryothérapie est a priori plus efficace lorsqu’elle est associée à une compression car celle-ci diminue l’espace disponible dans lequel les liquides pourraient s’installer (donc limiter l’œdème) et maximiser la surface de peau en contact avec l’agent cryogène tout en l’isolant de l’extérieur, l’empêchant de se réchauffer. L’association d’une compression à la cryothérapie ne modifie pas l’ampleur du refroidissement mais permet d’atteindre une température cutanée minimale plus rapidement. Une autre hypothèse de l’effet synergique de la compression et du froid serait l’augmentation de densité tissulaire permise par la compression qui permettrait une meilleure conduction thermique. Deux études ont mis en évidence des effets positifs de la cryothérapie par compression au lendemain et une semaine après ostéotomie de nivellement du plateau tibial (TPLO), notamment par des scores de douleurs et de boiteries plus faibles, une diminution de l’œdème et une meilleure amplitude articulaire. La cryothérapie par compression montre ainsi des résultats prometteurs mais son utilisation est compliquée en pratique car elle nécessite un animal très calme ou sédaté et du matériel spécifique.

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